Tout être est mortel! Cette phrase me hantait pendant l'affrontement de la carcasse de Roy Jones contre Joe Calzaghe, alors que l'ex-champion dépérissait de minute en minute.

Jusqu'à ce que cette réclame publicitaire de la soupe Campbell vienne envahir mon esprit. Vous vous souvenez : une soupe à l'ancienne servie à la moderne…

Ce n'est pas une défaite qu'a subie Jones samedi soir, c'est un désastre. Un désastre à l'ancienne servi à la moderne. Calzaghe lui a fait subir exactement ce que Jones a pratiquement toujours fait à ses rivaux, c'est-à-dire de se moquer de lui.

Pour moi, Jones faisait pitié. À l'exception du premier engagement, alors qu'il a expédié le Gallois au tapis, Jones n'a jamais été de taille pour un rival de trois ans son junior.

Je suppose que tout comme moi, vous avez éprouvé de l'amertume face à la performance de ce vétéran de 39 ans, volé d'une médaille d'or aux Jeux olympiques de Seoul en 1988.

J'espère que Jones a compris le message. Il a voulu imiter Bernard Hopkins qui, quelques semaines plus tôt, avait humilié le champion des moyens Kelly Pavlik avec une éblouissante performance, et il s'est fait jouer le tour par un pugiliste incroyablement rapide, fin, énergique et doué du sens du spectacle. Tout comme l'était Jones il y a quelques années à peine.

C'est pour dire comment va la vie. Il y a 20 ans, Jones était reconnu comme le meilleur boxeur des Jeux olympiques, mais il se faisait voler sa médaille d'or aux dépens du Sud-Coréen Park Si-Hun.
Jones a collé 35 victoires de suite chez les pros avant de voir sa fiche noircie par une disqualification contre Montell Griffin, qu'il assomma dès le premier round dans la revanche.

Au cours de sa carrière, il a été choisi le boxeur de l'année par la revue Ring Magazine en 1994. Le meilleur boxeur de tous les temps livre pour livre par International Boxing Digest en 1997. En 1998, son KO sur Virgil Hill lui a valu le titre du KO de l'année. Élu le boxeur de la décennie en 1990 par l'Association des chroniqueurs de boxe d'Amérique. Boxeur de l'année 2003 selon le Temple de la Renommée de la boxe.

Le phénomène Calzaghe

Avant le combat, Calzaghe avait souligné que les Américains ne le respectaient pas parce qu'ils ne connaissaient à peu près rien à la boxe et que c'est en Europe, et non pas aux Etats-Unis, qu'on retrouve actuellement les meilleurs pugilistes.

Aujourd'hui, il faut bien l'avouer. Calzaghe avait raison sur toute la ligne.

Qu'il ait eu raison de Jones, tout le monde s'en attendait. Mais qu'il se moque de lui pendant onze des douze rounds et qu'il lui entaille un œil pour la première fois de sa carrière, ça ce n'était pas prévu.

Calzaghe a lancé aux alentours de mille coups au cours de la bataille. Jamais auparavant un rival avait pu faire à sa guise contre lui.

Calzaghe a continuellement attaqué son rival, le poussant dans les câbles à volonté pour ensuite lui servir une série de coups, peut-être pas les plus puissants, mais des coups qui, minute après minute, ralentissaient l'ex-champion des poids moyens, des super-moyens, des mi-lourds et des lourds. À la fin, il avait l'air d'un unau tellement il était lent.

Que fera Calzaghe maintenant? Il avait dit que son combat contre Jones était son dernier en carrière, mais après sa victoire, il a refusé de commenter sur son avenir.

Une chose est certaine. Aujourd'hui, les Américains le respectent beaucoup plus qu'hier.

Déjà, Chad Dawson, le champion IBF des mi-lourds, lui a lancé un défi. Et un autre affrontement avec Bernard Hopkins à 170 livres n'est pas impossible.

