QUÉBEC – Au cours des deux dernières décennies, Stéphan Larouche et Marc Ramsay ont sans l’ombre d’un doute été les deux entraîneurs de boxe les plus médiatisés de la province. Normal, puisque les deux hommes ont formé bon nombre de champions du monde – Éric Lucas, Leonard Dorin et Lucian Bute pour l’un et Jean Pascal, David Lemieux et Artur Beterbiev pour l’autre.

 

Derrière eux, une nouvelle génération fait ses classes en attendant de devenir les nouveaux visages d’une profession qui s’est pratiquement toujours transmise par le savoir des anciens. Plusieurs des coachs à l’avant-scène aujourd’hui – Larouche, Ramsay et François Duguay pour ne nommer que ceux-là – ont appris les rudiments du métier aux côtés du vénérable Abe Pervin.

 

Mais comme cela a été le cas au hockey à une certaine époque, des universitaires sont en train de prendre d’assaut le sport et essaient de mettre en pratique les connaissances acquises sur les bancs d’école. Un travail pas toujours facile, mais dont les fruits seront éventuellement récoltés.

 

Au cœur de cette mouvance, il y a Vincent Auclair, un jeune homme âgé de 26 ans originaire de la région de Québec qui a très rapidement fait sa marque dans le milieu tissé serré de la boxe québécoise. Diplômé en intervention sportive de l’Université Laval et en études sportives de l’Institut national du sport du Québec, il a déjà une petite idée de l’« héritage » qu’il veut laisser, lui dont la liste de protégés compte en ses rangs Clovis Drolet, Vincent Thibault et Terry Osias.

 

« La planification et l’organisation, ce ne sont pas des choses qu’on voit énormément dans le monde de la boxe, expliquait Auclair en entrevue à RDS.ca le mois dernier. Par exemple, la panification des entraînements afin que les athlètes atteignent leur peak au bon moment – la périodisation en langage sportif – ou l’utilisation de différentes méthodes pour qu’il y ait une bonne rétention chez l’athlète quand de nouveaux enseignements techniques sont effectués. »

 

Auclair a commencé sa carrière d’entraîneur à l’âge de 21 ans après que Rémi Bizier – le père de l’ancien aspirant mondial Kevin Bizier – lui eut demandé d’aider des jeunes de 12 et 13 ans au Club de boxe Le Cogneur à Québec. À partir de ce moment-là, il s’est laissé prendre au jeu et a dû mettre en veilleuse une carrière de boxeur qui n’annonçait rien de particulièrement prometteur.

 

« Je m’entraînais pour faire des combats [dans les rangs amateurs], mais dans un gym de boxe, dès que tu commences à entraîner, c’est difficile de s’entraîner après parce que tout le monde veut travailler avec toi, raconte Auclair. Tout le monde veut travailler, tout le monde veut faire des pads, tout le monde veut faire quelque chose avec toi... c’est comme ça que ça s’est passé!

 

« Comme j’avais déjà mis les gants avec Clovis quand j’avais commencé à boxer quelques années auparavant, je suis ensuite devenu son entraîneur et nous avons appris tout ensemble. Nous avons évidemment commis des erreurs que nous n’aurions pas dû faire. Mais nous avons aujourd’hui des bases solides, même si nous avons toujours besoin d’en apprendre davantage. »

 

Ce désir de s’instruire a ainsi amené Auclair à déménager ses pénates à Montréal en compagnie de Drolet et Thibaut. Il n’est toutefois pas débarqué dans la métropole avec ses grands sabots armé de ses grands principes, s’associant au contraire au vétéran Rénald Boisvert du Club Champions.

 

« Rénald m’avait donné une formation à Montréal et j’avais vraiment accroché à son discours et dans la façon dont il voyait la boxe, se rappelle Auclair. J’avais vraiment allumé sur son côté pédagogique et quand est venu le temps de bouger à Montréal, j’ai tout de suite pensé à lui. »

 

« Ce qui est intéressant avec Vincent, c’est qu’il a une soif de savoir qui est impressionnante, confirme son ex-acolyte au Cogneur, membre de l’équipe d’entraîneurs de Ramsay et nouveau bras droit d’Antonin Décarie chez Eye of the Tiger Management, Samuel Décarie-Drolet.

 

« Il se déplace. Il est allé en Europe pour s’entraîner avec Clovis en Angleterre. Il est allé dans l’Ouest américain en Californie pour faire des camps d’entraînement. Il investit en lui et ses boxeurs. Avec les connaissances qu’il a acquises à l’université et ce qu’il voit sur le terrain, il arrive à faire le pont entre les deux et à en tirer le meilleur pour former des boxeurs complets. »

 

Avocat de formation, Boisvert mène les destinées des carrières de Steven Butler et d’Yves Ulysse fils et est extrêmement impliqué auprès de la relève en donnant des stages un peu partout au Québec. Au fil des années, il s’est distingué pour la qualité de ses argumentaires dans des chroniques publiées sur le site spécialisé 12rounds.ca et par son éternelle remise en question.

 

« Dans la vie, j’essaie de ne pas voir ça noir ou blanc et avec Rénald, ce qui est bien, c’est que c’est nuancé, continue Auclair. Son style a beaucoup déteint sur le mien, sur la façon dont je vois la boxe. C’est un bon enseignant et pédagogue. Rénald était très avancé [sur les notions que j’étudiais] et j’ai pu mettre des mots sur ce qu’il faisait déjà sans vraiment s’en rendre compte. »

 

D’ici à ce que Drolet, Thibault et Osias gagnent en expérience en boxe professionnelle, Auclair continue de former la relève de demain dans les rangs amateurs. Quatre représentants du Club Champions ont d’ailleurs été couronnés aux plus récents championnats canadiens en Alberta.

 

« Ce que j’aime, c’est développer des boxeurs dans le gym. C’est mon laboratoire. On essaie des affaires, on voit ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins bien. J’aime ça voir l’évolution chez un boxeur, pas juste le résultat, précise Auclair. Qu’est-ce qu’il a fait de mieux que la dernière fois? C’est la plus grosse paye pour un entraîneur, de voir notre impact sur l’athlète. »

 

« Il semble savoir bien s’entourer et chercher ce dont il a besoin, ajoute Décarie-Drolet. Il est analytique : il fait des essais et regarde comment ça fonctionne pour ensuite créer sa propre recette gagnante. Dans le fond, c’est un transfert scientifique depuis une mentalité old school. »

 

Former un boxeur pour en faire un champion du monde demande beaucoup de travail et un peu de chance, mais Auclair s’est assurément donné tous les moyens pour devenir le prochain grand visage d’une profession où la reconnaissance s’obtient avec les victoires, peu importe le sport.