MONTRÉAL- Lorsque les Alouettes de Montréal ont annoncé que Bert Hill avait été embauché dans leur nouveau groupe d’entraîneurs, Pierre Vercheval a eu l’impression de rajeunir de 25 ans.

 

En 1993, après cinq saisons dans la Ligue canadienne de football avec les Eskimos d’Edmonton, Vercheval se sentait prêt pour un deuxième essai dans la NFL après sa tentative avec les Patriots de la Nouvelle-Angleterre à sa sortie de l’Université Western.

 

« J’avais le goût de m’essayer de nouveau. Au début janvier, les Lions de Detroit m’ont fait venir au Silverdome pour effectuer des tests physiques, des exercices avec l’entraîneur de la ligne à l’attaque et des longues remises parce que j’avais aussi cette corde à mon arc », s’est-il rappelé. Pierre Vercheval et Chuck Long

 

À la suite de cette audition, Vercheval a paraphé un contrat et il est allé passer l’hiver à Detroit pour participer au programme de conditionnement physique et de préparation qui se mettait en branle.

 

Ce programme de conditionnement physique était celui de Hill qui gérait cet aspect en plus d’être l’assistant de l’entraîneur de la ligne défensive. Vercheval, qui portait le numéro 69, a rapidement constaté que Hill était un homme très organisé et plus que compétent en la matière.

 

Chaque matin, au minimum du lundi au vendredi, Vercheval se présentait au gymnase. Un ordinateur attendait les joueurs où ils pouvaient imprimer le programme spécifique qui avait été préparé pour chacun d’eux avec les charges et les répétitions détaillées.

 

« Avec lui, on travaillait fort, mais intelligemment. On ne faisait pas les plus longs entraînements, mais c’est l’un des hivers durant lesquels je me suis senti le plus fort. J’avais fait de bons gains pour la force même si j’avais l’impression de ne pas en faire tant que ça », a confié Vercheval.

 

Il s’en souvient aussi bien pour une raison bien simple. À l’époque, les joueurs étaient payés 70$ par entraînement auquel ils participaient, une pratique qui existe encore aujourd’hui. 

 

« Je peux te dire qu’on pouvait me trouver au stade assez facilement du lundi au vendredi. Je faisais mes poids, ma course, de la vidéo et des exercices éducatifs avec l’entraîneur de la ligne offensive en plus des longues remises avec le coordonnateur des unités spéciales. En 1993, le 350$ par semaine que je recevais pour m’entraîner, c’était assez à la fin du mois pour payer le logement que je partageais avec d’autres joueurs », a expliqué l’athlète qui annoncé sa retraite en 2002.

 

Grâce à cette période d’adaptation, Vercheval n’a donc pas été frappé par un choc culturel au moment d’entamer le camp d’entraînement. Il s’est approché d’un poste avec les Lions, mais les équipes de la NFL ne conservaient pas autant de joueurs sur leur formation qu’ils peuvent le faire aujourd’hui. À sa première tentative avec les Patriots, le nombre était de 48 et il a grimpé jusqu’à 61 actuellement.

 

Bert HillUn quart de siècle plus tard, quand le nom de Hill a refait surface à Montréal, Vercheval avait hâte de lui serrer la pince après tout ce temps. L’occasion s’est présentée le 21 février dans le cadre du dîner des entraîneurs avec les médias.

 

Même si Hill a eu besoin de se rafraîchir la mémoire pendant quelques secondes, les deux hommes ont apprécié le moment. Hill, qui possède plus de 30 ans d’expérience dans la NFL et la NCAA, affiche d’ailleurs encore une forme physique exemplaire.

 

Le petit monde du football réservait une autre surprise. Naturellement, Vercheval est allé bavarder avec Paul Dunn, le nouveau responsable de la ligne offensive des Alouettes. Dunn lui a mentionné qu’il avait joué à l’Université Pittsburgh.

 

Saisissant la balle au bond, Vercheval lui a tout de suite demandé s’il connaissait Bill Fralic, un vétéran qui a connu une grande carrière et qui l’a pris sous son aile à Detroit. Les deux n’en croyaient pas leurs yeux, Fralic est l’un des meilleurs amis de Dunn.

 

« Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais il m’appréciait. Il m’incluait tout le temps dans les choses. À la fin, il trouvait ça dommage que je sois libéré et il m’avait amené souper dans un bon restaurant avant que je parte », s’est-il souvenu.

