On aurait beau vouloir prétendre le contraire, ce serait présentement impossible. La province canadienne la plus prolifique actuellement pour former des joueurs de basketball de haut niveau est l’Ontario. Pour être encore plus précis, ces futures vedettes sont presque toutes issues de la grande région de Toronto. L’effet Raptors, la génération inspirée par Vince Carter, le bassin de population immense... Toutes ces raisons sont sans doute valides pour expliquer l’émergence des Andrew Wiggins, Tristan Thompson, Jamal Murray et autres au cours des dernières années. Sans oublier celui qui évoluera à Duke l’an prochain et qui pourrait devenir le meilleur du lot : un certain R.J. Barrett.

Mais faire l’éloge des athlètes ontariens n’est pas le but de ma chronique cette semaine. Je souhaitais davantage diriger les réflecteurs vers notre belle province et sa production parfois sous-estimée d’excellents joueurs. Car de toute évidence, la province qui se classe aisément au deuxième rang dans cette discussion, c’est le Québec.

Natif de l’ouest de l’ile de Montréal, un gentil géant du nom de Bill Wennington a été un des premiers Québécois à obtenir sa chance chez nos voisins du sud. Tant dans la NCAA que dans la NBA. En acceptant l’offre de l’université St John’s, en 1981, le futur champion du monde avec les Bulls de Chicago avait ouvert une porte qui ne sera jamais refermée par la suite. On avait toutefois beaucoup de travail à faire encore avant de convaincre les recruteurs américains de nous rendre visite sur une base systématique.

C’est seulement au milieu des années 90 que les valves se sont vraiment ouvertes et que notre talent local a commencé à couler en division 1. Didier Boucard (Fairfield - 1995), Ramon Cespedes (Seton Hall – 1997), Prosper Karangwa (Siena – 1999), Samuel Dalembert (Seton Hall – 1999), Bernard Côté (Kentucky – 2002), Joel Anthony (UNLV – 2004), Pierre-Marie Altidor-Cespedes (Gonzaga - 2004), Maurice Joseph (Michigan State – 2005), Maxime Paulhus-Gosselin et Will Archambault (Davidson – 2005 & 2006), Max Boudreau (Buffalo – 2006), Kris Joseph (Syracuse – 2008), Laurent Rivard (Harvard – 2010), Olivier Hanlan (Boston College – 2012), Kenny Chery (Baylor – 2013), Tevonn Walker (Valparaiso – 2014), Joseph Chartouny (Fordham – 2015) et Chris Boucher (Oregon – 2015). Voilà les noms qui ont le plus capté notre attention depuis plus de 20 ans maintenant.

La liste est assurément incomplète et je m’excuse à ceux que j’ai omis d’inclure. Je souhaitais simplement mettre en valeur la quantité de joueurs marquants produits dans nos gymnases qui ont accédé à des universités d’envergure au fil des ans. Côté, les frères Joseph et Boucher auront attiré des offres de programmes dignes du top-25. Pas moins de 15 des 18 noms dans cette liste auront participé au célèbre tournoi March Madness. Paulhus et Archambault étaient d’ailleurs à une victoire du Final Four. Et cinq d’entre eux ont joué ou gravité autour de la NBA à un moment ou un autre. Nous avons de quoi être très fiers.

Alors quel est le filon commun entre tous ces joueurs? Aucun d’entre eux n’était perçu comme une future vedette à son arrivée en division 1. On voyait certains comme des joueurs de soutien et d’autres comme des joueurs potentiellement très utiles à la cause de l’équipe. Mais des superstars potentielles? Non. Désolé. Voilà pourquoi celui qui fait l’objet de l’article d’aujourd’hui représente un cas spécial qui mérite d’être découvert.

Luguentz Dort a le potentiel de devenir la perle rare du lot. Il est le premier Québécois dont l’ambition est de passer rapidement par la NCAA afin d’atteindre la NBA. En fait, d’autres ont probablement caressé le même rêve sans que ce soit vraiment réaliste. Mais dans le cas de Dort, réalisme et ambition pourraient se croiser plus tôt que tard. Physiquement, il semble avoir tous les outils requis :

Comme vous avez pu le constater, Dort est grand et particulièrement costaud pour un garde. Il attaque le panier avec férocité et finesse. Il marque à volonté. Ses capacités athlétiques font de lui un athlète polarisant. Jamais un athlète formé au Québec (en majorité) n’aura été aussi bien côté par les dépisteurs (5 étoiles) en marge de son ascension vers la NCAA en 2018. J’ai donc voulu m’entretenir avec le principal intéressé pour qu’il nous présente lui-même son parcours et ses ambitions pour la suite des choses. Ça m’a permis de découvrir un jeune homme respectueux, calme, posé, mais surtout très motivé et extrêmement confiant en ses moyens.

*Luguentz, quels sont tes premiers souvenirs reliés au basketball?

