La boxe ne serait évidemment rien sans ses athlètes, mais avec le temps, certains lieux ont aussi acquis une immense notoriété en raison des importants combats qui y ont été présentés. Pour d’autres, ça allait de soit, car ils étaient déjà le carrefour des plus grands événements sportifs.

Étant donné que les amateurs du noble art seront privés de leur passion pour plusieurs mois encore en raison de la pandémie de coronavirus, voici un palmarès d’endroits du présent et du passé en Amérique du Nord qui parviennent à susciter toutes sortes de souvenirs impérissables.

Centre Paul Sauvé10 – Centre Paul-Sauvé, Montréal

L’intersection de la rue Beaubien et du Boulevard Pie-IX à Montréal n’a rien de particulièrement bucolique aujourd’hui. C’est précisément là, de 1960 à 1992, qu’était situé le Centre Paul-Sauvé, théâtre de nombreux rassemblements – pas juste sportifs – qui ont marqué l’histoire du Québec.

C’est en effet dans le petit amphithéâtre de 4000 places que René Lévesque avait prononcé son célèbre « Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire, à la prochaine fois », à la suite de la défaite référendaire de mai 1980. Quatre ans plus tôt, c’est aussi là que l’ex-premier ministre avait déclaré « Je n’ai jamais pensé que je pourrais être aussi fier d’être Québécois que ce soir ».

Mais pour les amateurs de boxe, le Centre Paul-Sauvé, c’est le lieu où se sont façonnés plusieurs des personnages les plus importants du sport au Québec. Ce n’est probablement pas un hasard si le coloré Régis Lévesque a établi son quartier général au Beaubien Déli à même pas un coin de rue de là. Robert Cléroux, Donato Paduano, Eddie Melo et Fernand Marcotte y ont tous œuvré.

Il suffit d’avoir rencontré l’ancien chroniqueur au Journal de Montréal Daniel Cloutier une fois dans sa vie pour qu’il vous livre les innombrables anecdotes qu’il a vécues en couvrant la boxe à une époque où les choses n’étaient pas toujours simples. Vous allez alors réaliser que le Centre Paul-Sauvé n’était pas simplement un lieu où se déroule l’action, mais un acteur très important.

Blue Horizon9 – Blue Horizon, Philadelphie

Les plus grands rendez-vous de l’histoire n’ont pas été présentés au Blue Horizon, mais l’apport de ce lieu culte à la boxe américaine est indéniable. Des galas y ont été organisés dès les années 1930, mais c’est réellement à compter de 1961 que l’endroit a obtenu ses lettres de noblesse.

Un promoteur de New York présentait des cartes semaine après semaine afin de développer la relève qui se battrait ensuite au Madison Square Garden. Les talents locaux tels Matthew Saad Muhammad, Bernard Hopkins et Tim Witherspoon s’y sont tous battus en début de carrière. C’est là que Hopkins a signé sa première victoire après avoir perdu son premier combat ailleurs.

Malheureusement, l’endroit a fermé ses portes en 2011, victime de la spéculation immobilière. La promotrice et copropriétaire Vernoca Michaels n’était plus en mesure d’acquitter les taxes municipales et il était acquis qu’un éventuel repreneur ne poursuivrait pas la mission d’origine.

Aux dernières nouvelles, en 2019, l’immeuble devait être converti en hôtel d’une grande chaîne.

Clyde Gray et Thomas Hearns8 – Olympia, Detroit

Boston, New York et Toronto avaient leur Garden, Chicago son Stadium, Montréal son Forum et Detroit son Olympia. De 1927 à 1979, l’Olympia a été le domicile des Red Wings de Detroit. Les Nordiques d’ailleurs ont été les derniers visiteurs avant le déménagement au Joe Louis Arena.

Mais comme tous les amphithéâtres nord-américains de cette époque, l’Olympia était un haut lieu des rassemblements sportifs de l’époque. Originaire de Detroit, l’ancien champion des poids lourds Joe Louis s’y est battu à quelques reprises, mais ce sont surtout les deux affrontements entre Jake « Bronx Bull » Lamotta et Sugar Ray Robinson qui ont davantage marqué les esprits.

Les deux boxeurs ont croisé le fer deux fois en l’espace de... 21 jours en mars 1943. Lors de ce premier combat – le deuxième d’une série de six disputé entre 1942 et 1951 – Lamotta était parvenu à infliger à Robinson la première défaite de sa glorieuse carrière. C’est également la seule où le boxeur du Bronx aura le dessus sur l’un des meilleurs « livre pour livre » de l’histoire.

En tout, c’est 308 événements de boxe qui ont été présentés à l’Olympia, qui a été détruit en septembre 1987. Thomas Hearns a quand même eu le temps d’y commencer sa carrière avant de devenir champion du monde au Joe Louis Arena et d’être récupéré par la machine de Vegas.

