Perspective juridique sur la création de la Mixed Martial Arts Athletes Assocation
UFC jeudi, 1 déc. 2016. 16:08 dimanche, 24 nov. 2024. 23:33Georges St-Pierre, Cain Velasquez, T.J. Dillashaw, Donald Cerrone et Tim Kennedy ont procédé mercredi à l’annonce officielle de la création d’une association de combattants. Celle-ci porte le nom de Mixed Martial Arts Athletes Association (MMAAA).
La majorité des combattants de l'UFC se disent insatisfaits des conditions de travail actuelles au sein de la ligue. D'ailleurs, en octobre dernier, Georges St-Pierre avait dénoncé publiquement les salaires des combattants et le partage des revenus à l'UFC.
Précisons cependant que la MMAAA n'est pas le premier groupe à essayer d'organiser un syndicat ou une association professionnelle de combattants de l'UFC. En effet, il y a eu d'autres tentatives de syndicalisation au cours des dernières années, notamment la Professional Fighters Association (PFA) et la MMA Fighters Association. Rappelons que le 11 août dernier, la PFA avait été créée.
Ceci étant, l'arrivée de la MMAAA est particulièrement importante puisque la présence de GSP et de celle d'autres combattants vedettes donnent de la crédibilité au mouvement et plus de visibilité que les autres associations ayant été fondées dernièrement.
Qu’est-ce qu’une association de combattants?
D’entrée de jeu, les combattants de l’UFC sont des salariés au sens de la loi. Les salariés peuvent se grouper en association, aussi appelée syndicat, soit en formant un nouveau syndicat ou en se joignant à un syndicat déjà existant.
À lire également
Conformément aux règles du droit du travail québécois, une association de salariés ne pourra pas agir auprès de son employeur si elle ne reçoit pas une accréditation de la part de la Commission des relations du travail. Autrement dit, une accréditation est une reconnaissance syndicale. En ce qui a trait aux ligues sportives professionnelles, elles sont régies par des lois du travail américaines, plus particulièrement par la National Labor Relations Act. Cette loi parle de « certification » du syndicat et non d'accréditation, mais l'essence de cette reconnaissance syndicale est analogue à celle du Québec. Ainsi, l’association des combattants ne pourra pas agir auprès de son employeur, l’UFC, en l’absence d’une accréditation de la part de la Commission des relations du travail, désignée National Labor Relations Board aux États-Unis.
Hier, GSP a annoncé que l’association s’était fixée trois principaux objectifs, soit d'obtenir un règlement avec l'UFC pour les combattants actuels, de ramener le partage des revenus de 8 % à 50 % et de négocier une convention collective avec l'UFC. Ces objectifs ne pourront toutefois pas être réalisés si l’association n’est pas certifiée. En effet, avant que les propriétaires de l'UFC et qu'une association de combattants se rencontrent pour négocier ces points, les combattants visés doivent être reconnus officiellement à titre d'agent de négociation exclusif pour une unité. Selon la NLRA, la « certification » est le statut officiel d’un syndicat comme agent exclusif de négociation et elle établit l’obligation corrélative de l’employeur de négocier avec lui.
En l’absence de cette accréditation, l’association des combattants ne pourra pas négocier et faire appliquer une convention collective de travail avec l’UFC. Cette certification est essentielle pour soutenir les athlètes de l'UFC dans la défense de leurs droits collectifset pour qu'ils puissent négocier collectivement leurs conditions d’emploi.
Prochaine étape : la « certification » de l'Association des combattants de l'UFC. Quel est le déroulement?
L’Association des combattants doit formuler une demande d’accréditation, mais elle doit adopter avant une résolution auprès de ses membres l'autorisant à demander la certification. Cette demande doit indiquer le groupe de salariés qu’elle doit représenter, communément appelé l'unité de négociation. Pour obtenir l’accréditation, l'association doit détenir un caractère représentatif à l’intérieur de ce groupe de salariés. L’association sera représentative si elle obtient l’adhésion de la majorité de ses membres.
