VIENNE (AFP) - Le rachat de l'écurie britannique de Formule 1 Jaguar par Red Bull cette semaine consacre la stratégie de marketing planétaire qui a fait la fortune de l'Autrichien Dietrich Mateschitz et de sa marque de boisson énergétique.

En une quinzaine d'années, ce self-made man devenu milliardaire est parvenu à populariser son cocktail fortement caféiné dans plus de 120 pays grâce à des opérations de communication associant systématiquement sa marque à la vitesse et aux sensations fortes.

"En 1987, notre credo était: il n'existe pas de marché pour Red Bull, mais nous allons le créer", rappelle M. Mateschitz, un fringant sexagénaire adepte de la semaine (et de la barbe) de trois jours, qui soigne une allure de play-boy en jeans conforme à l'image qu'il veut donner de sa marque.

Red Bull a vendu 1,5 milliard de boîtes métallisées bleues et grises en 2003 et devrait en écouler 1,9 milliard cette année, pour un chiffre d'affaire estimé à 1,6 milliard d'euros. M. Mateschitz, 60 ans, est quant à lui devenu en 2003 le premier Autrichien milliardaire en dollars, selon le magazine Forbes.

Concours de cascadeurs

Déjà impliqué dans la F1 avec un programme de parrainage de jeunes pilotes et une forte participation financière dans l'écurie suisse Sauber de 1995 à 2001, il sponsorise en outre différentes manifestations spectaculaires, tel un concours de cascadeurs à Hollywood et des compétitions de break-dance.

Dieter Mateschitz est par ailleurs collectionneur d'avions et a racheté récemment le circuit de Formule 1 de Spielberg (sud).

"Tout ce que nous faisons relève du marketing: Red Bull doit être synonyme d'énergie, de force et d'endurance, mais aussi d'esprit et de créativité", a-t-il confié récemment à l'hebdomadaire économique autrichien Format, selon qui Red Bull consacre 30% de son chiffre d'affaires au marketing.

Particularité: la quasi-totalité des 2.000 salariés de la société --dont 1.000 aux Etats-Unis et 200 seulement au siège de la société à Fuschl, près de Salzbourg (centre)-- sont des cadres spécialisés dans le marketing et la gestion, la société confiant les opérations de production et de distribution à des sous-traitants.

La remise sur rails de l'écurie Jaguar, lourdement déficitaire et cédée lundi par Ford, devrait nécessiter plusieurs centaines de millions d'euros. Mais elle relève d'ores et déjà du coup de marketing génial, note son compatriote de légende Niki Lauda, le triple champion du monde automobile, devenu homme d'affaires.

"Un génie du marketing"

"Il s'agit de vendre plus de canettes de cette boisson. Le groupe-cible ce sont surtout des jeunes, ce qui coïncide avec la F1. L'effet relations publiques est énorme dans le monde entier", a estimé Lauda au lendemain du rachat, saluant en Dietrich Mateschitz "un génie du marketing".

Créé en 1984, Red Bull a pourtant connu des débuts difficiles. La société n'a pu commencer à commercialiser son produit, alors inconnu en Europe, qu'à partir de 1987, date à laquelle elle a obtenu son autorisation de mise sur le marché en Autriche. Sa boisson reste aujourd'hui interdite à la vente dans certains pays, comme la France, en raison de sa teneur élevée en caféine.

Dietrich Mateschitz, né dans un milieu modeste, a découvert l'existence des boissons énergétiques au début des années 80 en Asie du sud-est (Thaïlande ou Hong-Kong selon les versions). Il passe pour être le premier à avoir eu l'idée de vendre aux cadres hyperactifs et aux jeunes fêtards occidentaux un breuvage jusqu'alors surtout prisé par les chauffeurs routiers thaïlandais.

Red Bull envisage désormais de commercialiser sa marque dans les domaines des loisirs, de la mode, du sport et de la communication.

Les analystes estiment à 4 milliards d'euros la valeur de la société, possédée à 49% par M. Mateschitz et à 51% par un partenaire thaïlandais détenteur du brevet de fabrication, la famille Yoovidhya.