L’UFC prépare une semaine chargée qui va se conclure par l’évènement le plus attendu de l’année dans les arts martiaux mixtes. Ça débute jeudi par le Fight Night : Dos Anjos-Alvarez, suivi de la finale de l’émission L’ultime combattant vendredi (RDS2, 20 h) et de l’UFC 200 samedi (les combats préliminaires à RDS2, 20 h).

D’une façon ou d’une autre, l’un des champions poids mi-lourds vivra sa rédemption à l’UFC 200.

Jon Jones, déjà le meilleur combattant sur la planète à 28 ans, tentera de reprendre le titre qui lui a été enlevé en avril 2015, quand il a quitté la scène d’un accident au Nouveau-Mexique. Ce talent naturel, incomparable, il a parfois semblé déterminé à le gaspiller. Une performance dominante contre Cormier lui permettrait de tourner la page sur cette histoire.

De l’autre côté, Cormier, 37 ans. Il est l’un des athlètes les plus accomplis de son sport, mais il manque à son palmarès ce genre de grand moment qui définit une carrière.

Daniel Cormier et Jon Jones

Cormier est six fois champion national de lutte aux États-Unis et deux fois olympien. Au niveau universitaire, cependant, il est passé à une victoire de remporter le championnat de la NCAA. Il est aussi revenu les mains vides de ses deux périples aux Jeux olympiques. Et bien qu’il soit techniquement le champion défendant samedi lors de l’évènement principal au T-Mobile Arena, il n’a pas gagné le titre des mains de Jones. Les deux se sont affrontés en janvier 2015 avant que Jones ne se fasse enlever sa ceinture par l’UFC, et Cormier avait perdu par décision unanime.

« Je n’ai pas vécu mon moment de gloire », a déclaré Cormier à ESPN. Quand Dana White (le président de l’UFC) boucle la ceinture autour de votre taille, c’est gros. Mais suis-je vraiment reconnu comme le meilleur au monde? Je ne peux pas dire que c’est ce que je ressens parce que Jon m’a battu à notre premier affrontement. »

« J’ai réalisé des choses qu’on ne peut m’enlever, mais l’héritage que je vais laisser dans les arts martiaux mixtes sera défini par le résultat de ce combat. Si je ne gagne pas ce combat, je suis mort. Je n’ai nulle part d’autre où aller. J’aurai alors perdu deux fois contre Jones. C’est une question de vie ou de mort pour moi, et ça me va. »

Cormier (17-1) croit que cette revanche contre Jones va définir l’héritage qu’il va laisser dans les AMM, et non pas sa carrière sportive dans son ensemble, mais même certains des gens les plus proches de lui ont de la difficulté à séparer les deux.

La vie de celui qui est originaire de Lafayette, en Louisiane, est intrinsèquement liée aux sports. Il a été un champion régional de lutte au secondaire et a reçu une bourse de LSU en football. La lutte a toujours été sa première, deuxième et troisième passion. Ç’a été son lieu de refuge parfois. Quand il avait 7 ans, son père a été tué par balle à l’Action de grâce. Il a perdu un ami proche puis un cousin lors de deux accidents de voiture distincts à l’école secondaire. En 2003, sa fille Kaedyn est décédée dans un accident de voiture à l'âge de 3 mois. Cormier a suivi sa thérapie sur le tapis de lutte.

Cael Sanderson« C’est la lutte qui l’a adopté, a révélé Craig Andrus, cousin de Cormier. Dans ces moments difficiles, il s'est toujours tourné vers la lutte. »

Cormier a commencé sa carrière universitaire au Kansas, avant de rejoindre une puissance comme Oklahoma State durant deux saisons. Il a changé de catégorie du même coup, passant de 197 à 184 livres. Il s’agit de la même division que Cael Sanderson, considéré comme le meilleur lutteur universitaire de tous les temps.

