Coupe Grey : la tête avec Hamilton, le cœur avec Winnipeg
Coupe Grey vendredi, 22 nov. 2019. 07:00 jeudi, 12 déc. 2024. 01:20La finale de la coupe Grey sera présentée sur les ondes de RDS et RDS Direct dimanche dès 16 h. Suivez l'avant-match avec en webiffusion sur le RDS.ca.
C’est dimanche qu’aura lieu la grande finale de la Coupe Grey entre les Tiger-Cats de Hamilton et les Blue Bombers de Winnipeg. Ce match sera d’ailleurs présenté sur les ondes de RDS et RDS Direct dès 16 h.
Si j’analyse le tout froidement, je favorise les Tiger-Cats, mais mon cœur est avec les Blue Bombers à cause de leur entraîneur-chef Mike O’Shea, qui était mon ancien coéquipier à Toronto. On a joué et gagné la coupe ensemble. Je connais sa famille.
Cette saison, les Tiger-Cats ont battu les Bombers à deux reprises. Il y a au football un diction qui dit que c’est toujours difficile de battre la même équipe trois fois dans une année. C’est toujours l’équipe qui perd qui va vouloir s’ajuster et présenter de nouvelles choses. Est-ce que les Ticats vont terminer leur saison de rêve en beauté après avoir réussi une fiche record (15-3) dans l’histoire de l’organisation? Ils ont gagné leurs 7 derniers matchs et 11 des 12 derniers. Ils ont été super disciplinés, même si beaucoup des matchs du calendrier régulier ne voulaient rien dire parce qu’ils étaient premiers au classement depuis longtemps. Ils ont continué de progresser et ils ont le vent dans les voiles.
Ils connaissent bien leur adversaire, contre qui ils ont gagné par un pointage cumulatif de 56-28. C’était un peu plus serré la première fois au début de l’été parce que le quart-arrière vedette Jeremiah Masoli s’était blessé à un genou de façon malchanceuse en changeant de direction à la fin du premier quart. Dane Evans le remplace à ce poste parce que Masoli s’est blessé contre les Bombers, ce serait donc ironique qu’il vienne hanter ces derniers.
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À son premier match en relève, Dane Evans a complété 52 % de ses passes pour 94 verges et 1 interception, mais les Ticats ont gagné quand même. Avec plus d’expérience derrière la cravate la deuxième fois, sur la route, il a nettement progressé avec une efficacité de 78 %, 359 verges, 3 passes de touché et 1 interception. L’autre chose qui a retenu mon attention dans cette confrontation en plus de l’entrée en scène d’Evans, c’est que les Bombers ont été victimes de 10 revirements (7 dans le premier match et 3 dans le second) contre 2 pour les Ticats. Difficile de gagner quand tu donnes le ballon aussi souvent, alors oubliez leurs chances de réussite si la situation se répète en fin de semaine, ça va être à surveiller.
Le porteur de ballon étoile des Bombers Trevor Harris n’avait pas fait grand-chose non plus et les quarts Matt Nichols et Chris Streveler ont eu des performances ordinaires en alternance. C’est donc au tour de Zach Collaros d’obtenir le départ et de tenter sa chance contre Hamilton, un troisième quart différent. Collaros a quand même un parcours spectaculaire. Il était le quart-arrière de Roughriders en ouverture de saison quand il s’est blessé sur le troisième jeu du match à Hamilton à cause d’un coup vicieux de Simoni Lawrence. On croyait à ce moment que sa saison serait terminée à cause de cette commotion cérébrale. Le club de la Saskatchewan s’en était donc remis à Cody Fajardo, qui est devenu une grande vedette, si bien qu’ils ont échangé Collaros à Toronto. Il n’a pas été utilisé là-bas non plus, donc il a été envoyé à Winnipeg, qui avait des problèmes de quart-arrière en fin de saison. Collaros a enfin eu la chance de jouer, et voilà qu’il va peut-être boucler la boucle en disputant la Coupe Grey contre l’équipe avec laquelle il a commencé l’année. Il a des démons à exorciser.
Bref, les histoires de Dane Evans et de Zach Collaros sont spéciales.
Un système à deux quarts pour Winnipeg?
