(RDS) - Jack Dempsey voit le jour le 24 juin 1895 à Manassa au Colorado. Neuvième d'une famille de 11, le jeune Dempsey vécu pauvrement, son père étant fréquemment au chômage. "William Harrison", son prénom légal, commence à boxer à l'âge de 16 ans à Salt Lake City. En début de carrière, Jack se produit sous les noms de "Young Dempsey" et "Kid Blackie" avant de choisir finalement le nom "Jack" Dempsey.

Le début de carrière de Jack n'augure rien de bon. D'abord un match nul à son premier combat, disputé à 140 livres en 1914. Il livre durant deux ans plus de cent combats qui ne seront jamais homologués, ni répertoriés. Il se fait ensuite passé le KO au premier assaut par Fireman Jim Flynn en 1917, le même homme qui perdu contre plusieurs des meilleurs poids lourds noirs de son époque. Après un divorce en 1918, Dempsey en vient presqu'à abandonner la boxe. Il rencontre ensuite Jack "Doc" Kearns, un ancien boxeur, parieur professionnel maintenant devenu gérant de boxeur.

Kearns entreprend de faire manger Dempsey à sa faim, puis lui permet de s'entraîner rigoureusement. Les résultats sont fantastiques! La pluie de KO qui suit permet à Dempsey d'envisager un combat de championnat du monde des poids lourds!

Jess Willard, né le 29 décembre 1881 à Pottawatomie au Kansas, fut le premier "Great White Hope" qui remporta le titre mondial des lourds. Jess est le plus jeune de 4 frères et son premier amour fut l'équitation. Adolescent, Jess travaille très durement sur la ferme familiale.

Personne ne sait vraiment comment Jess Willard (6 pieds 6 pouces et demi, 250 livres) commence à s'intéresser à la boxe. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il dÉbute sa carrière dans un combat d'exhibition en 1911, duel qu'il a d'ailleurs perdu.

À l'époque, l'Amérique Blanche recherche désespérément le poids lourd Blanc qui va défaire Jack Johnson, le premier champion Noir. À cet effet des combats sont organisés entre les meilleurs espoirs Blancs (Great White Hope). Le 19 août 1912, Willard rencontre Luther McCarthy et malgré un "match nul", tout ceux qui assistent au combat sont d'avis que McCarthy l'emporte haut la main…Toutefois, McCarthy n'a jamais eu la chance de rencontrer Jack Johnson, il meurt dans des circonstances incroyables le 24 mai 1913 au Canada.

Malgré 3 défaites à ses 16 sorties suivantes, Willard est désigné comme le meilleur espoir Blanc. Pendant ce temps, Jack Johnson est forcé à l'exil en Europe où il défend son titre à plusieurs reprises. Sans le sou et au cœur de la première guerre mondiale qui fait rage de l'autre coté de l'Atlantique, Johnson se fait offrir par un promoteur Américain de défendre son titre contre Willard, en échange de pouvoir remettre les pieds aux Etats-Unis. Le promoteur savait la mère de Johnson gravement malade et estimait que celui-ci ne pouvait refuser son offre.

Le combat doit d'abord se dérouler à Mexico, mais la guerre civile y fait rage et à la suggestion du champion, on déplace le tout à La Havane, Cuba. Comme c'était la coutume à l'époque, la pesée se fit sur le ring, quelques minutes seulement avant le début du combat prévu en 45 reprises le 5 avril 1915.

Johnson débute la bagarre en lion mais, un Willard plus jeune, plus fort et doté d'une endurance jamais vue depuis les beaux jours de James J. Jeffries remonte la pente et passe le KO à Johnson au 26ième round!

Quelques jours après le combat, Johnson déclara s'être couché volontairement afin de pouvoir regagner les États-Unis. Cependant, plusieurs se demandent encore pourquoi Johnson aurait attendu jusqu'au 26e assaut, sous le soleil de plomb de La Havane avant de rendre les armes si le tout était décidé d'avance…

Cette victoire, la première retransmise directement par télégraphe en Amérique du Nord, fait de Jess Willard un héros instantané, le monument vivant de l'Amérique Blanche raciste.

LE COMBAT JESS WILLARD-JACK DEMPSEY

Tex Rickard est un fermier du Texas et un gambler bien connu. Très intelligent, il constate vite que la boxe se meurt à cause de la première guerre mondiale et il tente par tous les moyens d'organiser un coup d'éclat afin de raviver le sport. Grâce au flair de "Doc" Kearns, Rickard décide d'accorder une chance à Dempsey.

Dempsey est à l'époque peu connu. Rickard organise donc des "stunts" publicitaires qui ont pour but de faire de l'aspirant une vedette. Dempsey est pris en photo avec Charlie Chaplin et Douglas Fairbanks, les deux vedettes de cinéma de l'heure et le tout fait le tour des USA. Cependant, le meilleur coup d'éclat de Dempsey est sûrement les 7 KO en moins de 2 rounds qu'il enregistre successivement avant de rencontrer Willard.

