Je viens de compléter mon 20e repêchage d’entrée dans la LNH.

 

En 20 ans, je n’ai jamais entendu un directeur général ou un de ses recruteurs admettre candidement qu’il était déçu de sa sélection. Ou pire : qu’il avait carrément manqué son coup.   Qu’il rentrait à la maison avec des jeunes qui le laisse indifférent. Avec des jeunes qui n’ont aucune chance d’accéder à la LNH.

 

L’équipe de recruteurs du Canadien comme celles des 30 autres équipes a donc fêté dimanche soir parce qu’elle a réussi à mettre la main sur les joueurs épiés au cours des 12, 18, 24 derniers mois.

 

Est-ce que Jesperi Kotkaniemi deviendra un jour le premier centre du Canadien? Je ne le sais pas. Pardonnez-moi de vous rappeler à l’ordre, vous ne le savez pas non plus. Mais parce qu’ils croient sincèrement en lui, les recruteurs du Canadien ont décidé de le préférer aux autres candidats de premier plan qui étaient disponibles vendredi.

 

Jesse Ylonen sera-t-il un joueur de la LNH? Je ne le sais pas plus que vous.

 

Alexander Romanov que le Canadien a sélectionné avec son deuxième choix de deuxième ronde est-il le coup fumant du repêchage? Est-ce que le Canadien a raison d’avoir repêché ce petit défenseur explosif, semble-t-il, si tôt alors qu’il était 115e sur la liste des candidats européens concoctée par la LNH? Ou pis encore alors qu’il n’était pas sur la liste d’espoirs de plusieurs équipes présentes en fin de semaine à Dallas?

 

On verra!

 

On peut défiler les noms des huit autres espoirs repêchés par le Canadien et la même réponse reviendra.

 

On ne sait pas encore ce qu’ils deviendront parce que le repêchage est loin, très loin, d’être une science exacte. Des joueurs de premier plan qui représentaient des coups de circuit assurés se sont barré les pieds avant de réussir dans la LNH. Certains n’ont même jamais atteint la LNH. Pas juste à Montréal. Aux quatre coins de la LNH.

 

Inversement, des Brendan Gallagher, des Daniel Alfredsson, des Jamie Benn repêchés tellement tardivement qu’on ne levait pratiquement même plus les yeux pour voir ce dont ils avaient l’air ont connu et connaissent, de belles, de très belles, de phénoménales carrières.

 

C’est ça le repêchage.

 

Le temps se chargera donc de relever les erreurs commises au cours des deux derniers jours par le Canadien et les 30 autres équipes de la LNH. Et à n’en pas douter, les erreurs seront plus nombreuses que les bons coups encore cette année.

C'est finalement un centre qui arrive à Montréal

 

D’ici à ce que le temps nous aide à y voir plus clair, il est impératif de donner la chance à tous les recruteurs d’espérer qu’ils ont vu juste. Et attention, si trois des 11 joueurs sélectionnés par le Canadien en fin de semaine défendent un jour avec succès les couleurs du Canadien, Trevor Timmins et ses recruteurs auront fait du bon boulot. Si ce nombre grimpe à quatre, à cinq, voire à six, eh bien tous ceux et celles – et ils sont très nombreux – qui les lapident de critiques depuis deux jours devront s’excuser.

 

Tourner le dos aux Québécois

 

Bien qu’il faudra attendre des années avant de pouvoir conclure sur la qualité du travail accompli par le Canadien en fin de semaine, on a pleinement le droit d’être déçu parce qu’on préférait un joueur ou un autre. Ça oui!

 

On a aussi le droit d’être déçu parce qu’en dépit ses 11 sélections, le Canadien n’a ouvert la porte de son organisation qu’à un seul Québécois. Repêché en cinquième ronde, avec la 133e sélection, Samuel Houde, des Saguenéens de Chicoutimi, a toutes les raisons au monde d’être fier d’avoir enfilé un chandail du Canadien après qu’il eut entendu son nom être prononcé.

 

Malheureusement pour le petit gars, son nom est synonyme depuis samedi – et il le sera pour un bout de temps – du «gars de chez nous que le Canadien a repêché pour fermer la trappe aux fans qui en auraient voulu davantage.»