Le Forum7 – Forum, Montréal

C’est un temps que les moins de vingt ne peuvent pas connaître, mais le Forum a été le vecteur de la vie sportive et culturelle montréalaise pendant la majeure partie du XXe siècle. Le temple du hockey, sans aucun doute, et le point de chute des plus grands artistes musicaux au monde.

Seule présence des Beatles au Québec en 1964, prestation mémorable de Freddie Mercury et Queen en 1981 et dernier concert d’Offenbach avec Gerry Boulet en 1985... ce n’est pas le fruit du hasard si les promoteurs de boxe se tournaient vers le Forum pour leurs grands événements.

Le Forum, c’est d’abord et avant tout les années de gloire de la boxe locale. Autant les rivalités se créaient au Centre Paul-Sauvé, autant elles connaissaient leur dénouement dans l’édifice de la rue Atwater. Souvent, il n’y avait qu’un titre canadien – dont l’importance était cependant plus significative à l’époque – à l’enjeu, mais qu’importe, les amateurs étaient au rendez-vous.

C’est au Forum que la très intense, mais également très éphémère rivalité entre Dave Hilton et Mario Cusson a été vécue. À la suite d’un nul technique arrêté après 3 rounds en raison d’une coupure accidentelle en décembre 1983, les deux boxeurs s’étaient retrouvés en mars 1984 et Hilton l’avait emporté en 29 secondes seulement grâce à une solide droite à l’oreille de Cusson.

Forum d'Inglewood6 – Forum, Inglewood

D’un Forum à l’autre... l’architecture de celui situé à Inglewood, en Californie, ne laisse pas sa place avec ses airs de forum romain. Il a été construit pour accueillir la future équipe de hockey que voulait acheter le propriétaire des Redskins de Washington et des Lakers de Los Angeles. Ce club – les Kings – a éventuellement vu le jour et y a joué ses rencontres de 1967 jusqu’en 1999.

Les partisans des Canadiens se souviennent du Forum d’Inglewood parce que c’est là que Patrick Roy avait lancé son clin d’œil à Tomas Sundstrom pendant la série finale de la Coupe Stanley en 1993, mais c’est surtout là que les Lakers ont remporté six championnats et disputé huit finales en l’espace de dix ans grâce au brio de Kareem Abdul-Jabbar et Magic Johnson notamment.

À la boxe, le Forum s’est surtout distingué en mettant à l’avant-plan les boxeurs des « petites catégories », qui étaient loin de retenir l’attention dans les années 1970, 1980 et 1990. Ces galas ont d’ailleurs permis à Marco Antonio Barrera et Juan Manuel Marquez de lancer leur carrière.

Avec l’ouverture du Staples Center en 1999, la boxe a délaissé tranquillement, mais sûrement le Forum, sauf qu’après des rénovations majeures, le noble art y a effectué un retour en grand en 2014 après dix années d’absence. Encore une fois, les « petites catégories » étaient à l’honneur.

Centre Bell5 – Centre Bell, Montréal

Ponctuellement, certains chroniqueurs s’amusent à écrire que les fantômes du Forum seraient enfin déménagés au Centre Bell après une victoire des Canadiens acquise à l’arraché pendant les séries éliminatoires, le club n’ayant toujours pas gagné la coupe depuis son départ du Forum.

Si le palmarès n’est pas reluisant côté hockey, c’est tout le contraire côté pugilat, étant donné que le Centre Bell a été le témoin de l’explosion de boxe québécoise sur la scène internationale. Son histoire a commencé avec la trilogie Hilton-Ouellet, mais c’est là qu’Éric Lucas, Lucian Bute, Jean Pascal, Adonis Stevenson et David Lemieux sont notamment devenus champions du monde.

Qui ne se souvient pas de la droite que Lucas a passée à Glenn Catley? De la tête d’Alejandro Berrio qui vacillait sous les coups de Bute? De la victoire de Pascal sur Chad Dwason, alors que ce dernier était considéré comme l’un des meilleurs boxeurs « livre pour livre » de la planète? Tous des moments indélébiles de la boxe québécoise qui ont été écrits sur le ring du Centre Bell.

C’est également au Centre Bell qu’a été organisé le dernier grand duel à saveur locale entre Bute et Pascal en janvier 2013. Malheureusement, ce choc a représenté l’apogée d’une époque que plusieurs s’attendent à ne plus jamais revivre. En effet, les soirées de boxe à grand déploiement présentée au Centre Bell se comptent sur les doigts d’une seule main depuis quelques années.

Boardwalk Hall4 – Boardwalk Hall, Atlantic City

Les édifices les plus célèbres sont souvent reconnaissables dès le premier coup d’œil et le Boardwalk Hall d’Atlantic City, au New Jersey, ne fait pas exception. Qui plus est, tant l’extérieur que l’intérieur procurent à cet endroit un charme indiscutable depuis sa construction en 1926.

Chef d’œuvre d’ingénierie, le Boardwalk Hall a été pendant un long moment le plus grand stade couvert au monde sans vue obstruée. Côté boxe, le lieu a été témoin des plus grands combats, alors que les galas se succédaient les uns après les autres avant la Deuxième Guerre mondiale.