Pendant que Dempsey détruit tout sur son passage, l'idole du peuple Willard met son titre sur la glace et s'engage dans une série d'exhibitions plus ou moins sérieuses. Il se mêle également à une troupe de cirque durant quelques mois. La seule défense de titre qu'il enregistre en 4 longues années est un "no-decision" en 10 rounds sur Frank Moran.

Malgré sa longue période d'inactivité, Rickard offre $100 000US à Willard pour défendre contre Dempsey qui lui, reçoit $10 000US. Dempsey, comme c'est fréquent à l'époque, gage la totalité de sa bourse sur le fait qu'il passera le KO à Willard au premier round. Les cotes sont à 10 contre 1. Si Dempsey réussit l'exploit, il sortira du ring aussi riche que Willard.

Pour l'occasion, Rickard fait construire un stade de bois devant accueillir 20 000 personnes. Le bois est cependant de très mauvaise qualité et plusieurs spectateurs ruineront leurs complets sur les bancs. Les billets sont tous vendus, de $30 à $100 l'unité. On doit comprendre qu'à l'époque, le salaire moyen était de $10 par semaine! Rickard, un visionnaire s'il en fut un, fit également construire une section spéciale pouvant recevoir 2 000 femmes, section entourée de fils barbelés afin de prévenir le mélange scandaleux d'hommes et de femmes en public...

En ce 4 juillet 1919 a Toledo, Ohio, le soleil écrase l'assistance. Il fait plus de 112 degré lorsque Dempsey fait son entrée sur le ring. Jack concède 5 pouces et demi et 70 livres à Willard!

Le champion fait son entrée sur le ring et il demande à ce que le tapis soit remplacé car il est maculé de sang d'un combat précédant. Le «time-keeper» sonne enfin la cloche annonçant le premier round mais personne ne l'entend…le bruit d'une foule enthousiaste étouffant celle-ci. Une seconde cloche permet à Willard et Dempsey de s'avancer l'un vers l'autre dans ce qui va devenir la pire boucherie de tous les temps.

Willard, qui n'avait jamais été au plancher en 8 huit ans de carrière, embrasse celui-ci pour la première fois d'une combinaison foudroyante de quatre coups de Dempsey. À l'époque, le "neutral-corner rule" n'existait pas encore. Dempsey attendait au-dessus du corps meurtri de Willard et dès que les gants du champion quittaient le canevas, Dempsey se mettait à cogner sur le pauvre Jess sans défense.

Willard, qui visite le plancher pas moins de 7 fois en trois minutes, fait preuve d'un courage fou chaque fois qu'il tente de se relever! Il est accueilli par un Dempsey déchaîné qui cogne sur lui sans retenue aucune.

Suite à la 7e chute, Dempsey croyait que le combat venait de prendre fin et il quitta les lieux. Personne n'avait entendu de nouveau le son de la cloche annonçant la fin du round, bien avant que l'arbitre n'eût complété son compte de 10!

Réalisant l'erreur, "Doc" Kearns rappelle Dempsey dans un brouhaha indescriptible et l'aspirant revient sur le ring en 10e vitesse! Dans le coin de Willard, ses hommes constatent qu'en 3 petites minutes, Dempsey a fracassé la mâchoire du champion, ainsi que réduit 2 côtes en charpies.

En dépit de tout, Willard se lève afin de répondre à l'appel du deuxième round! Il reçoit une raclée comme peu d'hommes en ont reçu dans l'histoire de la boxe…une raclée si terrible que Willard n'a jamais récupéré complètement l'usage de l'ouïe. Finalement, sentant la mort venir, ses hommes de coins insistèrent énergiquement afin que le combat cesse entre les 3e et 4e rounds.

"He went out like a champion", fut le seul commentaire émis par le gérant de Willard après le combat. Jess a prétendu jusqu'à sa mort que Dempsey avait inséré un objet métallique à l'intérieur de ses gants:

"Nobody can hit that hard", disait Willard.

Néanmoins, Dempsey aura prouvé tout au long de sa carrière que oui, il pouvait cogner très très dur!

Peu de gens se rappellent aujourd'hui de Jess Willard. Historiquement, il fait office de champion de transition entre Jack Johnson et Jack Dempsey.

Le "Manassa Mauler" permit à la boxe de regagner une popularité perdue. Jamais depuis John L. Sullivan l'Amérique n'avait pu compter sur un champion comme lui. Il faut préciser que Dempsey en tant qu'individu n'était ni adulé, ni aimé par les amateurs de boxe. Néanmoins, ses spectaculaires exploits furent chantés aux quatre coins de l'Amérique. Il fallut qu'il perde son titre contre Gene Tunney afin d'être apprécié à sa juste valeur.