MONTRÉAL – Avant de quitter le terrain du Stade olympique pour une dernière fois, vendredi, Tim Raines s’est dirigé vers le deuxième coussin, l’a déraciné du sol et l’a soulevé à bout de bras sous les acclamations de la foule.

Sur l’objet de son dernier larcin était inscrit le chiffre « 808 », un clin d’œil à tous les buts qu’il a volés au cours d’une brillante carrière qui s’est échelonnée sur 23 saisons.

« C’est comme ça que ça a commencé pour moi et c’est comme ça que ça devait se terminer. Dieu merci, il n’y avait pas de receveur pour tenter de me retirer! », allait plus tard blaguer le cinquième plus grand voleur de buts de l’histoire du baseball majeur.

Élu au Temple de la renommée du baseball à sa dixième et dernière année d’admissibilité le 18 janvier dernier, l’ancien marchand de vitesse des Expos a reçu un chaleureux hommage avant le premier de la série de deux matchs que devaient disputer les Blue Jays de Toronto en fin de semaine à Montréal.

Raines est sorti du champ centre sur une voiturette pendant qu’une bannière tapissée de son numéro 30 était dévoilée à l’extrémité de chacune des lignes de démarcation. Après un long tour d’honneur, le véhicule du « Rock » s’est arrêté entre les premier et deuxième coussins, où l’attendaient des membres de sa famille et une demi-douzaine d’anciens coéquipiers.

Enlacé par ses deux jeunes filles, Ava et Amelie, Raines a reçu de chaleureuses étreintes de vieux compagnons, de Dennis Martinez à Jeff Reardon en passant par Bill Lee. On lui a ensuite remis un bâton et une toile représentant la silhouette de sa ville d’adoption.

« Bonjour, mesdames et messieurs! Je t’aime Montréal! », a-t-il déclaré, en français, aux plus ponctuels des 43 180 spectateurs qui allaient éventuellement remplir le Stade.

« C’est un moment chargé d’émotions pour moi. J’adore cette ville et quand le Temple m’a appelé pour me demander quelle casquette je voulais porter lors de mon intronisation, il n’y a jamais eu de doute dans mon esprit que celle des Expos serait mon choix. »

Choix de cinquième ronde des Expos en 1977, Raines a disputé son premier match dans les majeures deux ans plus tard, à l’âge de 19 ans. En 1981, il a joué sa première saison complète dans les grandes ligues et a pris part au match des étoiles pour la première de sept années consécutives.

Raines a passé dix saisons complètes à Montréal puis, en 1990, les Expos l’ont échangé aux White Sox de Chicago dans une transaction impliquant notamment le voltigeur Ivan Calderon. Il a fait des arrêts à New York et Oakland avant de rentrer au bercail en 2001, pour une demi-saison, à l’âge de 41 ans. 

Après des passages à Baltimore et Miami, Raines a pris sa retraite en 2002 après un parcours de 23 saisons dans les majeures. Il a tourné la dernière page de sa carrière avec 2605 coups sûrs au compteur, une moyenne au bâton de ,294 et une moyenne de présence sur les buts de ,385. Ses nombreux buts volés l’ont aussi aidé à marquer 1571 points.

« Un des leurs »

La cérémonie organisée près du monticule du « Big O » était la dernière d’une série de marques de reconnaissance réservées à Raines cette semaine. Jeudi soir, le Floridien a été présenté à la foule du Centre Bell avant le match opposant le Canadien aux Panthers. Le lendemain matin, le maire Denis Coderre lui a remis les clés de la ville à l’hôtel de ville.

« Ça fait trois ou quatre ans que je reviens ici avec les Blue Jays et chaque fois, les partisans m’ont fait sentir à la maison. Mais cette fois, c’est différent », a commenté Raines lors d’une mêlée de presse une fois le match en cours.

« Avant, j’étais simplement un joueur des majeures à la retraite. Maintenant, quand on annonce mon nom, on me décrit comme un membre du Temple de la renommée. Pour moi, ça a une grande signification, mais il y a plus que ça. J’ai pu sentir l’accueil chaleureux des gens. Ils me disaient qu’ils étaient fiers de moi et qu’ils me considéraient comme un des leurs. Et je me sens comme un des leurs. »

« J’ai passé douze ans ici. J’y ai connu les meilleurs moments de ma carrière et ce sont ces gens qui m’ont inspiré à faire tout ce que j’ai fait. »

Raines est devenu le troisième joueur de l’histoire des Expos, après Andrew Dawson et Gary Carter, à entrer au Temple coiffé de l’immortelle casquette tricolore de « nos Z’Amours ». Il sera officiellement intronisé le 31 juillet en compagnie de Jeff Bagwell et Ivan Rodriguez lors d’une cérémonie à Cooperstown, dans l’État de New York.

« Je commence à le réaliser. Chaque fois que je signe mon nom, j’ajoute la petite mention "HOF 17". Ça m’aide à croire que c’est bel et bien arrivé! Je me souviens, l’année dernière, un gars m’avait demandé de le faire en me disant qu’il était convaincu que j’allais y entrer, mais je n’avais pas voulu. J’aurais eu l’impression de courir après la malchance!

Un joueur très spécial

Raines était une jeune gazelle au sommet de son art quand Dennis Martinez est arrivé à Montréal dans une transaction avec les Orioles de Baltimore au début de la saison 1986.

« C’était un joueur électrisant, il était notre bougie d’allumage, se souvient El Presidente. Il avait toujours un sourire accroché au visage, il faisait des blagues et il gardait tout le monde détendu. Mais sur le terrain, il ne faisait rien à moitié. C’est comme ça que le baseball devrait être joué. »

Le champ extérieur des Expos comptait sur la présence de deux futurs membres du Temple de la renommée quand Martinez s’est joint au club. Dawson patrouillait le côté droit et Raines était dans la gauche.

« Je pouvais me concentrer sur mon travail en sachant que si une balle était frappé où se trouvait Raines, elle ne tomberait pas. »

Le releveur Jeff Reardon effectuait lui aussi ses premiers pas au baseball majeur quand les Expos ont transigé avec les Mets de New York pour le rapatrier en 1981, la première saison complète de Raines.

« J’avais de la difficulté à croire qu’il n’était qu’une recrue parce qu’il était déjà à un autre niveau. Il pouvait tout faire et très rapidement, j’ai eu l’impression qu’il allait devenir un joueur très spécial », s’est remémoré Reardon. ​