Mais avec le déclin d’Atlantic City est également venu celui de la boxe au Boardwalk Hall. Une simple promenade dans les alentours et sur le long trottoir de bois permet de constater à quel point la ville a perdu de sa superbe et n’a jamais su diversifier son économie au fil des années.

Cela dit, c’est au Boardwalk Hall qu’Arturo Gatti a disputé plusieurs de ses combats les plus mémorables, dont les deux derniers de sa trilogie contre Micky Ward. C’est cependant là qu’il a subi certains de ses revers les plus cuisants en carrière, dont son dernier contre Alfonso Gomez.

3 – Caesars Palace, Las Vegas

Si Céline Dion a été la reine du Caesars Palace au début des années 2000, c’est la boxe qui revendiquait ce prestigieux titre dans les années 1980. Lorsqu’une rencontre au sommet était présentée aux États-Unis à cette époque, il y avait de fortes chances que ce soit à cet endroit.

Les poids lourds y ont fait la pluie et le beau temps, dont Evander Holyfield et Riddick Bowe l’instant de deux de leurs trois combats en 1993 et 1995. C’est au 7e round de leur duel de 1993 qu’un parachutiste s’était écrasé aux abords du ring, forçant l’interruption de l’action pendant 21 minutes! Un amphithéâtre extérieur était régulièrement aménagé en vue des gros combats.

Preuve que le Caesars Palace voulait accaparer le marché, les propriétaires de l’endroit avaient embauché Joe Louis comme ambassadeur. L’histoire raconte qu’il était payé 50 000 $ par année pour serrer des mains, signer des autographes et prendre des photos avec les clients de l’hôtel.

Et il n’y a pas que les lourds qui ont triomphé au Caesars Palace. Sugar Ray Leonard-Thomas Hears I, Marvin Hagler-Hearns et Leonard-Hagler ont eu lieu là et ont été choisi combats de l’année par The Ring en 1981, 1985 et 1987. Mais à un certain moment, l’endroit avait fait son temps...

MGM Grand Garden Arena2 – MGM Grand Garden Arena, Las Vegas

Dès son ouverture en 1993, il était évident que le MGM Grand Garden Arena allait devenir un endroit iconique. Tous les grands noms des 25 dernières années s’y sont déjà battus : Floyd Mayweather fils, Manny Pacquiao, Oscar De La Hoya, Julio Cesar Chavez père, Mike Tyson, etc.

La quasi-totalité des combats les plus lucratifs de l’histoire y ont été présentés et Mayweather y est évidemment pour beaucoup. C’est là que « Money » a pris part à ses 12 derniers duels avant de sortir de sa retraite pour affronter Conor McGregor au nouveau T-Mobile Arena en août 2017.

Les amateurs de musique se souviendront avec tristesse que Tupac Shakur avait assisté au choc entre Tyson et Bruce Seldon en 1996 avant d’être tiré à bout portant et de succomber à ses blessures six jours plus tard. C’est également là que le combat extrêmement attendu opposant Lennox Lewis à Wladimir Klitschko s’est matérialisé l’instant d’un film (Ocean’s Eleven) en 2001.

Mais à l’image du Caesars Palace évoqué précédemment, le MGM Grand a été remplacé par plus moderne il y a quelques années avec l’ouverture du T-Mobile Arena. Le MGM présente encore de la boxe, mais il est très certainement le plan B des plus grandes vedettes de la boxe.

Madison Square Garden1 – Madison Square Garden, New York

« The World’s Famous Arena » n’est pas une formule convenue! Quiconque a déjà visité le mythique amphithéâtre construit en 1964 (il a eu trois emplacements depuis 1879) comprend immédiatement que le lieu est gorgé d’histoire. Il y a évidemment les Rangers, les Knicks et tutti quanti. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est ce qui est considéré comme « la Mecque de la boxe ».

Même s’il y a eu plusieurs combats d’importance qui y ont été présentés au cours des dernières années, c’est surtout pendant les années 1960 et 1970 que le MSG a forgé sa renommée. Les historiens de la boxe citent notamment le duel entre Roberto Duran et Ken Buchanen en juin 1972 ainsi que le premier d’une série de trois opposant Muhammad Ali à Joe Frazier en mars 1971.

Fait très intéressant à noter, le ring de 18 pieds et demi sur 18 pieds et demi a servi jusqu’en septembre 2007 et a immédiatement pris le chemin du Temple de la renommée à Canastota dans l’État de New York pour y être exposé après 82 années de fidèles et loyaux services.

Quelques Québécois ont eu la chance de combattre au Madison Square Garden dans des combats de championnat du monde, dont Jack Delaney (Olivia Chapdelaine), Arturo Gatti et plus récemment David Lemieux. « Thunder » s’était d’ailleurs emparé de son premier titre mondial chez les super-plumes à la suite de sa victoire sur Tracy Harris Patterson en décembre 1995.