Puis, les salariés visés doivent être reconnus officiellement à titre d'agent de négociation exclusif pour une unité. La reconnaissance syndicale peut s'obtenir de trois façons :
1. Procédure de référendum sur la représentativité syndicale organisée par le National Labor Relations Board par la simple vérification d’une majorité de salariés qui signe une attestation en faveur de l’implantation d’un syndicat. Il s'agit d'une élection au scrutin secret conduite par le conseil;
2. Reconnaissance volontaire par l'employeur. En acceptant de le reconnaître, l’employeur prend acte de la puissance du syndicat;
3. Reconnaissance par ordonnance du National Labor Relations Board, sans élection.
Typiquement, l'employeur reconnaîtra un groupe de salariés à titre d'agent exclusif de négociation seulement si l'union a un pouvoir particulièrement élevé de négociation sur l'employeur ou s'il considère que la majorité des salariés sont en faveur d'une syndicalisation. La LNH, la MLB et la NBA ont volontairement reconnu le syndicat de leurs joueurs. Ces derniers ont obtenu la reconnaissance officielle par leur employeur en démontrant qu'ils pouvaient former un groupe distinct et une unité appropriée qui jouissait d'un caractère représentatif considérant une tenue réalisable de leurs rapports collectifs. Or, la reconnaissance « volontaire » ne signifie pas pour autant que les ligues ont volontairement reconnu les syndicats. La reconnaissance volontaire signifie plutôt que la reconnaissance s'est réalisée en l'absence d'une ordonnance du National Labor Relations Board ou d'un référendum sur la représentativité syndicale. Par exemple, la NBA refusait au départ de reconnaître l'Association des joueurs et elle ne l'a acceptée qu'en 1964 lorsque les joueurs ont menacé de boycotter le premier Match des étoiles télévisé. Quant à elle, l'Association des joueurs de la NFL est devenue le premier syndicat sportif à obtenir la certification par le National Labor Relations Board en 1971.
Pourquoi plusieurs associations de combattants sont créées, mais éprouvent des difficultés de syndicalisation?
Les difficultés de syndicalisation des combattants de l'UFC relèvent entre autres du climat de peur qui entoure certains combattants quand vient le temps de faire valoir leurs positions, principalement en ce qui a trait à leur carrière.
La plupart des combattants sont favorables à la présence d'une association et souhaitent tous que leurs conditions de travail s'améliorent, mais ils sont bien conscients que l'UFC dispose de moyens financiers importants et qu'il pourrait tenter de freiner la création d'une association de travailleurs.
Les syndicats sportifs
La plupart des athlètes professionnels au Canada et aux États-Unis sont représentés par des syndicats. Cela dit, l'industrie sportive réfère aux syndicats telle une association des athlètes. Ces associations sont nées des diverses frustrations que les athlètes éprouvaient envers leurs ligues professionnelles.
Les athlètes revendiquaient la création de syndicats pour se protéger des aléas du marché du travail sportif, pour aplanir les injustices et pour faire disparaître l'arbitraire des décisions de leur employeur. Les athlètes ont donc choisi de s'unir pour éliminer les inégalités de puissance et se prémunir contre des conditions de travail injustes.
Ce n'est que dans les années 1960 que les sportifs de la LNH, de la NFL, de la MLB et de la NBA ont officiellement obtenu une association de joueurs. Pendant cette même période, ils ont également négocié les termes d'une convention collective avec leur ligue respective.
Les combattants de l'UFC cherchent donc la syndicalisation pour que leurs intérêts soient défendus dans leurs relations avec leurs employeurs, c'est-à-dire avec les propriétaires.
Ainsi, la création de la MMAAA est un grand pas pour les combattants de l'UFC dans leurs efforts de syndicalisation. Toutefois, la création d'une association de combattants devra faire l'objet d'une certification avant d'être reconnue officiellement. Il faudra donc attendre quelque temps encore avant que cela ne se concrétise.