Un bonbon de pouvoir jouer à 38 ans
Alouettes mardi, 21 mai 2024. 17:00 dimanche, 24 nov. 2024. 10:55ST-JÉRÔME – Lundi, les enfants de Kristian Matte lui ont apporté des bonbons. Un remontant dont le vétéran avait bien besoin alors qu’il s’astreint, à 38 ans, aux rigueurs d’un autre camp d’entraînement.
À son âge vénérable, Matte est le doyen des Alouettes et Shawn Lemon le suit à 35 ans. Ils sont suivis par Cody Fajardo, Alexandre Gagné et Louis-Philippe Bourassa qui sont âgés de 32 ans.
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Mais Matte est bien heureux de dire qu’il n’est pas encore le plus vieux dans la LCF.
« Non, il y a Rene Paredes (39 ans) et Sean Whyte (38 ans) », a rétorqué Matte avec le sourire.
Ce n’est pas qu’on voudrait exclure les botteurs de l’équation, mais Matte n’a guère pu s’empêcher de rire quand on a évoqué cette pensée.
Et il a été 100% transparent quand on lui a soumis l’hypothèse que certains matins doivent être plus douloureux que d’autres.
« Ça m’arrive de me dire ‘Pourquoi je suis encore là, pourquoi je fais encore ça?’. Mais on embarque dans la routine. Ça fait tellement longtemps que je joue - depuis 30 ans - et je veux continuer de le faire. Les bobos font un peu plus mal que dans le passé, mais c’est le fun d’entendre les plus jeunes le dire aussi », a confié le colosse de six pieds quatre pouces et 296 livres.
Pour chaque jeu, Matte doit réfléchir rapidement et il n’a pas besoin de pousser sa réflexion pour expliquer sa décision de poursuivre sa carrière. Ça se résume au mot « passion ».
« C’est impressionnant pour les autres de voir un joueur qui réussit une carrière aussi longue que celle de Kristian. Ils peuvent voir que son dévouement est toujours aussi présent. La passion, c’est vraiment ça qui fait que tu te lèves du bon pied le matin », a prononcé son entraîneur Jason Maas qui le comprend à merveille ayant lui-même accroché ses crampons à 36 ans.
« Désolé de le dire ainsi, mais c’est difficile de quitter ce sport. Quand c’est fini, ça ne reviendra jamais. Tu ne retrouveras pas une autre sensation comme celle de jouer au football. Tu as fait ça toute ta vie, tu as adoré ce sport et tu étais bon en plus », a évoqué Maas.
Luc Brodeur-Jourdain en a ajouté une couche quelques secondes plus tard.
« C’est un style de vie tellement atypique, ça ne revient pas une fois que la page est tournée. Même dans un rôle d’entraîneur, tu continues de vivre la passion, mais ce n’est pas aussi amusant qu’enfiler l’équipement et disputer des matchs. C’est une démonstration notoire de son amour pour le jeu », a décrit l'entraîneur de la ligne offensive.
Considérant que Matte évolue avec les Alouettes depuis 2010, il aurait bien pu opter pour la retraite à la suite de la conquête de la coupe Grey en novembre dernier. Mais la clé de sa longévité réside justement dans le fait qu’il ne court pas après les honneurs.
« J’ai toujours adopté la mentalité du travailleur. Peu importe si tu as du succès ou non. Au début de ma carrière, c’était magnifique, mais les résultats ont plongé par la suite. Certains auraient arrêté après un championnat, mais je savais que je voulais continuer », a mentionné celui qui n’a pas grandi dans un milieu aisé.
Brodeur-Jourdain, son grand copain et patron immédiat, aurait pu craindre le perdre une fois qu’il a eu son immense bague au doigt.
« Non, je ne dirais pas le mot crainte. Quand il sentira que c’est le temps de tourner la page, je lui donnerai une bonne tape dans le dos en ajoutant 'Merci mon chum!'. Il a connu une magnifique carrière dans la LCF et on le voit encore comme un joueur élite », a répondu LBJ qui rappelle que la moyenne d’âge de la LCF avoisine 26 ans.
D’ailleurs, les statistiques avancées démontrent que Matte se classe encore parmi les meilleurs joueurs à sa position de garde.
« Tout au long de sa carrière, il a su conserver une très bonne condition physique et éviter les blessures majeures. Même que parfois, je le trouve trop rapide sur certains blocs et je dois lui dire de ralentir un peu. Il se débrouille encore très bien et je lui lève mon chapeau d’être en mesure de le faire à un âge aussi avancé dans le milieu sportif, ça exige une grande force de caractère et une belle préparation physique », a souligné Brodeur-Jourdain.
Que ce soit en raison du gris qui se propage dans sa barbe ou de sa réputation enviable, Matte est sollicité plus souvent par de jeunes coéquipiers. Demeurant humble, il ne se perçoit pas comme un mentor.
« Je ne pense vraiment pas à ça, je me vois comme un autre joueur. Mais quand j’ai la chance de donner un conseil, je vais les aider. C’est drôle parce qu’ils me posent plus de questions. Donc oui, on devient un meneur et il faut l’assumer de la bonne manière », a indiqué Matte.
Parmi ses recommandations, il insiste sur le volet mental.
« Les camps sont toujours éprouvants et ça fait mal physiquement, mais c’est le mental qui te pousse donc tu dois être bien préparé. Si on y parvient, on émane du camp à un autre niveau et on peut relever les épreuves durant la saison », a justifié Matte.
Le vétéran a enchaîné en citant Maas et son dicton « grind for nine » que l’on pourrait traduire « bûcher pour la neuvième coupe Grey ».
Les sacrifices ne pèsent donc pas trop lourd sur les larges épaules de Matte. Il ressent également une grande satisfaction de voir ses enfants (son garçon de 9 ans et sa fille de 7 ans) emmagasiner des souvenirs reliés au football pour le reste de leur vie.
« C’est spécial parce qu’ils vont s’en rappeler. Ils sont contents pour moi et ça me fait toujours du bien au moral de leur parler après chaque journée », a conclu Matte avec ce qui constitue un vrai bonbon.