Il était acquis depuis longtemps que Daniel Audette suivrait les pistes de son père Donald. Que le prolifique joueur de centre du Phoenix de Sherbrooke de la LHJMQ serait repêché par l’une ou l’autre des 30 équipes de la LNH.

Ce qui était loin d’être acquis est que fiston Audette se retrouverait avec un chandail du Canadien sur le dos. Pis encore, qu’il devrait patienter jusqu’à la toute fin de la cinquième ronde (147e sélection) avant d’obtenir son invitation à faire le saut dans la LNH.

C’est pourtant ce qui est arrivé.

Pendant que le Canadien causait une certaine surprise en repêchant au 125e rang un défenseur de l’Ouest canadien – Nikolas Koberstein – qui occupait la 250e position sur la liste des espoirs nord-américains de la centrale de recrutement de la LNH, Audette effectuait le trajet contraire, plongeant de sa 75e position sur cette liste des meilleurs espoirs à la 147e place. «Je commençais à trouver le temps long», a convenu Daniel Audette qui a vu plusieurs adversaires de la LHJMQ lui être préférés.

Audette a même encaissé durement l’annonce de la sélection de Daniel…. Walcott de l’Armada de Blainville-Boisbriand par les Rangers de New York au 140e rang. «Comme ils n’avaient pas nommé l’équipe, mais seulement la Ligue, je me suis dit que ça y était enfin. Mais ce n’est pas mon nom de famille qui a suivi. Ça m’a donné un petit coup c’est sur», a ajouté le jeune joueur de 18 ans qui était alors entouré de son père et de sa mère dans les gradins du Wells Fargo Center.

Contrairement à ce que plusieurs amateurs ont laissé entendre après la sélection de Daniel Audette, son père n’a joué aucun rôle dans la décision de ses patrons. Non seulement papa Audette a été exclu de toutes les discussions reliées à la candidature de son fils dans le cadre de la préparation du repêchage, mais son patron immédiat, le recruteur-chef Trevor Timmins, lui avait donné un ordre clair en matinée samedi : celui d’aller suivre le repêchage en compagnie de son fils et du reste de la famille. Un ordre que papa Audette a respecté.

Concours de circonstances 

Le Canadien n’ayant pas de choix de deuxième ronde et parce qu’il ne devait parler qu’au 87e rang en troisième ronde, il était possible que la sélection de Daniel Audette soit au centre des discussions puisque cette position lui semblait destinée. Selon le scénario établi par le Canadien, c’est Marc Bergevin qui aurait alors dû trancher en faveur ou en défaveur de la sélection du fils de l’un de ses recruteurs.

Ce scénario a été écarté lorsque le Canadien a échangé sa 87e sélection (et sa 117e) aux Coyotes de l’Arizona afin d’obtenir leur 73e. Une sélection que le Canadien a utilisée pour repêcher le défenseur format géant (6’4’’ 206 livres) Brett Lernout.

Ironiquement, Lernout brillait par son absence à Philadelphie. En entrevue téléphonique, il a admis candidement qu’il ne croyait pas avoir de chance d’être sélectionné si tôt.

Privé de ses 87e et 117e sélections, le Canadien ne devait pas être dans le coup pour mettre la main Audette à son retour au micro avec la 125e position.

Sauf qu’Audette était toujours disponible. À voir le visage inquiet du jeune homme et ceux plus tendus encore de ses parents, il était clair que cette attente beaucoup plus longue que prévu était loin de faire l’affaire de tous.

S’il a préféré le défenseur Koberstein même s’il joindra les rangs universitaires américains dans deux ans à Daniel Audette avec la 125e sélection, Trevor Timmins ne pouvait repousser davantage la sélection du fils de son recruteur en fin de cinquième ronde. Collègue d’Audette avec le Canadien et recruteur qui a suivi son fils à la trace au cours de la dernière année, Serge Boisvert s’est alors permis de lever le pouce droit en l’air en regardant en direction des gradins avant que l’annonce officielle ne soit faite.

«Daniel est petit – 5’9’’ et 176 livres – et c’est clair que cette lacune physique l’a fait glisser beaucoup plus loin que prévu au repêchage. Mais c’est un gars de grand talent. Il devra prendre du coffre, se renforcer physiquement et améliorer davantage sa vitesse. On le sait. Il le sait aussi. Mais au point où nous étions rendus, il était plus que temps de le prendre, a insisté le recruteur-chef du Canadien. Je ne vous dis pas qu’il deviendra un deuxième Brendan Gallagher. Mais comme on l’a fait avec Gallagher en 2010 – ironiquement les deux joueurs ont été sélectionnés au 147e rang – il fallait le prendre à ce niveau.»

Pression supplémentaire 

Être Québécois francophone, fils d’un des recruteurs amateurs de l’équipe en plus, n’aidera en rien la cause déjà difficile de Daniel Audette de se faire valoir avec le Tricolore aux yeux des partisans. Déjà forte, la pression ne sera que plus étouffante. Le jeune centre le sait très bien. Et il est loin de se laisser déstabiliser pour autant.

