Un pilote hospitalisé.

Un pilote qui tombe dans les pommes.

Un pilote qui ne mange pas pendant deux jours.

On pensait la F1 dans une tendance jeune. Parlons plutôt d’une tendance jeûne.

Qu’est-il arrivé à ces pilotes? Ils ont tenté de répondre aux exigences de leur écurie en perdant du poids.

Le pilote hospitalisé : Jean-Éric Vergne (Toro Rosso).

Le Français a récemment révélé qu’il avait dû être hospitalisé entre les Grands Prix d’Australie et de Malaisie. La raison : une baisse de poids trop importante et rapide qui a provoqué un soudain manque d’énergie.

Le pilote dans les pommes : il demeure inconnu.

C’est un journaliste britannique (Kevin Eason, The Times) qui a rapporté qu’un pilote était tombé inconscient lors d’un événement promotionnel à Kuala Lumpur en Malaisie.

Adrian SutilLe pilote qui n’a pas mangé durant deux jours : Adrian Sutil.

Le jeudi précédant le Grand Prix d’Espagne, Sutil est revenu sur le sujet du poids des pilotes. Depuis l’an passé, alors qu’il avait déjà abaissé son poids, l’Allemand a perdu 3-4 kg.

Le pilote de l’écurie Sauber avait déjà déclaré, avant le début de la saison : « Je n’ai pas beaucoup mangé durant le temps des Fêtes». Par la suite, il a fait un jeûne de deux jours (aucune nourriture, seulement de l’eau) pour tenter d’abaisser encore plus son poids.

Et parfois (Australie et Bahreïn), Sutil n’embarque pas de bouteille d’eau (1 à 1,5 litre) à bord de sa monoplace pour boire durant la course. Dans le but de sauver 300-400 g de liquide et 500 g pour la bouteille.

Il faut dire que Sutil a le plus grand gabarit du plateau (75 kg pour 1,84 m). Felipe Massa se trouve à l’opposé (59 kg pour 1,66 m). Quand on sait que chaque tranche de 10 kg se traduit en moyenne par 0,3 seconde au tour…

Comment se fait-ilque ce problème de poids est encore plus marquant cette année?

Le moteur V8 de l’an passé pesait 95 kg, c’est 100 kg avec le système de SREC et 120 kg avec le système de refroidissement (radiateurs, etc.).

Le groupe propulseur de cette année (V6, turbo, double système de récupération d’énergie) pèse 145 kg. Plus 35 kg pour la batterie. Plus 20 kg pour l’échangeur thermique et les radiateurs.

Donc 120 kg l’an passé versus 200 kg pour cette année.

Un écart de 80 kg.

Et que dit le règlement technique 2014?

Que le poids minimum des F1 a été augmenté de 642 à 691 kg (48 kg pour le groupe propulseur et 1 kg pour les pneus plus lourds).

Allo!

Toutes les écuries ont éprouvé énormément de difficulté à atteindre ce poids minimum, qui comprend le poids de la voiture ainsi que le poids du pilote et de son équipement (*).

Certaines n’y sont pas arrivées, notamment Sauber avec sa C33 qui souffrait d’un embonpoint d’une vingtaine de kilos. L’écurie suisse a construit pour Barcelone un châssis plus léger.

Et toutes les écuries ont demandé à leurs pilotes de faire des efforts pour réduire leur poids. Ce qui a mené aux cas extrêmes cités plus haut.

Le sujet a évidemment été abordé lors des réunions des écuries et des réunions des pilotes. La suggestion : adopter tout de suite le règlement 2015 qui spécifie 700 kg comme poids minimum. La problématique : l’unanimité était nécessaire pour effectuer un changement puisque le règlement 2014 avait déjà été officialisé.

Serez-vous étonnés qu’une écurie s’y soit opposée? Serez-vous étonnés que certains pilotes s’y soient opposés? De peur de perdre un petit avantage. Un avantage qui est tout à fait injuste!

La FIA aurait pu évoquer des raisons de sécurité pour augmenter le poids minimum. N’est-il pas dangereux d’avoir des pilotes au bord du gouffre physique à bord de monoplaces filant à 300 km/h?

Certains pilotes jouent avec leur santé. On fait état de pilotes se mettant délibérément dans une situation de déshydratation avant une qualification, via une séance de sauna et en s’empêchant de consommer toute boisson et nourriture.

Nico Rosberg : « Suivre un régime alimentaire est relativement facile, mais s’entraîner en mangeant peu, c’est l’enfer. Je n’ai pas consommé de sucre depuis le début du mois de décembre. Je suis devenu un moine afin de réaliser mon rêve (de piloter en F1) ».

En quittant la F1, Mark Webber (pilote Red Bull 2007-2013) a écrit sur son compte Twitter : « Je n’ai pas mangé depuis 5 ans. Le poids minimum est trop bas depuis des années. Le poids idéal est maintenant de 60-65 kg ».

Et dire que le président de la FIA, Jean Todt, ne s’alarme pas de la situation. Au sujet de Vergne : « Je pense que si vous suivez le bon régime, vous n’allez pas à l’hôpital parce que vous avez perdu trop de poids. Je ne pense pas que vous allez à l’hôpital à cause d’un régime».

La seule solution demeure d’augmenter le poids minimum à un chiffre réaliste tenant compte du gabarit d’un pilote comme Sutil (peu de chance qu’on voit plus grand et plus lourd). Certains ont aussi avancé l’idée d’un poids minimum pour la voiture, combiné à un poids minimum pour le pilote et son siège. Il y a plusieurs idées à étudier.

Difficile d’imaginer que les pilotes qui seront à Montréal dans un mois seront encore plus frêles que l’an passé.

(*) Jusqu’à cette année, les écuries réussissaient à atteindre le poids minimum. Ce qui ne les empêchait pas de demander à leurs pilotes d’être le plus léger possible. L’écart entre le poids réel et le poids minimum était comblé par du lest, placé à des endroits stratégiques sur la monoplace pour en améliorer l’équilibre.