MONTRÉAL - Ça fait 30 minutes que j’écoute en boucles les réponses données par Marc Bergevin et je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi le Canadien de Montréal a décidé de faire du défenseur Logan Mailloux son premier choix du repêchage 2021.

 

Ça fait 30 minutes que je cherche à comprendre comment il est possible que personne au sein de l’organisation, du propriétaire Geoff Molson jusqu’aux chauffeurs des deux resurfaceuses, n’ait levé la main pour dire : « est-ce que quelqu’un réalise que cette sélection d’un gars associé à des accusations criminelles de natures sexuelles n’a pas le début d’un commencement de gros bon sens? »

 

Le simple fait que le Canadien ait dû rédiger un communiqué de presse pour justifier la décision de prononcer le nom de Logan Mailoux aurait dû rappeler tout le monde à l’ordre.

 

Mais non!

 

Le Tricolore a décidé d’aller de l’avant avec cette sélection qui n’est pas simplement controversée, mais qui enfonce carrément l’organisation dans un merdier dont elle pourra difficilement se sortir.

 

Dévoilement de photos explicites

 

Tout le monde sur la planète hockey est au courant de l’histoire. En fait, tout le monde point depuis que le principal intéressé a publiquement annoncé sa décision de se « retirer » du repêchage qui s’est amorcé vendredi et qui se poursuivra demain.

 

Mais pour ceux et celles qui ne seraient malgré tout pas au courant, voici les faits : Logan Mailloux a été condamné, en décembre dernier, à une amende de 1650 $  – montant dévoilé par le site Daily Faceoff – pour avoir acheminé à des coéquipiers des photos explicites d’une jeune femme avec qui il avait une relation sexuelle. La jeune femme a confirmé que la relation était consensuelle. Les photos ont toutefois été prises à son insu et bien sûr diffusées sans son consentement.

Elle a donc déposé une plainte à la police locale. Des accusations d’invasion de la vie privée et de diffamation ont été déposées. L’imposition de l’amende a suivi. Sans oublier le dévoilement de l’histoire. Avec les conséquences qu’une telle nouvelle a entraînées.

 

Les événements sont survenus en Suède l’an dernier où le défenseur s’est joint au SK Lejon, un club professionnel de troisième division, après que la saison de la Ligue de hockey de l’Ontario eut été annulée en raison de la COVID-19. Aujourd’hui âgé de 18 ans, Logan Mailloux était mineur au moment des actes qui lui sont reprochés.

 

Le jeune défenseur sera présenté aux médias samedi. C’est du moins ce qui était prévu tard vendredi soir.

 

Déjà que la pression est accablante sur les choix de première ronde du Canadien, comment diable le jeune homme pourra composer avec les vagues supplémentaires de pression que les actes qui lui sont reprochés soulèveront?

 

Impossible de répondre à cette question. Mais on peut annoncer sans risque de se tromper que ces vagues seront immenses et fracassantes.

 

Encore chanceux que le repêchage ne se déroulait pas au Centre Bell devant des gradins remplis de partisans et des tables autour desquelles les recruteurs des 32 formations sont entassés. Le deuxième repêchage virtuel consécutif orchestré par la LNH a permis à Mailloux d’éviter d’encaisser ses premières huées à titre de membre du Canadien de Montréal. Ou pire, d’être d’abord ovationné par des partisans impatients de saluer l’arrivée d’un espoir de premier plan avant d’être chahuté une fois l’effervescence initiale de l’annonce passée pour faire place à une réalité qui n’a rien de rien d’effervescente.

 

Pied de nez à la victime et aux partisanes du CH?

 

Après avoir lu le communiqué par le biais duquel le Canadien convient que son jeune espoir a commis une faute grave, qu’il a manqué de jugement, que l’organisation ne minimise en rien la gravité des gestes qui lui sont reprochés et qu’elle mettra à la disposition de son premier choix tous les outils nécessaires pour compléter son cheminement afin d’adopter des comportements plus responsables et de développer sa maturité, le directeur général du Canadien a été mitraillé de questions.