J’ai grandi à Montréal-Nord. Au départ, je préférais le soccer, mais rapidement j’ai commencé à m’intéresser au basket en raison de mes frères. Ils passaient leur temps dans les parcs et j’ai commencé à me joindre à eux. Je n’étais pas le meilleur à mes débuts, mais c’est à ce moment que ma passion pour le basket est née.

*Quelle a été ta première vraie équipe?

C’est à mon arrivée à Parc Ex (Parc Extension) que je me suis joint à une vraie équipe pour la première fois. J’avais 12 ou 13 ans. Je n’étais toujours pas un joueur dominant, mais je m’améliorais chaque année. À l’âge de 15 ans, j’ai commencé à travailler dans la salle de musculation. Je mesurais seulement 5 pieds 11 pouces, mais j’ai commencé à prendre de la masse, de la puissance et de l’assurance. Je grandissais encore d’environ un pouce par année. Aujourd’hui, je mesure 6 pieds 4. C’est un physique avantageux pour un garde.

*Tu as fréquenté plusieurs écoles et programmes de basket au fil des ans?

Au Québec, il y a eu Parc Ex, Calixa Lavallée, Édouard-Montpetit et Pagé-Concordia. Chaque endroit m’apportait quelque chose de nouveau. Et à chaque étape, une nouvelle porte s’ouvrait pour me permettre de poursuivre mon développement. Quand j’étais à Pagé, j’ai été approché par un « high school » américain du nom de Arlington Country Day situé à Jacksonville, en Floride. Après une saison là-bas, j’ai décidé de revenir au Canada pour ma dernière année avant de faire le saut dans la NCAA. Je passe donc l’année actuelle au Athlete Institute basketball Academy, en banlieue de Toronto.

*Qu’est-ce qui a motivé ta présence dans ce programme ontarien?

J’ai eu la chance de venir faire un camp ici durant la dernière année et j’avais été vraiment impressionné par l’endroit, les installations et le programme. Ça semblait parfait. J’ai aussi beaucoup de respect pour le responsable du programme ici, Tony McIntyre. Il connait tout le monde dans le milieu, en plus d’être le père de Tyler et Dylan Ennis. Il a aidé plusieurs joueurs à accéder à la NCAA. Certains ont même atteint la NBA, comme Andrew Wiggins et Anthony Bennett.

*Ton recrutement pour la NCAA s’est déroulé comment?

C’était très excitant! J’avais été coté un espoir 5 étoiles et plusieurs programmes de haut niveau voulaient obtenir mes services. Quand j’ai établi ma liste de finalistes, il restait six très bons choix : Baylor, Oregon, Arizona State, Michigan State, Indiana et Miami. Après plusieurs rencontres et visites officielles, j’ai arrêté mon choix sur les Sun Devils d’Arizona State.

*Pourquoi?

À l’origine, un des entraîneurs adjoints me recrutait et j’avais une excellente relation avec lui. Puis j’ai eu la chance de rencontrer l’entraîneur-chef Bobby Hurley. Il a eu une grande carrière à l’Université Duke comme meneur de jeu et j’ai beaucoup de respect pour lui. Il est aussi intense qu’ambitieux, et sa vision des choses m’a convaincu. Le programme est présentement dans le top-25 aux États-Unis et l’avenir est prometteur. J’ai hâte de me joindre à eux.

*Tu es au courant qu’un des plus grands joueurs à avoir fréquenté Arizona State est James Harden, maintenant avec les Rockets de Houston?

Je sais. C’est ironique parce que c’est un de mes joueurs préférés dans la NBA. J’essaie de m’inspirer de sa façon de jouer et d’attaquer le panier comme il le fait. Nos physiques sont semblables. Je suis aussi un grand fan de Russell Westbrook et de Dwyane Wade. J’adore leur intensité et leur habileté athlétique. Je sais que Wade vieillit un peu et a ralenti. Mais le Dwyane Wade des bonnes années était incroyable!

*Dans cette optique, décris-moi ton style de jeu et tes forces.

Je donne mon 100% à chaque instant. Mon intensité me permet de me démarquer. Je dirais que je suis un meneur de jeu athlétique, solide et costaud. J’adore attaquer le panier. J’essaie de finir fort, mais aussi de repérer mes coéquipiers quand c’est la meilleure option. Je bouge bien et j’ai beaucoup amélioré mon tir de l’extérieur. C’est maintenant une force.

*As-tu été approché par le programme national canadien?

Oui, j’ai été en contact avec eux à quelques reprises. Ils m’ont invité deux fois lors des dernières années. La première a été gâchée par une blessure alors que j’ai dû décliner la deuxième. Mais j’aimerais beaucoup contribuer au programme sénior dans les prochaines années si l’opportunité est encore sur la table.

*LA NBA est-elle le but ultime ou tu ne te permets pas trop d’y rêver encore?

C’est définitivement mon objectif! En fait, ça se pourrait que je passe seulement un an à Arizona State avant de tenter ma chance chez les pros si jamais les choses se passent bien. Je suis très confiant en mes habiletés et je vais tout faire pour atteindre cette étape.

*Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me parler Luguentz et bonne chance pour la suite!

Merci beaucoup!