RDS Info présentera à 19 h lundi le dernier épisode de la série de documentaires 25 ans d'émotions, « Miguel Duhamel : au nom du père ».

Pourtant accroc au vedettariat, les Québécois sont quand même passés à côté d’un des plus grands pilotes de moto en Amérique. Bien sûr, dans le monde des courses, Miguel Duhamel était très connu, respecté, voire même adulé. Mais dans le public en général, bien peu de gens connaissent le nom et l’ampleur de ses exploits.

Comment expliquer une telle situation? Sans doute par le fait que l’époque durant laquelle Duhamel écumait les circuits de moto, un autre Québécois faisait sa marque en Atlantic, en IndyCar puis en F1. Vous avez sans doute reconnu ici Jacques Villeneuve, fils de Gilles.

D’ailleurs, durant ces années, Player’s dépensait des centaines de millions pour faire connaître et apprécier la monoplace et sa « tradition d’excellence ». Les courses de motos, chez nous, ont trop souvent été en retrait par rapport à l’automobile, alors qu’en Europe, ce sont les deux roues qui attirent aujourd’hui les plus grosses foules.

C’est d’ailleurs en commentant le MotoGP que j’ai fait mes premières armes à RDS en 1989 alors que Duhamel débutait sa carrière professionnelle. Avant, j’avais été annonceur maison pendant une dizaine d’années lors des épreuves de motocross tenues au Québec.

C’est à ce moment-là que j’ai côtoyé pour la première fois la famille Duhamel. Je connaissais déjà Yvon, le père de Miguel pour ses exploits à moto. Miguel courrait en classe Écoliers 80cc et montrait déjà une fureur de vaincre hors du commun. Il était vraiment choqué quand il ne gagnait pas.

Madame Duhamel, Yvon, Mario et Gina, frère et sœur de Miguel, logeaient dans une petite camionnette au toit surélevé qui tirait une ancienne remorque dont les flans avaient été modifiés au niveau des guidons de motos pour en accueillir plus à l’intérieur.

Gina agissait comme pointeuse. Elle notait les numéros des motos au fur et à mesure qu’elles traversaient à chaque tour la ligne d’arrivée. Madame Duhamel prenait des chronos et encourageait ses fils alors qu’Yvon faisait office de mécanicien et de mentor.

Du motocross, Miguel est passé au circuit routier. Rapidement il s’est montré très véloce. Supporté au début par Monette Sport et le regretté Alain-Trottier, Miguel a tout aussi rapidement monté les échelons et a débuté sa carrière aux États-Unis à la fin des années 80.

C’est en 1990 qu’il signe sa première victoire en Superbike. Il est cette année-là nommé recrue de l’année de l’AMA (American Motorcycle Association). Il montera 32 fois sur la plus haute marche du podium dans la catégorie reine.

Miguel Duhamel, c’est le pilote de circuits routiers ayant remporté le plus de courses de toute l’histoire de l’AMA : 86 victoires toutes catégories confondues qui lui permettront de remporter huit championnats, dont celui de la classe Super Sport à la suite de 10 victoires consécutives; un autre record! Il est aussi le seul pilote à avoir remporté le championnat Superbike et le championnat Super Sport la même année en 1995.

Duhamel n’est pas simplement une machine à gagner, il est une machine, tout simplement. Son entraînement a toujours été maximal et il n’a jamais rien laissé au hasard. Il a surtout toujours tout donné. Il a couru blessé à plusieurs reprises. Il l’a même fait quelque temps seulement après une vilaine fracture du fémur. Les médecins voulaient même l’amputer.

Duhamel avait alors choisi la greffe osseuse et quelques mois plus tard, en mars 1999, il était à Daytona, marchant difficilement, mais prêt à courir.

Lors de cette incroyable semaine de la moto à Daytona, Miguel a remporté deux courses dont la 58ème édition du Daytona 200, qu’il a gagné alors pour la troisième fois. Il ajoutera par la suite deux autres victoires lors de la plus prestigieuse course de moto en Amérique du Nord pour un total de cinq. Seul Scott Russel en a autant que lui. J’étais là pour chacune de ses victoires et je me sens privilégié d’en avoir été témoin.

Son exceptionnelle forme physique l’avait alors sauvé. Il a d’ailleurs toujours continué à s’entraîner comme un malade. Il y a quelques années à peine, il a remporté une course du championnat du monde de moto électrique après une vilaine chute en motocross à l’entraînement. Il avait alors subi des fractures à l’épaule, aux côtes et au poignet si je me souviens bien.

Duhamel a aussi roulé durant une saison en MotoGP avec une équipe privée en 1992. Il terminera avec une impressionnante 12e place au championnat. Son meilleur résultat : une cinquième place au GP du Brésil après une lutte dantesque avec l’Australien Wayne Gardner. C’était l’époque de Wayne Rainey, Mick Doohan, Kevin Schawtz et Eddie Lawson qui ont tous été champions du monde.

Je me souviens de ça comme si c’était hier. Je m’époumonais devant l’exploit comme je le faisais au micro à l’époque où je décrivais les courses de Miguel en motocross aux quatre coins du Québec.

Parlant de s’époumoner, sachez que Miguel Duhamel est un excellent chanteur. J’ai gardé un souvenir mémorable d’une soirée karaoké chez son bon ami et voisin à Las Vegas, Patrick Carpentier. Je crois que je n’ai jamais autant ri de ma vie.

Duhamel aurait pu facilement faire une carrière internationale. Les circonstances on fait que c’est en Amérique qu’il a fait sa marque. Chez nos voisins du Sud, Miguel est un dieu de la moto. Sa personnalité fort attachante et sa générosité auprès des amateurs en ont fait une légende. Même les commentateurs américains décrivaient les courses en parlant de « Miguel ». Peut-être avaient-ils de la difficulté à prononcer « Douhamel »

Si vous êtes passé à côté de cette illustre carrière, ne passez pas à côté de ce 25 Ans d’émotions intitulé : « Miguel Duhamel, au nom du père ». Vous découvrirez un homme exceptionnel dont nous pouvons tous être fiers aujourd’hui, même si ces exploits d’hier ont trop longtemps été inconnus...