(Par Olivier Robert) - "Je veux devenir champion du monde. Oui, être un champion c'est un de mes rêves…". Tels étaient les propos de Jean-Marc Mormeck, au début de sa carrière, il y a maintenant douze ans. Son énorme travail, effectué sous l'égide de son coach, l'a mené à la première marche de son rêve…

Le 23 février 2001 à Marseille, Jean-Marc Mormeck a battu l'Américain Virgil Hill par abandon, à l'appel de la neuvième reprise. Dans un Palais des Sports en ébullition, "Jean Mike" s'est emparé du scalp de son valeureux adversaire, ainsi que du titre de Champion du Monde WBA des lourds légers. "Pour moi, ce n'est qu'une étape. Je ne me laisserai pas griser par le succès et je veux rester toujours le même".

"Je croyais que j'allais être le plus fort…Ça n'a pas été le cas tout de suite…"

Né le 3 juin 1972 à Pointe-à-Pitre, Jean-Marc découvre la métropole à l'âge de six ans. " A quatre ans, j'ai vu partir mes parents, qui désiraient s'installer en métropole. Mon père pour travailler dans le milieu hospitalier, ma mère dans l'hôtellerie. Deux années plus tard, j'ai débarqué à Bobigny, une ville de la banlieue parisienne. " Elevé en HLM, Jean-Marc découvre le froid et un nouvel environnement. Après une période d'adaptation, il s'inscrit au club de foot de l'ACB Bobigny. Mais une vilaine blessure l'empêche de continuer ; c'est là qu'il se dirige vers le Noble Art. Une décision qui va changer sa vie… "C'est vrai qu'après cette blessure, je n'avais plus très envie d'aller au contact. Je regardais beaucoup de boxe à la télé et je me posais pas mal de questions sur les boxeurs. Et comme je ne refusais pas de me battre, si on me cherchait des noises, je me suis inscrit au club de Drancy. Je devais avoir une quinzaine d'années et comme beaucoup d'adolescents de cet âge, je croyais que j'allais être le plus fort et le meilleur. Ça n'a pas été le cas tout de suite et j'ai appris plein de choses…".

"Je rêvais déjà d'être champion du monde, mais sans trop y croire"

Les débuts en effet ne sont pas faciles pour Jean-Marc, car bien qu'il soit entouré de gens "formidables", il n'est pas dans un club de boxe anglaise, mais dans un club où se côtoient plusieurs styles de boxe. Il passe deux ans à accepter tous les combats qu'on lui propose, la plupart du temps face à des adversaires plus expérimentés que lui. Il n'a pas d'entraîneur spécifique, pas de préparation avec d'autres boxeurs de son poids, car il est seul de son gabarit. Pour son premier combat amateur, il affronte Jean-Paul Mendy qui le bat assez facilement… "C'était le 28 avril 1990, à Carrière, et je n'avais jamais entendu parler de Mendy. Une fois dans le vestiaire, on m'a dit que j'affrontais une véritable terreur qui enchaînait les KO comme d'autres empilent les carreaux. Bien évidement, insuffisamment préparé, j'ai été inexistant durant le combat. Je suis allé au tapis dans le deuxième round, me suis relevé, et mon entraîneur a jeté l'éponge. Loin de me décourager cette défaite m'a motivé pour refaire des combats. Et puis, je rêvais déjà d'être champion du monde, mais sans trop y croire…".

"Comme je me suis bien entendu avec Joseph Germain, je suis resté"

