Marc Bergevin est arrivé à la barre des Canadiens de Montréal alors que le club venait de connaitre l’une des pires saisons de son histoire. Il venait toutefois de se faire donner les clés d’un club comptant sur Carey Price, possiblement le gardien le plus talentueux de sa génération, ainsi que Max Paciorretty et P.K. Subban, deux jeunes joueurs qui commençaient à s’établir parmi les meilleurs de la LNH à leurs positions respectives. De plus, les déboires de l’équipe avaient permis au nouveau directeur général d’obtenir le troisième choix au total au prochain repêchage. À l’aide d’une vision faisant la promotion de la jeunesse et de succès immédiats sur la glace, l’ancien membre de l’état-major des Blackhawks de Chicago a redonné espoir aux partisans de la Sainte-Flanelle. Menés par un Price qui a enfin pu montrer l’étendue de son potentiel et en jouant un style de jeu intense et acharné sous Michel Therrien le début du règne de Bergevin fut un succès éclatant. Plusieurs se demandent encore ce qui aurait pu arriver au printemps 2015, n’eût été la blessure du cerbère suite à une collision avec Chris Kreider.
La suite du règne du DG des Canadiens est certainement en demi-teinte. L’équipe a manqué les séries trois fois en quatre ans (probablement 4 en 5 si ce n’était pas pour la Covid-19). Le manque de jeunes arrivés par le biais du repêchage a créé des manques flagrants de profondeur et a forcé le club à gaspiller des choix au repêchage à maintes reprises. Des joueurs adulés par les partisans tels que Subban, Andrei Markov et Paciorrety ont dû faire leurs adieux. Michel Therrien a perdu son emploi et suite à la catastrophique saison 2017-2018, Marc Bergevin a dû débuter ce qu’il a appelé une réinitialisation. Cela s’est traduit par une accumulation des choix au repêchage et une diminution de la masse salariale.
2012-2013
Deuxièmes dans l’Est
Michel Therrien
Défaite en première ronde
2013-2014
Quatrièmes dans l’Est
Défaite en troisième ronde
2014-2015
Défaite en deuxième ronde
2015-2016
Treizièmes dans l’Est
Séries manquées
2016-2017
Troisièmes dans l’Est
Michel Therrien/Claude Julien
2017-2018
Quatorzièmes dans l’Est
Claude Julien
2018-2019
Neuvièmes dans l’Est
2019-2020
Douzièmes dans l’Est
Défaite en première ronde*
Une année charnière
Ce « reset » semble désormais terminé alors qu’après huit ans de règne, l’emploi du directeur général est vraisemblablement en jeu cette saison et il le sait. L’ère Marc Bergevin a très bien débuté à Montréal, mais depuis, les partisans restent sur leur appétit. Il ne restera qu’une saison au contrat de Bergevin après celle-ci. Généralement dans le sport professionnel, les équipes ne laissent pas leurs directeurs généraux et entraineurs-chefs en poste lorsque c’est leur dernière année de contrat. Les contrats sont souvent soit prolongés avant, ou la personne se fait congédier. Le risque de laisser l’employé en poste lors de sa dernière année contractuelle est simplement trop grand. Bergevin sait très bien cela et c’est pourquoi il a été si actif dans les derniers mois. Il sait pertinemment que si l’équipe n’a pas de succès en 2021, ce sera la fin pour lui.
Le dirigeant montréalais a été le plus actif de sa profession dans les derniers mois, multipliant les transactions et signatures. En ces temps de Covid où les incertitudes sont nombreuses dans la LNH face aux pertes de revenus et la stagnation du plafond salarial, peu d’équipes ont bougé récemment comme le CH l’a fait. Il faut croire que c’est Geoff Molson qui a donné la latitude à son DG de manoeuvrer à sa guise, lui permettant ainsi de profiter de ces circonstances exceptionnelles qui ont souri à peu d’équipes comme les Canadiens depuis la fin de la dernière année. Tout d’abord, l’équipe s’est dotée d’un gardien de but substitut digne de ce nom pour la première fois depuis bien longtemps en Jake Allen. Carey Price a certainement été surtaxé dans les dernières années et avoir Allen permettra de diviser la tache et ainsi, permettre au numéro 31 de rester frais pour les rencontres les plus importantes. En 2019-2020, le cerbère a disputé 58 des 71 parties de Montréal, ce qui équivaut à un rythme de 67 sur une saison de 82 matchs. La saison précédente, il avait disputé un total de 66 matchs. Lorsqu’on sait que les gardiens numéro un dans la LNH jouent au maximum environ 60 parties par année et que Price vieillit, cela est visiblement problématique. De plus, dans la bulle à Toronto l’été dernier, il a montré que lorsqu’il était reposé, il pouvait encore être un des gardiens les plus dominants de la ligue à sa position et qu’il donne toujours une chance à son club de remporter la victoire lorsqu’il est frais. Allen devrait être en mesure de disputer environ les tiers des matchs, ce qui permettra à Price d’être en pleine forme lorsque vient le temps des séries. Même s’il a perdu son statut de numéro un à son profit, il ne faut pas oublier que le Néo-Brunswickois avait en fait de meilleures statistiques que Jordan Binnington en 2019-2020. Bref, pour la première fois depuis bien longtemps, les Canadiens de Montréal auront une chance de gagner la partie même lorsque leur cerbère étoile ne joue pas. Fini l’époque des Al Montoya, Charlie Lindgren, Dustin Tokarski et autres. Avec 14 850 000 $ consacrés aux gardiens de but sur la masse salariale, soit 18,5%, les Canadiens sont l’équipe ayant attribué le plus de ressources à cette position. C’est plus de deux fois plus que la moyenne de la ligue! Les gardiens se doivent de jouer un hockey élite, car c’est ce qui est attendu d’eux. Si Price ou Allen ne répond pas aux attentes, l’équipe aura de sérieux problèmes.
