Les récents événements rappellent de mauvais souvenirs à Khari Jones
Alouettes mardi, 2 juin 2020. 16:09 mardi, 26 nov. 2024. 17:23MONTRÉAL – Khari Jones est incapable d’oublier les images de George Floyd, il se revoit en lui quand des policiers ont sorti leur arme en sa direction et celle d'amis au début des années 1990 ou lorsqu’il a reçu des menaces de mort en tant que quart-arrière des Blue Bombers de Winnipeg parce que sa femme n’était pas une Noire.
Discret sur les réseaux sociaux, l’entraîneur des Alouettes de Montréal a publié un puissant message, lundi soir, sur son compte Twitter : « Je n’arrête pas de penser à George Floyd. C’est moi. Breonna Taylor, ce sont mes filles. Je suis fâché, blessé et triste ».
I can’t stop thinking about George Floyd. He is me. Breonna Taylor is my daughters. I’m angry, hurt, and sad.
— Khari Jones (@Khari17Jones) June 2, 2020
Mardi, Jones a accepté de participer à une entrevue virtuelle avec quelques journalistes pour dénoncer cette brutalité policière et le racisme qui perdure.
« On peut voir que les images ont fâché toute la planète, mais cette vidéo m’a touché profondément. Je ne sais pas si je vais oublier un jour ou arrêter de penser à la façon inhumaine avec laquelle il a pu agir. C’est juste horrible », a-t-il témoigné.
« J’espère que les gens comprendront mieux la pression avec laquelle doivent composer beaucoup de Noirs. Devoir se soucier des gens en position d’autorité, c’est affreux. Ça ne devrait pas être le cas », a ajouté Jones.
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D’une façon très touchante, Jones nous a permis de mieux comprendre ce qu’il voulait dire sur Twitter en dévoilant les injustices dont il a été victime. Il se considère chanceux d’avoir grandi en Californie, mais il n’a pas pu y échapper.
« C’est arrivé vers la fin de mon parcours universitaire ou juste après. On a été arrêtés, couchés au sol, menottés et ils ont sorti leur arme. C’était un cas d’erreur d’identité. Mais on appelait plutôt ça, à l’époque, être un Noir qui marche dans les rues. Ce n’était pas seulement arrivé à nous, on entendait des histoires comme celle-ci. On était quatre ou cinq amis dont mon frère et c’était une sensation horrible », a révélé Jones qui n’a jamais oublié cet immense malaise intérieur.
« Mon frère est plus fort que moi et il avait commencé à crier envers eux. Je lui ai dit d’arrêter, je ne voulais pas qu’il lui arrive quelque chose », s’est-il rappelé avec émotion.
Il a reçu des menaces de mort au Canada
Depuis l’éclatement de l’incident George Floyd, le racisme en sol américain est condamné de toutes parts. Mais il ne faut jamais oublier que ce n’est pas parfait au Canada. Jones, qui se sent nettement mieux ici, en a tout de même fourni une preuve éloquente avec sa prochaine confidence.
« Je n’ai pas vraiment parlé de ça, mais j’ai écrit une lettre aux joueurs pour leur raconter. Quand j’étais quart-arrière à Winnipeg, j’ai reçu des menaces de mort parce que ma femme n’est pas une Noire. Des policiers ont dû rester à notre maison pour exercer une surveillance quand je devais partir pour des matchs à l’étranger », raconté l’homme si positif de nature.
À titre de précision, rappelons que Jones a été quart-arrière avec les Bombers de 2000 à 2004.
Au lieu de vouloir effacer ce souvenir à jamais, Jones a choisi de conserver cette série de lettres.
« Pour moi, c’est une façon de me rappeler que les choses ne sont pas toujours belles dans la vie. Ça ne venait que d’une personne, mais c’est déjà trop. Faire ça en raison de la couleur de la peau d’une personne, c’est épouvantable. Je les regarde rarement, mais ça m’arrive. Ça me rappelle qu’on doit toujours être sur nos gardes. Ils n’ont jamais trouvé cette personne, il est encore en liberté et des gens comme lui le sont toujours », a décrit Jones avec une grande franchise.
