Pierre Léveillé, un athlète comblé !
En forme lundi, 19 août 2019. 11:08 jeudi, 12 déc. 2024. 16:51Discret, peut-être.
J’ignorais. Pierre Léveillée aux Olympiques de 1984 à Los Angeles en même temps qu’Alain Bordeleau, une information qui manquait à ma culture.
Qualifié au 400 mètres haie, il fut éliminé dès la première journée de l’événement de sorte que comme il le souligne si bien, il a constitué un témoin privilégié pour toutes les autres épreuves ce qui fut loin d’être le cas pour Alain dont le marathon se déroulait lors de la dernière journée des Jeux.
Rencontré dans un café rue Saint-Dominique à Montréal, non loin de son condo et à deux pas de son lieu de travail, l’athlète de 57 ans a bien voulu se confier.
En lecture de livres sur l’histoire olympique à l’école, il fut impressionné par la vie d’Étienne Desmarteau. Il décide d’exploiter son talent. Peu confiant, il se considérait guère talentueux, ce qui l’incite à s’inscrire en combiné.
Cependant, l’avenir lui révélera tout le contraire et surtout son talent insoupçonné car à 18 ans, il devient champion canadien au 400 mètres haie, ce qui constituera sa spécialité. Il se souvient avoir concurrencé avec Carl Lewis et Ben Johnson aux jeux Pan-Am à Sudbury, des athlètes qui s’illustreront par la suite. En 1981, alors qu’il s’étend de tout son long au fil d’arrivée pour se qualifier dans une course très serrée dans l’Est du Canada, il obtient son laissez-passer pour une tournée au Japon qui le marquera.
Pierre touche à tout dans le monde de l’athlétisme, sauf la marche et le lancer du marteau. Il quittera officiellement ce milieu à 34 ans. Trente ans plus tard, il vient de se faire tatouer sur le mollet un souvenir des Jeux de LA et celle qui a réalisé le travail venait de Séoul, là où les jeux ont été présentés en 1988, quatre ans après LA. En plus, elle est née en 1984, l'année des Jeux de Los Angeles ! Quand même spécial comme coïncidence !
Pierre a couru 12 marathons jusqu’à présent et on ose croire qu’il l’a fait pour répondre à une demande. Lui qui détient toujours le record pour le kilomètre le plus rapide au Québec avec un temps de 2 minutes, 19 secondes et 85 centièmes réalisé à Limoge en France en 1990 alors âgé de 28 ans, n’a jamais eu beaucoup d’endurance.
« Je sue beaucoup. Je me déshydrate rapidement et des crampes surgissent. La plupart du temps, je dois marcher lors d’un marathon. » Pourtant, à la belle époque, il pouvait s’entraîner à raison de 80 à 120 km par semaine afin de parcourir un 400 mètres à la vitesse de l’éclair !
Il a couru New York à trois reprises, Chicago, Berlin, Philadelphie, Athènes, Tokyo, Londres, Paris, Los Angeles et Boston. « J’ai réussi à courir les six Majors avant la vague de popularité de la course à pied. » Vous remarquerez qu’aucun de ces marathons n’a été réalisé au Québec. Il brisera la glace à celui du Petit Train du Nord cet automne afin de soulager sa frustration de Paris en avril dernier où il aspirait le conclure sous les quatre heures, un objectif qu’il n’a pu savourer.
Père de deux enfants d’une union avec Christine Slythe, une athlète qui l’avait accompagné aux Jeux de Los Angeles, sa fille Laurence, 24 ans, suit les traces de sa mère en médecine alors que Gabriel, 26 ans, qui ressemble à deux gouttes d’eau à son père à pareil âge, excelle également dans le 400m haie. D’ailleurs avec un temps de 51.45, il se rapproche dangereusement du record personnel de son père qui est de 50.32 et les deux furent champions canadiens dans la même discipline !
Depuis 1985, Pierre est impliqué avec la boutique Endurance à Montréal. Philippe Laheurte, Laurent Godbout, Louis Caron et Jacinthe Beaulieu étaient les fondateurs. Le magasin est victime d’un vol. Philippe Laheurte se rend à la boutique afin de réparer la vitrine endommagée. Lorsqu’il revient à la maison, son auto se fait enfoncer par le véhicule de ceux qui avaient vandalisé la boutique. Il perdra la vie.
Pierre prend sa place. « Je venais d’enseigner un an au primaire. J’avais de gros souliers à chausser. Philippe était grandement apprécié et un athlète exceptionnel. Depuis une dizaine d’années, je suis devenu l’unique propriétaire. » Diplômé en kinésiologie à l’université de Sherbrooke avec une spécialité en coaching, il a conseillé plusieurs coureurs au cours des dernières années et il lui arrive toujours de guider ceux ou celles qui lui font confiance.
Et si la boutique se nomme Endurance, on se doute bien que ce n’est pas en son honneur lui qui peine à franchir les longues distances avec aisance. Voilà pourquoi il considère que les ultras exploitent beaucoup trop les limites du corps humain. « Trop c’est comme pas assez. De plus, contrairement au marathon, les ultras ne sont pas comparables quand on parle des temps. »
Sur le bord de la retraite, excellent nageur et adepte du vélo, celui qui est né un 19 février croit que les triathlons pourraient peut-être s’avérer une solution pour lui dans les prochaines années.
Il me raconte son expérience en Utah alors qu’il rivalisait avec John Graham, un athlète arrogant. « Cette fois-là, je ne courais pas pour un temps, je courais pour le battre et j’ai réussi en signant tout un chrono, prouvant combien le mental peut faire toute la différence. » Lorsqu’il a célébré son 50e anniversaire de naissance, Pierre a invité John à la fête !
En terminant, il me précise que Christine Slythe et lui furent les deux premiers athlètes originaires du Québec à être commandités par la compagnie Asics, ce qui démontrait à la fois qu’une belle carrière se dessinait devant eux.
Aujourd’hui, il parle de retraite dans le sport mais je ne l’imagine pas assis sur son fauteuil devant un téléviseur. La course à pied est beaucoup trop encrée en lui pour qu’il puisse l’abandonner aussi facilement.