 

Vercheval se rappelle également d’une anecdote amusante avec Fralic qui avait très bien monnayé sa valeur avec les Lions. Durant un mini-camp, l’entraîneur de la ligne offensive avait dû s’absenter en raison de mortalité dans sa famille. Le joueur de centre avait sauté sur l’occasion pour convaincre l’entraîneur-chef de laisser le groupe de la ligne offensive quitter le terrain pour aller développer l’esprit d’équipe.

 

« On s’est retrouvé dans un bar et Fralic me dit ‘Pierre, tu es français?’ et il demande à la serveuse de m’apporter une bouteille de champagne Dom Perignon. »

 

« Je me suis dépêché de lui offrir un verre pour qu’on la partage et il me répond : ‘Non, je ne bois pas ça, cette cochonnerie-là. Il a bien pris soin de moi », a raconté Vercheval.

 

Une intégration agréable et un souvenir de Barry Sanders

 

C’est plaisant d’apprendre que Vercheval n’a pas eu de misère à s’intégrer dans cet univers qui était pratiquement réservé aux Américains à cette époque.

 

« Partout où je suis allé, ça s’est toujours bien passé. Bien sûr, les gens sont un peu curieux parce que tu arrives d’ailleurs, mais les gars n’ont pas de préjugés. Peu importe d’où tu viens ou la langue que tu parles, ça n’a jamais été une barrière pour moi. Ils se disent ‘Tu es un gars de foot, tu es capable de nous aider donc c’est bon pour nous’ », a témoigné celui qui a conclu sa carrière avec les Alouettes.

 

Par un autre beau hasard, Vercheval a développé une autre relation qui lui a facilité la vie.

 

« Je dis souvent à la blague que tu veux bien t’entendre avec deux personnes dans une équipe de football : le gérant de l’équipement et le physiothérapeute. Ça tombait bien puisque le gérant d’équipement (Danny Jaroshewich) était un maniaque du Canadien de Montréal. À un point que les vétérans me regardaient en se demandant ce que j’avais fait pour être aussi bien traité par lui. Je n’ai jamais rien manqué, il a toujours pris soin de moi. Il connaissait Jacques Demers et il avait quelque chose comme des répliques du Forum de Montréal dans son sous-sol », a raconté Vercheval en souriant.

 

Quand l’aventure s’est terminée à Detroit pour Vercheval, son allié lui a fait tout un cadeau.

 

« Il a pris un sac d’équipement et il m’a demandé de le suivre. Il m’a donné les épaulettes et il m’a offert plusieurs autres choses comme des boîtes de gants de joueurs de ligne qui étaient difficiles à trouver au Canada. Je ne peux vraiment pas dire que j’ai eu une mauvaise expérience à ce camp. En plus d’avoir été bien traité, j’ai beaucoup appris. L’entraîneur de la ligne offensive était excellent pour le jeu de pieds et les techniques. Ça m’a permis d’élever mon jeu d’un autre niveau quand je suis revenu dans la LCF. »

 

Et pour ceux qui se posaient la question, oui, Vercheval conserve également une histoire inoubliable à propos de Barry Sanders, l’un des plus illustres joueurs de la NFL. Barry Sanders

 

« C’est drôle à dire, mais j’ai quand même eu la chance de bloquer pour Barry Sanders. Oui, j’ai pu lui dire allô à quelques reprises, mais je ne me tenais pas avec lui, on s’entend.

 

« Mais juste pour démontrer la personne qu’il était, je me souviendrai toujours d’un dimanche dans le camp d’entraînement. Il n’y avait pas de pratique sauf une réunion en soirée. Le déjeuner était optionnel alors que normalement on devait se présenter et cocher notre présence.

 

« Étant donné que je restais proche et que je n’avais pas de famille dans le coin, je suis allé déjeuner à la cafétéria de l’équipe qui était presque vide. Je venais de commencer à manger quand un autre joueur est arrivé et je me suis aperçu que c’était Barry Sanders. Tabarouette, il est allé chercher sa bouffe, il est venu à ma table et il m’a dit « : est-ce que je peux m’asseoir près de toi, ça ne te dérange pas ? Il m’a donné la main et s’est présenté. La plus grosse vedette était aussi toute une personne. Ça m’a drôlement impressionné et, chaque fois que je le revois à la télévision ou qu’une nouvelle sort à son sujet, ça m’intéresse », a conclu Vercheval qui a vraisemblablement vécu une belle association avec les Lions.