Ensuite, avec l’acquisition du défenseur Joel Edmundson et de l’arrivée d’Alexander Romanov, la ligne bleue montréalaise ne se laissera plus imposer comme auparavant. L’ancien des Hurricanes de la Caroline du haut de ses 6’4 et 227 livres est un des joueurs les plus robustes du circuit Bettman. Romanov lui, désormais à 208 livres, n’a pas peur de s’imposer non plus. Dès sa première pratique avec sa nouvelle équipe l’été dernier, il n'a pas eu peur de se faire connaitre aupès de ses nouveaux coéquipiers. Avec Weber, Petry et Chiarot en plus, la défensive montréalaise sera parmi les plus physiques de la division canadienne. Cela sera fort important dans une saison régulière écourtée où le style de jeu et le format ressembleront énormément à celui auquel nous sommes habitués de voir en séries éliminatoires.
Par ailleurs, il n’y a pas qu’à sa ligne bleue que Bergevin a grossie son équipe. Il a payé à fort prix l’ailier droit de 6’3 et 222 livres Josh Anderson, en plus de lui octroyer un monstrueux contrat malgré une blessure l’année dernière qui a fait chuter de façon draconienne sa production. Les dirigeants montréalais espèrent toutefois que c’est chose du passée, car à 5,5 millions pendant sept ans, ce contrat pourrait devenir un énorme fardeau si Anderson ne produit pas. En santé, il devrait cependant être en mesure de marquer environ 25 buts (sur 82 matchs) et de rajouter du muscle en attaque, quelque chose qui a grandement manqué dans le passé. L’addition de Tyler Toffoli permettra aussi à la formation montréalaise de miser sur possiblement trois trios en attaque qui sont capables de contribuer et où pratiquement tous les joueurs du top 9 ont le potentiel d’obtenir 25 ou 30 points sur un calendrier de 56 parties.
Finalement, dans les dernières semaines, les ajouts de Corey Perry et Michael Frolik sont venus donner une profondeur qui sera cruciale pour toutes les équipes cette saison. Il y a d’abord évidemment le fait que dans une saison écourtée et condensée, la fatigue s’accumule chez les joueurs et il est important d’avoir du roulement au sein du personnel. La profondeur aidera aussi évidemment lorsque des blessures surviendront. Par contre, un aspect largement oublié cette saison est le fait qu’à tout moment un ou des joueurs peuvent être retirés de l’alignement parce qu’ils ont testé positifs ou ont été en contact avec quelqu’un ayant reçu un diagnostic de la covid. Dans les saisons de la NFL, la MLB et la NBA, on a vu que lorsqu’il n’y a pas de bulle, une éclosion peut survenir à n’importe quand. Il est fort probable qu’il y aura des soirs cette saison où un trio complet manquera à l’appel en raison de la covid. Avoir beaucoup de profondeur aidera certainement à pallier cela. Des vétérans comme Frolik et Perry savent qu’ils n’ont pas été embauchés pour jouer tous les matchs, mais ils seront assurément extrêmement utiles à l’occasion. Certaines équipes prises avec des éclosions devront se tourner vers des joueurs de la Ligue américaine, alors que les Canadiens utiliseront des joueurs ayant des centaines de matchs d’expérience.
Un fait important à noter est qu’en ajoutant Allen, Edmundson, Toffoli, Frolik et Perry, c’est tout de même cinq anciens gagnants de la Coupe Stanley qui s’amènent à Montréal et cela n’est pas un hasard. Marc Bergevin sait pertinemment que le contexte joue en sa faveur cette année et qu’il se doit de gagner. En ajoutant des joueurs qui savent gagner, une culture gagnante peut s’imposer et cela permettra de montrer la façon de se comporter aux plus jeunes. N’ayant qu’une seule année de contrat après celle-ci, Marc Bergevin sait pertinemment que si le club n’a pas de succès ce sera la fin pour lui. Voilà pourquoi il a été si proactif et si enclin à dépenser, contrairement à ce que nous sommes habitués à voir. Dans cette saison 2021 qui risque d’être fort étrange et pleine de rebondissements, il a pris la décision d’y aller le tout pour le tout et ce n’est certainement pas les partisans qui s’en plaindront.
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