En tant que père de deux jeunes femmes, Jones a dû les prévenir et composer la peur qu’un drame puisse leur arriver. Il se réjouit que ses filles n’aient pas eu à composer avec plusieurs épisodes de racisme, mais il a tenu à les conscientiser.
« J’ai souvent discuté avec elles du portrait aux États-Unis ou ailleurs sur la planète. Je veux qu’elles demeurent prudentes. C’est tellement dommage que des gens perçoivent des personnes d’une mauvaise manière en raison de la couleur de leur peau », a-t-il prononcé.
Toutefois, Jones a été incapable de trouver les mots à utiliser avec elles quand il a découvert le drame de George Floyd.
« Il n’y a pas eu tant de conversation parce que j’étais incapable d’arrêter de pleurer. Elles comprenaient à quel point ça m’affectait et ça les touchait aussi », a-t-il avoué en prenant une pause et en ajoutant que sa plus jeune effectuait un projet présentement, des chandails Black Lives Matter.
Fier de l'implication de ses joueurs
Père à la maison, Jones joue en quelque sorte un rôle similaire avec ses joueurs. Il est proche de ceux-ci et il veille à leur bien-être de son mieux. Cela dit, il ne serait pas du style à freiner les initiatives sociales de ses protégés comme celle de James Wilder fils qui s’implique activement à Houston en manifestant pacifiquement.
« Dans la lettre écrite aux joueurs, je leur ai parlé de mes histoires, mais je leur ai mentionné de faire ce qui semble juste à leurs yeux. J’ai simplement précisé de le faire prudemment, de prendre soin d’eux. Je n’ai jamais voulu pousser les joueurs dans une direction ou une autre. Ce sont des hommes intelligents, je veux qu’ils fassent ce qui est nécessaire pour eux », a répondu Jones qui prévoit parler avec Wilder bientôt.
D’ailleurs, c’est en parlant à l’un de ses piliers qu’il a jugé bon de se tourner vers les réseaux sociaux.
« J’ai discuté avec Vernon (Adams fils) lundi. C’est bien, ils sont plus jeunes donc ils me donnent des conseils aussi vu que je ne suis pas très actif sur les réseaux sociaux. C’est un peu lui qui m’a incité à publier un message parce que j’y pensais beaucoup. Ça m’a fait du bien de lui parler. »
« Je suis fier des joueurs pour leur réponse, je suis ce que James fait. Je voudrais moi-même aller protester », a précisé l’entraîneur.
Après les protestations, c’est via le vote que les gens pourront avoir un impact. Jones a tenu à le rappeler surtout que le président Donald Trump utilise une stratégie de division en endossant la violence envers les manifestants.
Nul doute, la suite représentera un défi de taille pour les États-Unis.
« Ça me fait peur, il semble régner une telle division. Les problèmes ne font pas que disparaître avec l’élection d’un président noir. Ça progresse, mais pas assez vite », a convenu Jones qui entend inciter les gens à voter.
Du côté positif, l’incident provoquant le décès de George Floyd a convaincu des gens de toutes les sphères et de toutes les nationalités d’exiger des changements. Voilà un support dont les Afro-Américains ont bien besoin.
« J’entendais à la télévision l’autre jour que ce ne sont pas les Noirs qui devraient se battre pour l’égalité. Nous ne sommes pas le problème dans cette histoire, on ne fait que vivre notre vie. [...] Les États-Unis, en particulier, doivent se relever d’un passé très lourd. De la manière dont le pays a vu le jour (avec de l’esclavage), ce n’est pas l’idéal pour les Noirs et ce ne l’est pas encore », a-t-il visé.
C’est justement la réaction des autres qui sera essentielle pour éradiquer le racisme. À ce propos, les collègues du policier Derek Chauvin ont lamentablement failli à la tâche.
« Aussi mal que ça peut me faire de voir ce que ce policier a fait à George Floyd, ça me fait tout autant mal de voir les autres policiers ne rien faire. C’est inacceptable », a conclu Jones, la larme à l’œil.