(MGV) - Bien cachée derrière les arbres, bordée par la route tout en courbes reliant Berthierville et Joliette, se dresse la...maison des Villeneuve.

Au volant de ma petite voiture qui n'a rien d'un bolide de course, je me dirige vers cette maison blanche et rouge protégée par les feuillus du regard des passants.

L'estomac me gargouille un peu. J'ai rendez-vous dans quelques instants avec...mon idole. Nous sommes en 1979. Gilles Villeneuve connaît la meilleure saison de sa carrière en F1. La Ferrari 312-T4 domine le plateau. Son seul véritable rival est...son coéquipier, Jody Scheckter. Qui sait, Gilles deviendra peut-être champion du monde au terme du dernier Grand Prix?

Les parents de Gilles, Georgette et Séville, m'accueillent avec leur chaleur habituelle. Je sirote un café dans la cuisine familiale. Je suis perdu dans mes pensées à l'approche cette première rencontre avec Gilles. Je trouve impressionnant que malgré la gloire, malgré son volant Ferrari, Gilles Villeneuve ait conservé ses racines berthelaises, son attachement à ce patelin qui l'a vu grandir...et qu'il ait accepté d'accorder une entrevue, malgré un horaire chargé, au journaliste de l'hebdo local que je suis!

De la cuisine, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil dans le salon des Villeneuve. Sur les murs de la pièce, des dizaines et des dizaines de plaques, de trophées, de photos encadrées, autant d'honneur remportés par Gilles, mais aussi par son jeune frère Jacques. Dans un coin, Gilles...en carton, se dresse avec la fierté d'un champion. J'ai des frissons en parcourant du regard l'incroyable collection...sans me douter qu'un jour, je serai en charge de la préserver à titre de directeur du musée Gilles-Villeneuve!

Soudain, le ciel résonne d'un bruit inhabituel. Le bruit des palmes d'un hélicoptère fouettant l'air du grand Berthier. Le bruit s'intensifie. Un nuage de poussière nous annonce l'arrivée imminente de l'étrange oiseau. Quelques minutes plus tard, Gilles coupe les gaz, ouvre la porte vitrée et pose le pied sur le sol de Berthier. Il est de retour à la maison.

Les minutes qui suivent me marqueront à jamais. Moi, jeune journaliste, je questionne Gilles Villeneuve! Je suis nerveux. Posé sur la table de la cuisine, mon magnétophone tourne, enregistre les réponses du champion. Mon manque d'expérience est visible. Cependant, Gilles Villeneuve ne me le fera jamais sentir.

Le pilote Ferrari répond à mes questions, dans sa maison, assis à la table familiale, comme il l'aurait fait en bordure de piste, en Italie, en France ou sur le circuit de l'île Notre-Dame, micros sous le nez, questionnés par des journalises chevronnés.

Pendant une bonne trentaine de minutes, je me sens comme les Christian Tortota, alors reporter F1 à CKVL, Patrick Camus, journaliste de renom au magazine français Auto-Hebdo, ou encore Pierre Lecours, du Journal de Montréal. Le cœur me débat. Je n'oublierai jamais ce moment. Un instant qui a changé le cours de ma vie...maintenant que j'y repense en ce jour, alors que je fais le tour du musée Gilles-Villeneuve regardant ces trophées, photos et voitures de course qui rappellent le p'tit gars de Berthier.

Alain Bellehumeur