Claude Julien est condamné à gagner
Canadiens samedi, 28 sept. 2019. 07:30 vendredi, 22 nov. 2024. 08:09Participez au Grand Pool de RDS
Assis derrière son bureau du Centre d’entraînement de Brossard où il est encore débarqué très tôt en ce vendredi matin, Claude Julien jongle avec l’horaire très serré des prochains jours.
Il ne lui reste que l’entraînement qu’il dirigera dans quelques heures et le dernier match préparatoire de samedi face aux Sénateurs d’Ottawa pour obtenir le maximum d’informations qui permettront à l’état-major de prendre les dernières décisions en vue de la saison qui débutera jeudi prochain en Caroline.
Les performances des Nick Suzuki, Cale Fleury et Ryan Poehling soulèvent un vent d’optimisme depuis le début du camp. Les performances plus timides des Jonathan Drouin, Jesperi Kotkaniemi, entre autres, soulèvent, elles, des bourrasques de critiques.
Bon! Ces critiques sont un brin prématurées. Peut-être même deux brins, puisque les joueurs visés n’ont pas encore disputé un seul vrai match.
Mais elles démontrent qu’à l’aube du troisième début de saison de son deuxième séjour à la barre du Canadien, Claude Julien a une obligation de résultat. Du moins dans la tête des amateurs impatients. Il est condamné à gagner. Il doit conduire son équipe en séries.
« C’est bien sûr mon objectif ou plutôt notre objectif puisqu’à titre d’entraîneur-chef je n’ai pas d’objectif personnel. Ce sont les résultats du club qui comptent. On amorce une nouvelle saison, mais l’objectif sera le même que l’an dernier et qu’il y a deux ans : on vise une place en séries d’abord et une fois en séries on travaillera pour aller le plus loin possible. »
Huit places pour au moins 12 prétendants
Viser les séries c’est facile. C’est même normal. De fait, c’est la moindre des choses. Surtout pour une organisation qui, dans un passé de plus en plus lointain, lorgnait la coupe Stanley à chaque début de saison au lieu de simplement viser les séries.
Mais y accéder, c’est une autre affaire.
Dans la division Atlantique, le Lightning, les Bruins et les Maple Leafs partent bien sûr favoris. Grandement améliorés avec l’embauche de Joel Quenneville et l’acquisition de Sergei Bobrovsky, les Panthers de la Floride et le Canadien devront exceller pour tenter de déloger un des trois favoris. S’ils n’y arrivent pas, ils devront rivaliser avec quatre, peut-être même cinq clubs de la division Métropolitaine pour obtenir l’une des deux places réservées aux clubs repêchés.
Car à l’exception des Sénateurs d’Ottawa, des Red Wings de Detroit, des Sabres de Buffalo et peut-être des Blue Jackets de Columbus, les 12 autres clubs de l’Association Est peuvent viser les séries avec raison. Ça veut donc dire qu’au moins quatre prétendants seront écartés.
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Pas évident!
L’entraîneur-chef du Canadien et ses joueurs l’ont d’ailleurs appris à leurs dépens l’an dernier alors qu’ils se sont fait fermer la porte donnant accès aux séries malgré une récolte de 96 points.
Confronté à cette réalité, Claude Julien s’offre quelques secondes de réflexion avant d’expliquer comment il entend permettre à son équipe d’aller chercher les points qui ont manqué l’an dernier. De franchir la montagne qui se dresse devant le Tricolore.
« Nous savons tous que ce sera difficile. Mais nous sommes mieux équipés que nous l’étions l’an dernier. Nos gars ont vraiment compris et adopté la façon dont nous voulons jouer. On l’a vu en fin de saison alors que nous étions bien meilleurs. On doit l’appliquer dès le début de l’année afin de connaître un bon début. Accéder aux séries, c’est maintenant difficile pour tous les clubs de la Ligue. On doit donc mettre toutes les chances de notre côté avec un bon début de saison. »
Les Blues : exemple à suivre ou piège à éviter?
Claude Julien a beau prêcher les vertus d’un bon début de saison, il n’en demeure pas moins que les Blues de St Louis ont prouvé, l’hiver dernier, qu’il était possible de revenir de l’arrière alors qu’ils sont passés du dernier rang au classement général en janvier à la coupe Stanley.
Un bond prodigieux qui peut servir d’exemple et de source de motivation, mais qui peut aussi représenter un piège dans lequel il est bien plus facile de plonger que d’en sortir.