Calzaghe a le gros bout du bâton. S'il veut continuer, c'est lui qui choisira son prochain adversaire.

Tout comme Oscar De La Hoya, Bernard Hopkins, les frères Klitschko et quelques autres, Calzaghe ne se bat pas pour l'argent. Il est riche comme Crésus et son frère. Non, s'il remet sa fiche vierge de 46 victoires à l'enjeu, ce sera parce qu'il éprouve toujours du plaisir à boxer.

Si jamais Calzaghe décide d'accrocher ses gants, il se joindra à un groupe sélect de dix boxeurs qui ont quitté le ring avec leurs couronnes sans jamais avoir été vaincus (voir tableau ci-joint). Dans ce groupe, on retrouve Floyd Mayweather, qui pourrait éventuellement revenir sur sa décision et reprendre le collier. Mais pour le moment, il reste retiré sans défaite.

Pour le plus grand bien de la boxe, je voudrais bien revoir Calzaghe à l'œuvre, disons dans un deuxième affrontement contre Bernard Hopkins, histoire de faire taire les critiques à l'égard de la décision partagée entre les deux.

La balle est dans le camp du Gallois, personne d'autre. Quant à Jones, c'est à lui et lui seul de décider s'il devrait poursuivre. Personnellement, je crois que son heure est venue d'aller entraîner ses coqs de combat et de jouer au basketball avec ses amis dans ses moments de loisirs. Rien d'autre.

Mais salut et bravo pour une carrière qui nous a permis de voir en lui la perfection même du sport de la boxe. Malheureusement, c'était hier…

Bonne boxe…

Champions retraités sans aucune défaite

1 - Rocky Marciano 49-0-0, 43 K.-O. 1947 à 1955
2 - Jack McAuliffe 35-0-6, 22 K.-O. 1884 à 1897
3 - Laszlo Papp 27-0-2, 15 K.-O. 1957 à 1964
4 - Terry Marsh 26-0-0, 10 K.-O. 1981 à 1987
5 - Ji Won Kim 16-0-0, 7 K.-O. 1982 à 1986
6 - Ricardo Lopez 51-0-1, 38 K.-O. 1985 à 2001
7 - Sven Ottke 34-0-0, 25 K.-O. 1997 à 2004
8 - Floyd Mayweather 39-0-0, 25 K.-O. 1996 à 2007
9 - Jimmy Barry 59-0-10, 39 K.-O. 1891 à 1900
* Barry a livré 15 combats d'exhibition et neuf autres dont les décisions sont inconnues.
10 - Young Mitchell 33-0-6, 33 K.-O. 1884 à 1897
* Mitchell a livré 28 combats d'exhibition et six autres dont les décisions sont inconnues.

Merci à Mario Sabourin pour m'avoir procuré les fiches de Barry et Mitchell que je n'avais pas trouvées au moment d'écrire ces lignes.

Merci aussi à Bernard Barré, du Groupe Gym.

C'est lui qui a attiré mon attention sur Laszlo Papp, qui n'a jamais été vraiment champion du monde même si son nom est parmi ceux qui ont détenus des couronnes mondiales. Voici l'explication...

Papp est devenu boxeur professionnel en 1957, mais à cause de régime politique socialiste de la Hongrie, il s'est exilé en Autriche. Il a vaincu des boxeurs aussi talentueux que Tiger Jones et Chris Christensen pour ainsi mériter le titre européen.

De retour en Hongrie, Papp a signé un contrat pour un combat de championnat du monde. En 1964, Joey Giardello détenait les couronnes de la WBC et de la WBA. L'IBF et la WBO n'existaient pas.

A cause du système socialiste du temps, le gouvernement lui a refusé le droit de combattre prétextant que selon leurs lois, il était défendu à un boxeur de recevoir des gains pécuniers pour se battre.

Enfin, Papp a été couronné trois fois champion olympique en 1948, 52 et 56.

Il est décédé à l'âge de 77 ans le 16 octobre 2003.