«Je vis dans le monde du hockey depuis que je suis petit. Mon père a vécu ce genre de pression durant toute sa carrière. Je suis comparé à lui depuis que je suis petit et je le serai encore. C’est normal. Et ça ne me dérange pas du tout. Je me sens en mesure de composer avec ça», assurait Daniel Audette.

Croisé avant le début de la séance de repêchage, son père Donald semblait plus préoccupé par les remarques désobligeantes qui découleraient d’une sélection de son fils par le Canadien. Mais il avait plusieurs remarques prêtes à servir en guise de répliques.

«C’est comme ça depuis toujours. Ça ne l’a pas empêché d’être le tout premier choix dans la LHJMQ et de faire sa marque à Sherbrooke. Il n’est pas gros. C’est vrai. Mais il a de bonnes mains. Il est rapide sur patins. Il est efficace dans ses virages pour sortir du coin et se rendre au but», analysait le papa et recruteur professionnel.

Auteur de 21 buts et fort d’une récolte de 76 points en 68 matchs l’an dernier à sa deuxième saison à Sherbrooke, Daniel Audette n’a pas les mêmes mains que son père. Mais il a plus de vision. C’est le père qui le dit alors je vais me fier sur lui. «J’étais plus «sniper» comme joueur. Il est plus fabricant de jeu que moi. Il a de meilleures mains et une meilleure vision pour distribuer la rondelle.»

S’il a des qualités athlétiques indéniables, Audette a aussi du caractère. Des fois trop. Après deux ans dans les rangs juniors, on lui reproche des pénalités coûteuses à des moments mal choisis et un brin ou deux d’égoïsme sur la patinoire. Cette dernière critique tient toutefois du fait que le Phoenix de Sherbrooke, comme tout club d’expansion, n’est pas encore très bien nanti en fait de joueurs de talents pour entourer le premier choix de l’histoire de cette équipe junior.

Une fois mieux entouré, il sera intéressant de voir si Daniel Audette saura mettre en valeur le talent de ses coéquipiers et s’il affichera plus de générosité sur la patinoire.

Rendez-vous pères fils 

Après les duos Paul et Sam Reinhart, Michael et William Nylander, Sami et Kasperi Kapanen en première ronde vendredi, huit autres duos père-fils se sont ajoutés samedi, dont trois impliquant des clubs similaires.

En plus de Donald et Daniel Audette avec le Canadien, Josh Wesley (fils du défenseur Glen) et Ryan Donato (fils de Ted) ont abouti en Caroline et à Boston. Comme dans le cas de Donald Audette, Glen Wesley est demeuré sagement dans les gradins avec les membres de sa famille plutôt que de s’installer à la table des Hurricanes pour qui il travaille.

Les duos Brendan et Claude Lemieux de même que celui composé de Pierre Turgeon et de son fils Dominic ont beaucoup retenu l’attention. Lemieux a été sélectionné par les Sabres de Buffalo en ouverture de la deuxième ronde alors que Dominic Turgeon a enfilé un chandail des Red Wings de Detroit.

Ryan MacInnis (fils du défenseur Al) en Arizona, Jack Ramsey (Mike) à Chicago, Lucas Sutter (Rich) par les Islanders de New York, ont aussi suivi les traces de leur père respectif.

«C’est un très beau feeling pour lui comme pour moi. On a dû attendre plus longtemps que prévu, mais l’important c’est d’avoir été repêché. En plus, il est sorti avant moi», a lancé Donald Audette en affichant un sourire agacé.

Il faut dire qu’en 1989, au Minnesota, papa Audette avait dû patienter jusqu’à la neuvième ronde (183e sélection) avant d’entendre son nom. «J’étais dans les balcons et il faisait noir. Ils se préparaient à fermer les lumières tellement il était rendu tard.»

Ironiquement, c’est l’un de ses patrons actuels, Larry Carrière, l’un des adjoints de Marc Bergevin qui avait convaincu les Sabres de Buffalo de prendre une chance sur le petit attaquant droitier qui a connu une belle carrière de 735 matchs dans la LNH, inscrivant 260 buts et totalisant 509 points.

Si Daniel Audette suit les traces de son père et offre au Canadien des statistiques semblables, le Tricolore aura réalisé un très bon coup avec sa 147e sélection en 2014. Mais comme on peut le dire pour tous les appelés du Canadien en fin de semaine, du premier choix Nikita Scherbak, en passant par les défenseurs Brett Lernout et Nikolas Koberstein, sans oublier Daniel Audette, le gardien Hayden Hawkey et l’attaquant Jake Evans, ils représentent des projets à long terme. Des projets qui mettront quatre, voire cinq ans, avant de confirmer que le Tricolore a eu raison de les sélectionner… ou qu’il s’est trompé.

La patience sera donc de mise…