« C’est mon travail de faire comprendre aux joueurs qu’on doit garder confiance malgré les ennuis qui frappent en cours de saison. C’est aussi mon travail de leur faire réaliser que l’exploit des Blues tient bien plus de l’exception que d’une nouvelle réalité dans la Ligue », lance Claude Julien qui reconnaît toutefois que les Blues ont confirmé une réalité partagée dans tous les sports.
« L’exploit des Blues prouve toutefois une chose : l’importance d’atteindre ton plein rendement lorsque ça compte vraiment. Non seulement tu dois éviter les pièges en cours de saison, mais tu dois être capable d’amener ton équipe à être à son mieux lorsque les séries commencent et de hausser le rythme à mesure que les séries avancent. C’est vrai au hockey comme dans tous les autres sports. Mais la première moitié de l’équation demeure quand même d’accéder aux séries. Et c’est une première moitié très difficile à franchir. On ne peut donc pas se permettre de gaspiller des points. Oui tu peux en récupérer en cours de saison, mais quand tu réalises que tu es exclu des séries par deux points, tu reviens sur les 82 matchs et tu relèves facilement où tu as perdu les points qui t’ont manqué. Tu réalises ce qui t’a coûté une place en séries. »
Correctifs apportés et à apporter
Un début de saison ordinaire de Carey Price, quelques mauvaises sorties de son adjoint Antti Niemi qui a transformé des victoires presque acquises en défaites amères ont contribué à échapper quelques points ici et là. D’où l’embauche de Keith Kinkaid à titre de gardien auxiliaire qui pourrait disputer une vingtaine de parties cette année afin de ménager Price.
Mais l’inertie de l’attaque massive a fait bien plus mal encore.
Marc Bergevin a bien tenté de sortir Sebastian Aho de la Caroline. Une acquisition qui aurait sans le moindre doute survolté l’attaque massive. Mais c’est contre le Canadien et non avec lui que Aho tentera des marquer des buts jeudi prochain en Caroline.
Alors, comment relancer l’attaque massive avec les mêmes éléments dont les performances ont fait plonger le Canadien au 30e et avant-dernier rang dans la LNH en matière d’efficacité?
« En jouant comme on l’a fait en fin de saison. On revenait de tellement loin qu’il était difficile de faire contrepoids aux statistiques, mais on était beaucoup plus efficace dans la manière dont on jouait en attaque à cinq en fin de saison. Mais les résultats doivent venir. On a marqué trois buts contre Ottawa la semaine dernière. On a eu des bonnes séquences dans les deux matchs contre Toronto, mais nous n’avons pas marqué. Cette année, il faudra finir la job. Et quand je regarde les gars qu’on envoie sur la patinoire, je considère qu’on a les effectifs pour finir la job. Mais oui, il faudra profiter de nos attaques à cinq. Ça nous a coûté des points au classement l’an dernier. Combien? Trois, quatre, peut-être plus. Ça fait partie des points qu’on doit récupérer pour atteindre les séries cette année et non seulement frapper à la porte. »
Place aux jeunes et à la créativité
Avec une fiche de 16 victoires, sept défaites et un revers en prolongation ou tirs de barrage, Claude Julien a guidé le Canadien en séries après qu’il soit venu en relève à Michel Therrien lors de la saison 2016-2017.
Depuis, ses équipes ont raté les séries.
Le fait que le Tricolore pourrait être évincé des séries pour une troisième année de suite – ce qui est arrivé deux fois seulement dans l’histoire – fragilisera la patience des amateurs à l’endroit du coach.
Le principal intéressé en est très conscient. Comme il est conscient du lot de critiques qu’il doit essuyer. Des critiques associées aux structures défensives rigides qu’il impose et au fait qu’il soit, aux yeux de certains, réticent à faire de la place aux jeunes.
Des critiques auxquelles le principal intéressé accorde peu d’importance, mais qu’il considère exagérées, voire injustifiées.