 

Pourquoi avoir choisi un joueur qui reconnaissait ne pas mériter l’honneur d’être sélectionné cette année? Un joueur qui demandait aux équipes de la LNH de lui donner la chance de profiter de la prochaine saison pour développer sa maturité et revenir en force au repêchage de 2022?

 

« Parce qu’après avoir rencontré Logan et son agent avec qui nous avons eu des conversations en long et en large, nous avons été convaincus que le jeune homme avait des remords sincères, qu’il était conscient de ses gestes et du manque de jugement qu’il avait affiché. Tout ça nous confirmait qu’il est en voie de se reprendre en mains. On est prêt à l’aider. On est prêt à prendre le pari qu’il va prendre de la maturité », que Marc Bergevin a répondu.

 

Il a aussi convenu que l’organisation prendrait les moyens pour contacter la victime et sa famille afin de faire les suivis adéquats avec elles.

 

Que l’organisation se servirait aussi de cette sélection pour faire de la prévention à l’endroit de tous les joueurs de l’organisation.

 

Je veux bien. Mais ça me semble bien mince comme implication pour adoucir les critiques qui ont déferlé sur le Canadien dans les secondes qui ont suivi la sélection de Mailloux. Des critiques qualifiant la sélection du Canadien de pied de nez à l’endroit de la victime et des partisanes du Tricolore.

 

Choix controversé sur la glace également

 

Au fait : pourquoi prendre une chance de ternir l’image de l’organisation et de se mettre à dos la grande majorité, sinon la totalité, des partisanes du club et peut-être aussi une bonne portion de partisans?

 

« Parce que sur le plan hockey, nous sommes convaincus que Logan est un joueur de première ronde et que c’était le meilleur choix que nous pouvions faire », que Bergevin a ajouté.

 

Je n’ai jamais vu jouer Logan Mailloux. Il est peut-être bon, peut-être même très bon. Mais il n’est pas considéré comme un talent exceptionnel. Le genre de talent qui aurait pu permettre à des hommes de hockey de faire fi des réalités sociales dans le cadre de leur travail.

 

Comme quoi il serait grand temps que de plus en plus de « femmes » de hockey se joignent aux « hommes » de hockey, histoire de leur donner un brin plus de sensibilité.

 

Surtout que non seulement une majorité d’équipes avait carrément rayé Mailloux de leurs listes d’espoirs, mais que son nom était beaucoup plus bas sur les listes de sélection des clubs qui jonglaient avec la possibilité de le prendre.

 

Et quand on sait à quel point les sélections tardives de la première ronde et des rondes subséquentes sont souvent qualifiées de coups de dés par les spécialistes, il me semble que quelqu’un quelque part au Centre Bell, hier soir, aurait dû dire : aie la gang! On va prendre le nom immédiatement après celui de Mailloux...

 

Il y a deux ans, lorsque Cole Caufield a glissé et glissé encore dans l’ordre de sélection, le Canadien n’avait pas le choix de profiter de la situation. Rendu au 15e rang de la première ronde, il était impossible de tourner le dos à son talent.

 

Mais cette année, rien ne justifiait la sélection de Logan Mailloux au 31e rang de la première ronde. Pas même les considérations hockey.

 

Attendre en septième ronde afin de tenter un coup d’éclat n’aurait pas muselé toutes les critiques, mais cela les aurait peut-être atténuées. Peut-être...

 

Pressé de questions remettant l’une après l’autre en cause la décision du Canadien d’aller de l’avant avec la sélection de Mailloux, Marc Bergevin a candidement admis que le jeune homme avait commis « des gestes inacceptables ».

 

À elle seule, cette réponse aussi claire que franche aurait dû convaincre la haute direction du Canadien que la sélection de Logan Mailloux, surtout qu’il se considérait lui-même persona non grata en marge du repêchage 2021, était aussi inacceptable que les gestes qu’il a posés.