« Ça va me faire de quoi de jouer avec autant de gars qui parlent français. »
Alouettes jeudi, 11 févr. 2021. 09:00 jeudi, 11 févr. 2021. 10:44MONTRÉAL – À travers les nuages de la pandémie, la reconstruction opérée par les Alouettes de Montréal représente une belle histoire. Les changements effectués par l’organisation permettent de faire le plein de joueurs québécois qui entendent maximiser le niveau de fierté de porter cet uniforme.
En date du 11 février, les Alouettes misent sur 22 joueurs québécois à la disposition des entraîneurs. Certains devront s’accrocher ferme pour conserver leur poste, mais il s’agit d’un virage fascinant orchestré par le directeur général Danny Maciocia qui avait la ferme intention de « consommer » local avant l’éclosion de la pandémie.
Mardi, la formation montréalaise annonçait l’arrivée des Pierre-Luc Caron, Alexandre Chevrier, Régis Cibasu, Kerfalla-Emmanuel Exumé et Jason Lauzon-Séguin. À voir leur bonheur en visioconférence, on avait l’impression de revivre l’attraction qui régnait lors des plus belles années des Alouettes.
« Chaque jour de match sera spécial et significatif. C’est certain que je n’ai pas hâte de devoir gérer les demandes de billets, mais ça apporte un sentiment de fierté de jouer devant ma tante et mon oncle », a cerné Caron avec le sourire.
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De manière réaliste, ce n’est jamais facile pour un Québécois de quitter son entourage pendant six mois pour aller jouer loin de la maison sans empocher un salaire d’envergure. L’ingrédient de jouer avec plusieurs francophones vaut son pesant d’or et il permettra de belles réunions.
« Ça fait des années que je connais Jason, on a joué ensemble au CÉGEP de Valleyfield. On est devenus de très bons amis, mais on n’a pas eu la chance de jouer ensemble à l’université ni dans le pro. Ce sera spécial, ça fait longtemps qu’on se parlait de cette possibilité. C’est quand même quelque chose de gros », a témoigné Chevrier.
« J’en parlais avec Pierre-Luc, notre unité de dégagement pourrait être entièrement francophone. C’est quand même spécial et ça prouve que le talent au Québec est très fort. Les joueurs signés auront un gros impact, ça prouve que le football est en santé », a-t-il ajouté.
En somme, si on parlait de la French Mafia du Rouge et Noir d’Ottawa, les Alouettes viennent de riposter avec aplomb.
« Si on se souvient de la coupe Grey en 2016 (remportée par Ottawa contre Calgary), les deux équipes étaient remplies de francophones. Je pense que c’est formidable ce que Montréal essaie de bâtir, c’est très bon de prêcher pour sa paroisse », a indiqué Lauzon-Séguin qui a été blessé à une épaule en 2019, un incident survenu face aux Alouettes.
Après avoir autant gonflé leurs troupes, le sentiment de fierté sera plus puissant. Comme auparavant, le contingent québécois pourra développer un lien de proximité avec les partisans.
« Je suis entièrement d’accord. Ça m’est déjà arrivé d’être au Parc Lansdowne (le complexe sportif qui inclut le stade du Rouge et Noir) de me faire arrêter ‘Hey, ça ne te tente pas de jouer au football ? T’as un bon gabarit pour ça’ alors que je m’en aller jouer dans deux heures, c’était assez drôle ! », a raconté Lauzon-Séguin qui passera moins inaperçu à Montréal.
Chevrier était le seul à évoluer dans un marché d’exception à Regina alors que lui et les rares Québécois des Riders se faisaient reconnaître à l’épicerie.
« Ça va me faire de quoi de jouer avec autant de gars qui parlent français. Ça reste ma langue maternelle, c’est plus facile pour les émotions », a admis Chevrier.