Est-ce que les Bombers vont revenir avec un système à deux quarts? Dans le premier match éliminatoire contre Calgary, en plus de Collaros, on a aussi fait jouer Chris Streveler pour 23 jeux en attaque, surtout au sol, mais pour seulement 7 jeux contre la Saskatchewan. Les Bombers ont eu du succès avec ce système. Ce n’est peut-être pas une mauvaise chose, car les quarts ont des forces différentes : un qui lance et l’autre qui court. Défensivement, c’est tannant parce qu’il faut se préparer contre deux quarts et deux livres de jeux différents. Ça amène une surcharge au niveau de la préparation.
Quand Streveler embarque sur le terrain avec Harris et la grosse ligne à l’attaque, ça donne du jeu très robuste. J’ai hâte de voir s’il sera en action. Il soigne apparemment un bobo à un pied, ce qui pourrait expliquer sa moins grande utilisation contre les Riders. Mais c’est le match ultime, et de ce que j’ai vu de Streveler, c’est un vrai guerrier. Je ne pense pas que c’est ce qui va le ralentir si on lui demander de jouer.
Collaros, lui, est 3-0 depuis qu’il est le partant. Ce qui est intéressant, c’est qu’il a ramené une dimension qu’on ne voyait plus beaucoup dans l’attaque des Blue Bombers, soit le fait d’attaquer les zones profondes. Les Bombers aiment contrôler le ballon, courir avec Harris, lancer des petites passes et étirer le terrain horizontalement en gagnant 7-8 verges par-ci par-là. Depuis que Collaros est là, c’est le jour et la nuit. Contre la Saskatchewan notamment, il a lancé des passes de 34, 71 et 63 verges. Dans ses trois matchs, il a complété 9 passes en 14 tentatives quand le ballon voyage plus de 20 verges, pour un total de 339 verges et 4 passes de touché. Celui qui en profite le plus, c’est Darvin Adams, qui a été ciblé huit fois (4-en-8 pour 176 verges et deux touchés). C’est un bon receveur mais on ne le voyait plus beaucoup. Il est maintenant revenu dans l’équation. Je comprends que défensivement, l’adversaire veut faire du homme-à-homme, enlever les receveurs sur les périmètres et remplir la boîte défensive pour limiter Harris et le jeu au sol. Mais si tu fais ça, tu deviens vulnérable sur les longues passes et c’est là-dessus que Winnipeg peut capitaliser. Tu ne peux pas fermer toutes les portes; quand tu en fermes une, il s’en ouvre une autre. C’est donc au niveau de l’exécution que ça se joue.
Personnellement, je pense que Harris va devoir être plus sollicité, il doit faire partie de l’équation. Il est tranquille en éliminatoires pour l’instant : 57 verges au sol + 10 par la passe contre Calgary, puis 41 verges au sol + 8 par la passe contre la Saskatchewan. La tertiaire des Tiger-Cats est pas mal meilleure que celle de la Saskatchewan et joue de façon différente, je ne pense pas que Collaros va pouvoir faire un pique-nique dans les zones profondes. Je pense que le jeu au sol va devoir revenir à l’avant-plan avec Harris comme une partie de la solution.
Défensivement, les Tiger-Cats ont un bon front défensif, une bonne ligne défensive et une bonne tertiaire. Ils sont capables de mettre de la pression et de créer des revirements. C’est d’ailleurs la tertiaire contre laquelle les quarts adverses ont présenté le plus bas pourcentage de passes complétées et plus bas coefficient d’efficacité. C’est celle qui embête le plus l’adversaire.
Les Ticats profiteront-ils de la générosité des Bombers?
Du côté de Dane Evans, ce n’est pas compliqué : il faut protéger le ballon plus que jamais.
Les Bombers donnent des gros jeux et des verges, mais ce qu’ils font bien, c’est te voler le ballon. Ils sont deuxièmes dans la ligue au chapitre des revirements provoqués avec 45. En matchs éliminatoires, les Bombers sont +7. Ils ont volé le ballon quatre fois aux Stampeders et trois fois aux Riders, et ne sont jamais fait avoir eux-mêmes.