« Jouer de façon structurée ça ne veut pas dire de jouer du hockey fermé et d’empêcher les joueurs d’être créatifs à l’attaque. Être structuré, ça veut dire d’axer nos stratégies sur nos forces. Nous ne sommes pas une grosse équipe, alors on doit axer nos stratégies sur la vitesse et sur les moyens à prendre pour récupérer les rondelles. Mais on laisse toute la latitude à nos gars d’être créatifs à l’attaque. On demande à nos gars de bien se compléter sur la patinoire. De bien lire le jeu. De bien comprendre ce qui se déroule, ce que l’un et l’autre doivent faire et font pour maximiser nos performances quand on a la rondelle ou qu’on veut aller la récupérer. Avoir des structures, ça veut juste dire de jouer du bon hockey dans toutes les facettes du jeu », plaide Claude Julien.
Quant à la place qu’il réserve, ou ne réserverait pas assez aux jeunes, l’entraîneur-chef du Canadien riposte en présentant sa feuille de route en carrière.
« On a fait de la place à KK l’an dernier malgré ses 18 ans. Il ne m’a pas été imposé, j’étais très d’accord pour le garder et le faire jouer. C’était la même chose avec Victor (Mete) il y a deux ans. Non seulement on l’a gardé, mais on lui a donné beaucoup de place. Oui il est retourné dans la Ligue américaine à un moment donné, mais ce séjour lui a été très bénéfique. Il est revenu plus confiant, plus solide, ce qui lui a permis de se retrouver avec Shea. »
Avec les Suzuki, Fleury et Poehling qui frappent à la porte, Claude Julien entend maintenir la ligne de pensée utilisée dans les décisions prises avec Mette et KK.
« Il nous reste un match préparatoire à jouer. On espère que ce match nous aidera à prendre les meilleures décisions finales. J’aime beaucoup ces trois joueurs. Ils sont jeunes, mais ont déjà de grandes qualités. La vision de Suzuki et sa manière de développer les jeux sont excellentes. Fleury a été solide dans tous les matchs qu’il a disputés. Poehling a été blessé, mais il devrait reprendre les entraînements avec contact ce qui l’aidera à se faire remarquer sur la patinoire. Mais peu importe les décisions que nous prendrons, elles seront prises pour le bien des jeunes et de l’équipe. Si on doit en retrancher, ce sera pour qu’ils reviennent plus forts. C’est tout. Certainement pas parce que je ne veux pas faire de place aux jeunes. Pendant mes 10 ans à Boston, j’ai fait rapidement de la place aux Krejci, Krug, Carlo, et Pastrnak pour ne nommer qu’eux. Il n’y a rien qu’on puisse faire avec les critiques. Et c’est pour ça que je n’y accorde pas d’importance et que je ne peux pas me laisser affecter par elles. Mais il me semble que ceux qui critiquent devraient faire leurs devoirs et des recherches avant d’y aller avec ce genre de prétentions », a défilé celui qui entreprend sa 18e saison ans la LNH, sa septième avec le Canadien.
Année déterminante
Comment Claude Julien croit-il que son travail sera analysé cette année?
« Dans le sport professionnel, tu dois avoir des résultats. Quand un club perd, c’est presque toujours vers le coach qu’on se tourne pour acheminer les blâmes. Ça vient avec le job. Je l’ai compris il y a longtemps. Mais au-delà les résultats d’équipe, il y a le développement des joueurs et leurs performances qui doivent être prises en considération. Soutirer le meilleur de tes joueurs, c’est vraiment satisfaisant comme coach. Et c’est ce que je tenterai de faire encore cette année avec mes adjoints, parce que si nous arrivons à soutirer le meilleur de tous nos gars, nos chances seront bonnes », conclut Claude Julien.
L’an dernier, Julien et ses adjoints ont permis à Max Domi, Brendan Gallagher, Phillip Danault, Tomas Tatar, Andrew Shaw, Jonathan Drouin, Jeff Petry de connaître ou d’égaler leur meilleure saison en carrière en matière de buts marqués ou de points récoltés.
Des améliorations qui les ont laissés à la porte des séries. Une preuve de plus que viser les séries c’est facile, mais que les atteindre l’est beaucoup moins.
Voilà donc la réalité avec laquelle Claude Julien devra composer cette année. Une réalité peut-être injuste, mais qui servira de baromètre afin de déterminer s’il a fait du bon ou du mauvais travail à la barre de l’équipe.
Plus encore que ses 1185 matchs d’expérience dans la LNH et ses 627 victoires qui le placent au 15e rang – 6e chez les entraîneurs actifs – sur la liste des coachs les plus victorieux dans l’histoire de la LNH, ce baromètre pourrait même annoncer s’il sera de retour ou non à la barre du Canadien l’an prochain.