MONTRÉAL – Stéphane Waite peut bien être excité, il dispose enfin d’un duo de gardiens de haut niveau pour maximiser le talent de Carey Price. D’ailleurs, l’entraîneur des cerbères du Tricolore a admis que Price n’aurait plus à tourner les coins ronds comme il devait parfois le faire quand il était utilisé à outrance. 

Puisque le dossier des gardiens du Canadien suscite des réactions si vives, une précision s’impose. Waite n’a surtout pas raconté que Price négligeait son travail. Bien au contraire, il devait plutôt prendre des décisions déchirantes pour s’assurer de tenir le coup jusqu’à la fin du calendrier. 

« Surtout que Carey est quand même rendu à 33 ans et son body est plus lent à récupérer entre les matchs. Carey veut jouer tous les matchs, mais il va apprécier de jouer un peu moins pour avoir des départs de qualité. Il aura moins à couper les coins ronds pour sauver son body. Même dans les matchs, on regardait des parties ensemble et il tournait les coins ronds dans certaines situations pour sauver de l’énergie. Ce n’est pas la meilleure solution, mais on n’avait pas le choix dans notre situation. On devait surutiliser Carey tout le temps. Ce sera un très, très grand bien pour Carey et pour l’équipe », a exposé Waite lors d’une visioconférence très intéressante avec des médias montréalais. 

Après tout, personne dans l’état-major du CH ne souhaitait que Price dispute 58 parties, un sommet dans la LNH, en 2019-2020. C’est la relève déficiente qui a provoqué ce résultat. Bref, Waite n’a pas eu besoin d’être convaincu pour se rallier à l’idée d’ajouter un réserviste de grande qualité, comme Jake Allen, à l’organisation. 

« On a payé le prix, mais ça vaut la peine. C’est ce qu’il faut faire aujourd’hui. Il pourrait être le gardien numéro un avec plusieurs équipes. Je suis très content de son arrivée, il était sur le haut de notre liste. [...] Marc (Bergevin) a frappé un circuit en faisant son acquisition », a cerné Waite, un grand amateur de baseball, sans cacher sa joie. 

Le plan élaboré par Waite consiste donc à accorder 30 matchs à Allen sur une saison de 82 parties. Il voudrait idéalement conserver le même ratio si la saison était réduite à 60 ou 48 parties ce qui donnerait respectivement 22 et 18 départs à Allen. 

« La plus belle preuve, c’est durant les séries alors que Carey était reposé et en santé. C’est ce qu’on veut garder pour lui. Chaque fois qu’il va jouer, il sera frais mentalement et physiquement. C’est beaucoup de préparation pour un match maintenant. Ce n’est pas comme dans le temps quand on se présentait et on embarquait sur la glace sans trop focuser. Ce n’était pas la même préparation. Aujourd’hui, c’est tellement serré que tu donnes un mauvais but et tu perds le match », a justifié l’entraîneur. 

De plus, il ne faut pas sous-estimer l’influence d’un vétéran auprès de Price. Le gardien originaire d’Anahim Lake affectionne davantage une telle relation. 

« Ça va être le fun de travailler avec lui, on va partager bien des informations sur les joueurs. Il a passé beaucoup de saisons dans l’Ouest. Carey aime faire ça. Je me rappelle que Carey a eu ses deux plus belles relations à Montréal avec Peter Budaj et Antti Niemi. Parce qu’il pouvait échanger sur plusieurs choses de la LNH. Je sais que Carey est très content de la venue de Jake. Ce sera bon pour sa carrière et pour l’équipe », a raconté Waite.  

La question finissait par devenir pertinente et elle a été soulevée. Est-ce que Waite irait jusqu’à dire que le Canadien possède désormais le meilleur duo de gardiens de la LNH ? Il a été plus prudent dans cette réponse en évoquant la qualité du tandem des Golden Knights de Las Vegas. 

« Le meilleur ? Un des meilleurs parce que tout est relatif. Vegas peut dire qu’ils ont le meilleur avec (Robin) Lehner et Flower (Marc-André Fleury). C’est certain qu’on a tout un duo, ça me rappelle un peu quand j’ai eu Niemi et Cristobal Huet à Chicago, ils avaient chacun remporté plus de 25 matchs. C’est excitant d’avoir un beau duo comme ça, mais ça prend ça. C’est la mode, si tu veux faire un bout, ça te prend deux bons gardiens sinon c’est très difficile. Boston a du succès depuis que Halak est là et Price va en profiter lui aussi », a commenté Waite tout en vantant également les duos des Rangers, des Canucks et des Sharks.

