MONTREAL - Lucian Bute avait un oeil au beurre noir bien visible mais il avait le visage détendu et le sourire aux lèvres, vendredi soir, quelques minutes seulement après sa victoire aux dépens du Colombien Alejandro Berrio. Après tout, il venait de remporter un combat qui lui a non seulement permis de décrocher à 27 ans le championnat du monde IBF, mais aussi d'accéder pour de bon à la cour des grands dans la catégorie des super-moyens.

Et c'est par la grande porte qu'il y a accédé. Contre un dur cogneur comme Berrio, Bute a non seulement été méthodique, discipliné, vif et alerte, donnant une performance éclatante qui lui aurait sans doute permis d'obtenir une victoire claire aux points; il a aussi fait taire tous les doutes quant à l'impartialité des juges en réussissant la mise hors combat à 1:34 du 11e et avant-dernier round.

Et la décision de l'arbitre d'intervenir ne faisait aucun doute. Adossé au coin du ring, Berrio tenait encore debout, mais il ne pouvait plus lever les bras, il était incapable de se défendre. Quelques secondes de plus et on risquait d'assister à un dénouement dramatique, voire tragique.

La performance de Bute a été si dominante, vendredi, qu'on avait l'impression que le champion en titre, c'était lui et non Berrio. Et ce, même si ce dernier a montré qu'il avait le potentiel de couper court au combat à tout moment.

"Contre un cogneur comme ça, tu peux gagner tous les rounds et ça peut quand même finir soudainement, a noté Stéphan Larouche, entraîneur de Bute. Reste qu'à partir du cinquième round, les coups de Berrio ont ralenti beaucoup, on sentait qu'il y avait du désespoir dans sa boxe, il commettait plus d'erreurs. J'ai dit à Lucian, 'Ca fait quatre ans que tu travailles pour arriver dans des rondes de championnat et c'est ce championnat-là ce soir'."

"J'ai réalisé mon rêve, je suis champion, a dit Bute en souriant après sa victoire, sa 21e en autant de combats, sa 17e par K.-O. Je sentais dans le ring que j'étais en avance dans le combat, mais je ne m'attendais pas à le mettre hors de combat au 11e. Quand l'arbitre a arrêté le combat, j'ai explosé d'émotion. J'ai commencé à pleurer."

Même si Larouche n'en est pas à son premier championnat du monde - il a aussi aidé Eric Lucas et Leonard Dorin à décrocher des titres avec InterBox - il dit que c'est toujours aussi agréable.

"Ca s'est terminé de facon spectaculaire et je pense que c'est ce qui nous a donné cette joie-là. Si on avait eu une simple décision, on n'aurait pas été aussi excité", a reconnu Larouche, qui s'est dit très fier du cheminement parcouru par son protégé.

"Lucian Bute a fait ses débuts professionnels en novembre 2003, il a travaillé 1427 jours pour arriver à aujourd'hui (vendredi). Il a tellement planifié, il a tellement voulu, il a tellement cru en ça et fait les efforts nécessaires, qu'à un moment donné on réalise que les bons peuvent gagner.

"Et la bonne nouvelle, c'est qu'il s'est battu avec des gants sans beaucoup de coussin, et ses deux mains sont parfaites."

Malgré les performances de Bute jusqu'ici et le fait qu'il a un championnat du monde en poche, Larouche concède que son protégé a encore des choses à apprendre et à assimiler. Il a reconnu, par exemple, que Bute a rarement réussi des combinaisons de plus de deux coups, vendredi contre Berrio, alors qu'on l'a vu par le passé y aller de séries de plusieurs coups sans riposte - parfois jusqu'à une quarantaine de suite.

"Il était nerveux à cause de l'enjeu, mais c'est vrai qu'avec plus de confiance, plus d'expérience, il aurait décoché plus de coups", a dit Larouche.

Bute a déjà reçu son diplôme de champion, mais il aura largement l'occasion de continuer d'apprendre et de s'améliorer au cours des prochains mois, alors qu'il se frottera aux meilleurs de sa catégorie.