Le pouvoir d’attraction des adjoints de Khari Jones
L’embauche de Maciocia a grandement accentué le désir de rapatrier des athlètes québécois de qualité. Parmi les autres facteurs attirants, il y a bien sûr le rendement encourageant du club en 2019, l’unanimité générée par Khari Jones, mais aussi la sélection d’adjoints qui ont une présence rassurante.
Ça devient même suffisant pour arracher des joueurs à des organisations solides comme celles des Blue Bombers, des Stampeders et des Roughriders.
« Pour moi, c’était un choix plutôt difficile puisqu’on venait de remporter la coupe Grey (avec Winnipeg). Je devais décider si je restais ou si je revenais. Je vais devenir père en avril et avec des entraîneurs comme Byron (Archambault), qui m’a vu évoluer (chez les Carabins), ça aide dans la décision », a reconnu Exumé.
« La grosse différence est venue du personnel d’entraîneurs avec Luc Brodeur-Jourdain. J’ai aussi joué avec plusieurs joueurs qui sont déjà là et je trouvais ça intéressant », a indiqué Lauzon-Séguin qui aura la chance de s’emparer du poste de bloqueur à droite partant puisque l’équipe penche pour une ligne offensive contenant quatre joueurs canadiens et un athlète américain.
Cette logique s’applique aussi à Cibasu qui a excellé sous Maciocia chez les Carabins. S’il y a une équipe qui peut trouver une manière d’exploiter ses forces dans la LCF, il s’agit des Alouettes.
Dans le cas de Caron, il se retrouvera en compétition avec le vétéran Martin Bédard et il est à l’aise avec ce contexte.
« En toute honnêteté, c’était Montréal ou rien. Calgary m’avait fait une offre il y a un petit bout, mais ma blonde avait une belle opportunité d’emploi à Montréal. Quand on a quitté Calgary en septembre, je n’étais pas à l’aise de lui dire ‘Non, tu ne prends pas ce poste, moi je reste à Calgary’ alors qu’on ne savait même pas si on allait avoir une saison en 2021’ », a confié Caron qui s’entend bien avec Bédard et qui laissera les dirigeants trancher sur le terrain.
Une décision pas uniquement basée sur l’argent
Les cinq acquisitions des Alouettes étaient bien au fait du contexte économique peu réjouissant de la LCF. Un sacrifice était inévitable de ce côté.
« Il n’y a pas de cachettes. Je ne veux pas dire tout le monde, mais on a presque tous accepté des réductions salariales comparativement aux autres années. Mais, pour ma part, le choix a été très simple. Ça va plus loin que des raisons financières. Je ne veux pas dire que j’aurais signé pour n’importe quel prix, mais pas loin », a répondu Caron avec franchise.
Même si le sujet n’est pas trop amusant, il a mené à la blague du jour.
« La seule chose que je peux dire, c’est que je n’ai pas eu une réduction aussi important qu’Adam Bighill donc je suis quand même content. Sinon, je n’aurais pas eu de salaire », a rigolé Lauzon-Séguin en faisant allusion au salaire de Bighill qui a été amputé de près de 150 000$.
Dans le cas de Chevrier et Exumé, ce sont des machines sur les unités spéciales. De plus, Chevrier vient retrouver Alexandre Gagné à Montréal. Ils ont formé un duo dévastateur chez les Riders et avec le Vert & Or de l’Université de Sherbrooke.
Honnête, il a reconnu que son plan initial était plutôt de signer dans l’Ouest du pays.
« Puisque ma copine est en congé de maternité comme enseignante, on se disait qu’on en profiterait pour aller dans l’Ouest et voyager. Tout sera à proximité comme Banff. Mais, à bien y penser, de partir avec un bébé de quatre mois, un chien, la poussette, le parc, ça amenait beaucoup de complications. C’est aussi le côté de l’argent avec les billets d’avion », a-t-il dit en démontrant que la réalité des joueurs de la LCF se compare toujours à celle de monsieur et madame Tout-le-Monde.