« Après son année junior, il en était toujours à réaliser à quel point il était bon et nous sommes allés lentement avec lui, se souvient John Smith, entraîneur-chef à OSU. En 2001, l’objectif n’était plus simplement de gagner un championnat NCAA, c’était de battre le meilleur livre pour livre. Daniel était tellement compétitif. Je savais que puisqu’il était déterminé à affronter Cael, sa présence en finale était assurée, parce que c’est là que Cael l’attendrait. »

Cormier a perdu six fois contre Sanderson entre 2000 et 2001. Après l’université, son but était désormais d'avoir une médaille d’or olympique à son cou, ce qu’il est venu près de réaliser en 2004 avec une quatrième place.

UFC 200 : Counterpunch - Cormier vs Jones 2

Puis vinrent les JO 2008, à Pékin. Cormier a fait l’équipe pour la deuxième fois et a été promu capitaine. Le chemin était ouvert. Aucun des athlètes qui avaient terminé devant lui en 2004 n’était présent en 2008.

Plutôt que de connaître son moment de gloire, il est tombé à son plus bas. Il a dû déclarer forfait pour cause d’insuffisance rénale.

« Il était trop lourd à l’approche des Olympiques et la coupe de poids est devenue purement une affaire de déshydratation, a expliqué l’ancien entraîneur de lutte américain Kevin Jackson. Pendant trois jours, il était enveloppé de plastique dans le sauna. Il a tout enduré et a fait le poids, mais il avait mal et avait des crampes. Nous avons pris la décision de l’amener à l’hôpital. »

« Après son abandon, je crois que plusieurs l’ont laissé tomber. Ils trouvaient que c’était une honte pour la nation. D’autres parmi nous ont reconnu ce qui était vraiment important : l’homme. Mais oui c’est de sa faute s’il n’a pu combattre. »

Quand Cormier est revenu aux États-Unis, il a travaillé dans une station de télévision à Oklahoma. Son amour pour la lutte ne s'est jamais éteint, mais Andrus a avoué qu’il restait en retrait. Après les Olympiques, son plan était moins clair.

« Ç’a été l’une des pires périodes de sa vie, de dire Andrus. Je mentirais si je disais qu’il n’avait pas gardé contact avec la lutte, mais il s’en était distancé beaucoup. Il disait : "Je ne sais plus ce que je veux en faire". »

« Puis un jour, le déclic. Il m’a appelé pour me dire "Je vais en Californie pour me battre. Je suis trop petit pour tenter ma chance avec les Rockets de Houston, alors je vais me battre". »

Cette révélation n’est pas venue de nulle part. Cormier a été recruté par un gérant d’AMM et ancien lutteur universitaire, DeWayne Zinkin, qui a amené son partenaire d’affaires Bob Cook regarder un des matchs de Cormier.

Cormier est ainsi débarqué à l’American Kickboxing Academy à San Jose un an après une relative inactivité. Cook se souvient qu’il pesait autour de 268 livres « avec bien moins de muscles qu’aujourd’hui ». Mais Cormier apprenait vite et il était un leader naturel. En plus de gagner ses 15 premiers combats, il est devenu l’entraîneur principal de lutte au gym.

Et maintenant, tout ce chemin parcouru le mène à l’UFC 200 à Las Vegas.

Les prédictions donnent Jones vainqueur, et non pas Cormier. Il est le grand favori pour l’emporter, comme lors de leur premier rendez-vous.

La dure réalité est que Jones est peut-être tout simplement meilleur, un talent qui ne passe qu’une fois dans une vie. Cormier a juste eu la malchance de tomber sur deux de ces phénomènes : Jones et Sanderson.

« Cael était meilleur tout simplement, et pour plusieurs raisons, vous dira Cormier. Il avait tout pour lui. Personne ne pouvait battre Sanderson dans un combat de lutte universitaire en 2001. »

Jones? Cormier croit pouvoir le vaincre, ce qui pourrait faire de lui le meilleur combattant au monde. Sa rédemption passe par là.

« Je crois sincèrement que je suis meilleur que Jon Jones. »