 

Alors, Samuel, permets-moi ici de t’offrir tout de suite mes excuses, car c’est un brin triste d’associer ton nom à une telle réalité. Même deux!

 

Je suis Québécois, francophone, nationaliste et fier de l’être. J’aimerais que le Canadien ait plus de Québécois au sein de sa formation, mais surtout qu’ils soient bons et capables de faire de cette équipe une équipe gagnante.

 

Dans ces circonstances, je comprends très bien que le Canadien, comme les autres clubs, doit d’abord et avant tout repêcher les joueurs qu’ils croient être les meilleurs pour permettre à l’équipe de gagner.

 

Je ne tiens donc pas à ce que le Canadien sélectionne des Québécois simplement parce qu’ils sont d’ici alors qu’ils sont moins bons que d’autres candidats qui viennent d’Europe, de l’Ontario ou des États-Unis.

 

Mais quand j’entends le Canadien dire qu’il aimait beaucoup le défenseur Nicolas Beaudin – 27e sélection par les Blackhawks de Chicago – ou le centre Benoit-Olivier Groulx – 54e sélection par les Ducks d’Anaheim ou Gabriel Fortier – 59e sélection par le Lightning de Tampa Bay – je me dis qu’il ne les aimait pas assez.

Une journée fort chargée pour le Canadien

 

Avec quatre choix de deuxième ronde, le Canadien avait des munitions pour améliorer son rang de sélection et y aller pour Beaudin. Foi de Marc Bergevin, il a essayé. Mais il n’a pas réussi.

 

Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu’il aimait davantage Ylonen et Romanov que Beaudin ou qu’il trouvait trop élevé le prix à payer par rapport à son évaluation du joueur.

 

Idem pour Groulx.

 

C’est la prérogative du Canadien d’avoir préféré Ylonen et Romanov et Olofsson et les autres à des bons Québécois qui étaient disponibles. Là encore, le temps dira s’il a eu raison ou s’il lui fera regretter une courte vue qui a coûté Patrice Bergeron et bien d’autres au fil des dernières années.

 

Le Canadien n’a pas l’obligation de repêcher des joueurs qui grandissent dans sa cour. J’en conviens. Mais il n’a pas le droit d’échapper les joueurs qui lui feront regretter de leur avoir préféré de moins bons espoirs dénichés au bout du monde alors qu’eux patinaient dans l’ombre du Centre Bell.

 

La nuance est importante.

Le Canadien fait le plein de joueurs de centre

 

Ce que je n’aime pas dans le fait que Beaudin et Groulx – que je ne connais pas plus que vous alors je ne peux m’avancer sur la qualité de leur sélection – sont aujourd’hui avec Chicago et Anaheim c’est que cela donne l’impression que les recruteurs québécois du Canadien n’ont pas assez de poids autour de la table pour faire pencher la balance vers des gars d’ici lorsque les candidats semblent d’égale force.

 

Il n’est pas normal que les Ducks d’Anaheim et le Lightning de Tampa Bay aient plus de tentacules au Québec que le Canadien. Qu’ils accordent plus de valeur aux espoirs québécois que le Canadien. Que leurs recruteurs québécois soient plus écoutés que ceux du Canadien.

 

Le Canadien a repêché un des 14 Québécois sélectionnés en fin de semaine à Dallas. C’est peu? C’est mieux que lors des deux dernières années alors que le Tricolore avait complètement boudé le Québec? C’est assez? C’est une honte?

 

Je vous laisse répondre, car c’est une question personnelle. Surtout en attente du développement des jeunes impliqués dans ce débat qui devient trop souvent trop émotif pour y voir clair.

 

Ce que je sais toutefois, c’est que la pression de faire honneur au Québec revient maintenant sur les seules épaules de Samuel Houde. Et ça, c’est injuste pour lui. Et là encore, je t’offre mes excuses Samuel.

 

Cela dit, c’est peut-être le Canadien qui devrait s’excuser de t’avoir placé dans cette situation.

 

Mais bon…

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