BROOKLYN, New York – Olivier Aubin-Mercier a toujours gardé un pied près de la pédale de frein, juste au cas où quelqu’un serait tenté d’appuyer sur l’accélérateur à sa place.

Chaque fois qu’on a voulu le comparer à Georges St-Pierre, il a poliment dénoncé le ridicule de la chose. Chaque fois qu’on a voulu le qualifier d’« espoir », il a moqueusement crié au sensationnalisme. Chaque fois qu’on a souhaité secrètement le voir prendre un risque, il a conservé sa trajectoire avec la discipline d’un vieux moine.

Depuis le début, Aubin-Mercier a un plan et le suit patiemment.

« Je vais prendre mon temps, insistait-il encore il y a à peine deux ans, alors qu’il se préparait à disputer son cinquième combat à l’UFC. [...] Pour moi, ça n’aurait pas vraiment de sens de me battre tout de suite contre des gars du top-15. J’aimerais peut-être commencer à penser à la ceinture dans deux ans. Mais avant ça, je pense que ça ne serait pas la meilleure idée. »

Il y a un mois, le « Québec Kid » se préparait à affronter Gilbert Burns, un combattant avec un profil sensiblement similaire au sien, un choix conséquent avec la courbe de progression qu’il avait établie. Puis  le script a été déchiré. La coupe de poids du Brésilien était mal entamée, on craignait pour sa santé, le combat a été annulé.

Les circonstances venaient de changer.

Aubin-Mercier s’est rapidement fait offrir deux solutions de rechange. Le premier adversaire qu’on lui proposait était plus ou moins attrayant à ses yeux et aurait nécessité une préparation précipitée. L’option a été rejetée.

Le deuxième se retrouvera devant lui samedi soir pendant les préliminaires de l’UFC 223. Evan Dunham a 36 ans. Il se battait déjà dans les ligues majeures avant même qu’Aubin-Mercier n’entreprenne sa carrière en arts martiaux mixtes. Il a 18 combats à l’UFC à son actif et est présentement classé 14e dans la division des poids légers.

Soudainement, l’avenir, c’est maintenant pour le petit gars de Saint-Bruno.

« C’est une belle opportunité, reconnaissait-il d’emblée mercredi. Mon but, c’était de me battre contre des gars du top-15 au début de l’année prochaine. Maintenant, on va essayer d’être dans le top-10 au début de 2019. »

Dans le meilleur des mondes, Aubin-Mercier battrait Dunham samedi et solidifierait sa place dans l’élite de sa division en affrontant un ou deux autres adversaires de calibre top-20. Signe que les temps changent, il se permet maintenant de rêver ouvertement à des noms comme Anthony Pettis, Jim Miller et Joe Lauzon.

« Mon nom commence à ressortir », estime celui qui visera en fin de semaine une quatrième victoire consécutive. Mais les 155, c’est tellement une grosse catégorie. Je ne sais pas combien de gars vont accepter un combat contre moi. Je comprends aussi que je ne suis pas rendu aussi loin que d’autres qui sont dans le top-10 au niveau de la notoriété. Ce sont tous des gros noms, présentement. »

Les classements de l’UFC ne font pas l’unanimité. Ils sont établis selon des critères plutôt vagues par un comité de sélection dont la crédibilité a souvent été remise en question. De plus, les dirigeants de l’organisation ne se sont jamais gênés pour y mettre leur grain de seul afin de justifier des décisions impopulaires.  

Mais quoi qu’on en dise, ils demeurent un indice de progression et un outil de promotion important pour un combattant.

« C’est sûr que ça serait spécial, convient Aubin-Mercier. Mais c’est juste le début de ce que je veux atteindre. Je ne veux pas seulement atteindre le top-10, je veux y rester. »

Se battre intelligemment

Evan Dunham n’a pas subi la défaite à ses cinq dernières sorties. Sans complexe, Aubin-Mercier n’ignore pas pour autant l’ampleur du défi qui se dresse devant lui.

« C’est probablement le premier gars que j’affronte qu’on peut qualifier de vrai grinder. C’est un bon lutteur, il est bon au sol et il est quand même dangereux debout. C’est un gars qui veut te fatiguer pour gagner le combat, donc il va lancer beaucoup de coups. Il n’a peut-être pas la plus grande finesse dans sa technique, mais ça marche! Il doit lancer des combinaisons d’à peu près dix coups à chaque fois et les gars s’épuisent contre lui. C’est un adversaire coriace. »

À son plus récent combat, Dunham s’est fait traîner en enfer pendant tout le premier round. Affaissé sous les poings de Beneil Dariush, il a rapidement dû se brancher sur l’instinct de survie pour éviter une humiliante défaite. C’est sa résilience, exhibée dans les dix dernières minutes du combat, qui lui a permis de remonter sur les cartes des juges.

S’il reconnaît que son prochain rival est « capable de prendre une claque », Aubin-Mercier ne voit rien là qu’un peu de jugeote ne peut pas contrer.

« En MMA, il faut que tu gères ton énergie. Je pense que Dariush a fait une petite erreur au premier round, tu voyais clairement qu’à la fin, il n’était plus capable. Et même Evan avait l’air assez fatigué... C’était un super bon combat, mais le rythme n’était pas incroyable. Il faut juste être intelligent quand on se bat contre des gars comme ça et ne pas mettre trop d’efforts dans des gestes qui ne causent pas tant de dommage. »