L’attaque des Ticats est la plus explosive, elle réussit à aller chercher de gros morceaux de terrain, alors que la défense des Bombers est très généreuse. Ce sont eux qui ont permis le plus grand nombre de passes de plus de 30 verges dans la ligue. J’ai hâte de voir comment on va pouvoir limiter ça. Dane Evans joue de l’excellent football mais demeure un jeune quart, et qui dit jeune quart dit un petit manque d’expérience. C’est le temps pour le coordonnateur défensif Richie Hall d’être intelligent et de créer de la confusion, de mélanger les stratégies. Les Bombers sont premiers contre le jeu au sol, mais les Tiger-Cats aiment plutôt lancer : ils ont lancé 629 fois et couru 352 fois. Ils ont à peine couru contre Edmonton, c’est davantage un complément. C’est pour ça que je dis que le front défensif des Bombers va devoir protéger la tertiaire, parce que je ne pense pas que leurs demi défensifs sont capables de courir avec les receveurs des Ticats, donc s’il n’y a pas de pression sur Dane Evans, ça risque d’être difficile pour Winnipeg.
Les Ticats sont premiers avec 313 verges de gain par la passe et deuxièmes pour le taux de passes complétées avec plus de 71 %. Ils sont premiers avec une moyenne de 9 verges par passe tentée ainsi que pour les passes de plus de 30 verges. Fait intéressant : même s’ils sont no 1 par la passe, ils sont seulement cinquièmes pour le nombre de passes tentées, ce qui démontre à quel point ils sont très efficaces. C’est aussi Hamilton qui récolte le plus grand nombre de verges après l’attrapé. Non seulement ils sont bons pour attaquer les zones profondes, ils sont bons pour convertir les petites passes en long gain après l’attrapé (2371 verges de gain après l’attrapé, ce qui représente 42 % des gains aériens). Il va sans dire que c’est un méchant casse-tête d’arrêter les « killer bees », soit les receveurs Brandon Banks et Bralon Addison. Il va falloir essayer de limiter leur production.
Le jeu au sol n’est pas la force d’Hamilton, et je sais que l’équipe a été affectée par des blessures chez les porteurs de ballon, mais ils sont quand même efficaces. Ils courent quand c’est nécessaire, et quand ils le font, ça marche. On dit que Winnipeg a l’attaque au sol la plus efficace, mais les Tiger-Cats totalisent pourtant autant de touchés au sol (20) cette saison.
Une facette à ne pas négliger
Quand on parle de match sans lendemain, il ne faut pas oublier la troisième facette du football. Pour les maniaques d’unités spéciales, on risque d’être gâtés avec des botteurs de qualité, en plus de retourneurs et d’entraîneurs d’unités spéciales de qualité. C’est sûr qu’il va y avoir un gros jeu clé à un moment donné, c’est indéniable.
Les botteurs Justin Medlock et Lirim Hajrullahu sont deux des meilleurs. S’il faut réussir un botté pour la victoire, on peut compter sur Medlock, qui est sur une bonne séquence alors qu’il a réussi ses 20 derniers bottés (8-en-8 en éliminatoires). Hajrullahu, lui, a réussi le botté victorieux avec les Argonauts de Toronto à la Coupe Grey 2017 face aux Stampeders de Calgary. Soulignons le talent des retourneurs Janarion Grant et Frankie Williams, en plus de Brandon Banks qui s’implique aussi de temps en temps. Ce sont tous des gars qui ont marqué des touchés sur des retours de botté cette saison. Les entraîneurs sont par ailleurs audacieux, ils n’ont pas peur de faire des jeux truqués. Ça va être un jeu d’échecs assez spectaculaire à ce niveau.
On espère un bon match pour la finale et surtout une température clémente qui n’affectera pas trop le niveau de jeu. Le froid, ce n’est pas trop grave, mais ce qui peut déranger, c’est le vent et la surface de jeu inadéquate. Si la surface est glissante comme à Edmonton l’an passé, ça peut à mon avis surtout affecter l’équipe la plus athlétique, qui est Hamilton, car c’est difficile de courir. Les Bombers s’en étaient bien sortis il y a deux semaines à Calgary dans ces conditions. Ça va être non négligeable.
* Propos recueillis par Audrey Roy