Après ce premier revers, Mormeck persévère et engrange de beaux succès, comme celui devant le Russe Maxime Larine. Avec trois titres de champion de Paris, la carrière amateur de Jean-Marc (13 victoires, dont 7 avant la limite, 2 défaites avant la limite) prend fin en 1994. A cette époque, il fait une rencontre capitale pour le reste de sa carrière : Joseph Germain. Ancien boxeur devenu entraîneur, Joseph passe son temps à former et à travailler dans l'ombre des boxeurs. A force de contacts et de discussions, les deux hommes décident de travailler ensemble. Ils ont des objectifs précis et un seul mot d'ordre : le TRAVAIL. « Pour progresser, j'avais besoin d'être dans un plus grand club, j'ai alors choisi celui Noisy-le-Grand. J'ai disputé peu de combats chez les amateurs, mais outre mes trois titres de champion de Paris, j'ai participé une fois aux championnats de France le 14 mars 1993, au Havre. Je me suis d'ailleurs fait battre par Philippe Leclerc par arrêt de l'arbitre au premier round en huitième de finale ! C'était pendant une permission, car j'étais à l'armée en Allemagne. Au départ, je pensais faire mon service au Bataillon de Joinville. Mais, j'ai reçu une lettre me donnant rendez-vous à Metz. Et une fois là-bas, direction l'Allemagne. La suite s'est plutôt bien passée et j'ai terminé mes dix mois dans la police militaire comme tireur d'élite. Après, j'ai retrouvé la vie civile. J'ai travaillé dans la sécurité dans des quartiers chauds, comme au McDo de Rosny 2 ou à Garges-les-Gonesse, mais je n'ai jamais utilisé ma force…sauf peut-être une fois".

"Ces deux défaites mon permis d'être où je suis aujourd'hui"

Déterminé pour devenir professionnel, Jean-Marc Mormeck passe sa vie entre le McDo et la salle de boxe et se bonifie rapidement sous la houlette de Joseph Germain. Le 25 mars 1995 à Noisy-le-Grand, "Jean Mike" bat dès la première reprise Pierrick Trideau, pour son premier combat chez les indépendants, un rêve devenu réalité. La même année, à Saint-Lô, il s'impose sur Frédéric Goutal par arrêt de l'arbitre à la quatrième reprise. Mais la victoire est gâchée par une fracture à la main qui l'éloigne des rings près de deux ans. "Cette blessure a été un terrible coup d'arrêt pour ma carrière. Il y a eu des complications, il a fallu me ré-opérer. Comme je ne pouvais pas compter avec la boxe pour le futur, je suis rentré à la RATP, j' étais médiateur, dans les bus à Asnières, Gennevilliers, Saint-Denis, Bobigny. Là encore, les quartiers n'étaient pas faciles, mais ça passait, nous parlions le même langage". Après cette longue absence, Jean-Marc dispute son premier combat professionnel le 8 mars 1997. Il bat aux points Thierry Vuillemin. Il enchaîne sur deux défaites, face au Libérien Manuel Ossie Nelongo et contre Dominique Mansaré : "Je ne devais pas boxer à cause du forfait de mon adversaire. On m'a prévenu au dernier moment que finalement on avait trouvé un boxeur pour le remplacer, le Nigérien Nelongo, alors que je m'étais relâché. Contre Mansaré, je pense avoir fait un bon combat, malheureusement pas assez efficace. Ce fut difficile à vivre, mais ces deux défaites m'ont permis d'être où je suis aujourd'hui ".

"Après ma victoire sur Vikhor, je me suis retrouvé challenger officiel"

Malgré ces deux déceptions, Joseph Germain continue de façonner un nouveau Mormeck, plus puissant et plus intelligent sur le ring. Course à pied et musculation le matin, les deux hommes travaillent les fondamentaux et les mises de gants tous les après-midi six jours sur sept. La salle de Noisy est le lieu idéal : au premier étage, deux rings et tous les éléments spécifiques au métier de boxeur et au second, la salle de musculation et un autre ring. Les premiers succès arrivent vite : la coupe Internationale de France face à Kamel Hamrane (1997) et surtout le titre de champion de France des mi-lourds conquis en battant Alain Simon aux points (10/11/1998), à Pont-Sainte-Maxence. Un deuxième rêve se réalise. Après deux défenses victorieuses de son titre, face à Ganguina Larmé et Pascal Varusffeld, il abandonne sa couronne nationale pour se tourner vers l'Europe et le Monde. Mormeck s'empare du titre de Champion WBA International en mi-lourds face à Livin Castillo, KO en trois rounds, au Venezuela (16/12/2000). Il défend son titre (KO10) contre le Colombien Villoria. Mais décide ensuite de changer de catégorie pour affronter « le monde » et ça paye : « Ma victoire face à Simon est inoubliable, ça a été le combat le plus dur de ma carrière, plus encore que face à Virgil Hill. Après mes deux défenses victorieuses, je me suis retrouvé challenger officiel du champion d'Europe des mi-lourds, l'Italien Davis. Michel Acariès, mon promoteur, estimait que ce combat ne m'apporterait rien. Après plusieurs tentatives infructueuses pour disputer un championnat du monde, Michel Acariès m'a proposé de monter dans la division des lourds légers pour affronter Valéry Vikhor. J'ai accepté le challenge et me suis mis au travail avec un spécialiste de la diététique, pour de ne perdre ni tonicité ni vitesse. J'ai battu Vikhor et ai été propulsé au rang de challenger officiel du champion WBA des lourds légers, l'Américain Virgil Hill".

"J'ai vu l'entraîneur s'avancer vers l'arbitre pour lui dire que Hill abandonnait"

Remportant les enchères, les Américains fixent au 1er décembre 2001 le combat face à Hill à Bismarck (Dakota). Afin de préparer au mieux son affrontement, Jean-Marc Mormeck affronte victorieusement le fantasque Frank Edmunson, à Paris (08/10/2001). Suite aux insoutenables attentats du 11 septembre, les Américains annoncent qu'ls ne peuvent pas organiser le championnat faute de diffuseurs. Repoussé au 22 décembre, le combat est finalement conclu par Michel Acariès, pour le 23 février 2002 à Marseille. « J'étais soulagé, car j'ai pensé que Hill allait me refaire le même coup qu'à Tiozzo en déclarant forfait à plusieurs fois. Je suis alors parti trois semaines à Font-Romeu pour m'oxygéner. Après les fêtes en famille, j'ai entamé ma préparation à Noisy-le-Grand. J'ai travaillé avec le Russe Valéry Brudov et Alain Simon ainsi qu'avec Andrei Shkalikov et Jo Sulivangi. Je suis arrivé une semaine avant mon combat à Marseille, terminant ma préparation chez Louis Lavaly. Dès mon arrivée au Palais de Sports, je me suis senti relaxé. Je suis monté sur le ring sur les paroles de la chanson "Mort Mec sur le Ring". J'ai démarré le combat sur un rythme élevé, pour épuiser Hill. Je savais qu'il allait plier. J'optais pour la septième reprise quand je lui ai ouvert l'arcade droite, ce fut finalement à la fin de la huitième. Je me suis retourné dans mon coin et j'ai vu son entraîneur avancer vers l'arbitre pour lui annoncer l'abandon de Virgil. J'étais Champion du monde ! Ce n'était plus LE Hill d'il y a quelques années, mais c'est toujours un grand boxeur et un grand gentleman. Il est venu me saluer et m'offrir sa coiffe de chef-indien, en signe de reconnaissance et de passation des pouvoirs…".

"Je pense aussi à un très grand combat face à Fabrice Tiozzo"

"Maintenant que je détiens le titre, je veux le défendre le plus souvent possible face à des adversaires de qualité. Je pense aussi à un très grand combat face à Fabrice Tiozzo, si celui-ci remporte le titre IBF. Cela pourrait être le premier combat d'unification entre deux boxeurs français champions du monde. Je crois Fabrice capable d'un retour au premier plan et je pense qu'il n'a pas effectué la carrière qui lui était promise. Maintenant que je suis champion et médiatisé, les gens vont s'intéresser à moi, me découvrir ou chercher à m'approcher, mais je ne changerai pas. Je vais continuer à bosser et à m'entraîner très fort pour conserver ma couronne car la prochaine fois, c'est mon challenger qui aura tout à gagner et moi tout à perdre. D'ailleurs, je pars m'entraîner à Saint-Marin avec Joseph, mon coach de toujours. »

Olivier Robert est le webmaster du site internet de Jean-Marc Mormeck. L'adresse est la suivante : http://www.mormeck.com