Il n’en demeure pas moins que Waite doit veiller à la préparation de son duo dans un contexte de pandémie. Heureusement, Price et Allen sont des vétérans qui

n’ont pas besoin qu’on leur fasse un dessin. 

« Je leur ai parlé hier ou la veille. Les deux sont de retour sur la glace, Carey recommence aujourd’hui. Pour nous, le plan, c’est comme si on était à la mi-juin. Ils font des exercices techniques par eux-mêmes. Je me tiens au courant de comment ça se passe, de leur état de santé. Ce que je veux m’assurer, c’est qu’ils ne développent pas de mauvaises habitudes quand ils vont sur la patinoire », a décrit celui qui misera sur deux partants de confiance. 

Évidemment, Waite a évalué avec précision l’arsenal d’Allen. Comme il le dit si bien, ce n’est pas un gardien avec une qualité prédominante. 

« C’est ce que j’aime de lui, tu peux l’envoyer dans un match n’importe quand et il sera constant. Je veux changer quelques petites choses comme je le fais avec chaque gardien, mais ce n’est rien de majeur. Si tu regardes ses statistiques, il a toujours été constant, en haut de ,905. Il a connu sa meilleure saison l’an passé. Comment c’est arrivé ? En jouant environ le même ratio qu’on vise », a pointé Waite. 

Cible de 150 matchs dans la Ligue américaine pour Primeau

Waite n’est pas une sommité dans sa profession pour rien, il a également réfléchi méticuleusement à l’avenir de Cayden Primeau. Il souhaite le voir disputer 150 parties dans la Ligue américaine de hockey avant de s’établir dans la LNH. Il a cité quelques exemples du circuit Bettman pour appuyer sa théorie comme Allen, Jordan Binnington, Jakob Markstrom, Tristan Jarry et même Corey Crawford avec plus de 250. 

« C’est un standard de la plupart des bons gardiens qui sont devenus des partants dans la LNH. Un gardien ne perd pas son temps quand il joue beaucoup dans la LAH. J’aime mieux qu’il joue 40-50 matchs à Laval que 20 à Montréal », a-t-il rappelé. 

Primeau – dont le compteur dans la Ligue américaine ne s’élève qu’à 33 - a d’ailleurs pu s’entraîner avec Waite pendant environ deux mois cet été, du temps précieux qui ne se présente pas souvent dans une année normale. 

« C’était du bon temps. Le kid en veut, il souhaite apprendre. Marco Marciano à Laval a fait tout un travail avec lui au niveau technique. On essaie de le rendre un peu moins robotique, qu’il suive ses instincts davantage. On a beaucoup travaillé sur des situations pour lire le jeu et réagir. Ça aide à ne pas juste se concentrer sur la rondelle, mais de bien voir ce qui se développe autour de toi. Carey est le plus bel exemple là-dessus, il a comme un deuxième sens », a exposé Waite en parlant aussi des efforts investis pour son maniement de rondelle. 

Transparent dans ses propos, Waite reconnaît que la priorité chez le Rocket sera de développer Primeau. Que doit-on retenir au sujet de Charlie Lindgren? 

« Il demeure un bon atout pour nous. Le seul problème, c’est qu’il n’a pas beaucoup joué. Les blessures ont retardé sa progression. Pauvre Charlie, il a eu des blessures au mauvais moment et ce n’est pas la faute de personne. C’est un parfait troisième gardien pour une organisation. Il peut encore progresser, il est jeune », a précisé Waite. 

En ce qui concerne Vasili Demchenko, qui arrive de la KHL, il a hâte de voir s’il pourra brouiller les cartes. Quant à Michael McNiven, il aime son attitude et il aidera le club soit au niveau ECHL ou Ligue américaine. Et pour ceux qui s’intéressent déjà à Frederick Dichow, repêché en 2019, Waite a utilisé le mot projet à trois reprises pour le décrire. 

Ce qu’il faut retenir, c’est que le Canadien affiche un portrait plus complet devant le filet. Un paysage plus rassurant qu’à l’époque des Dustin Tokarski, Mike Condon, Ben Scrivens et Keith Kinkaid pour appuyer Price. 

« Ça donne de bons atouts à Marc. On est dans une bonne situation pour les gardiens dans l’organisation », a conclu Waite en sachant que des mouvements peuvent survenir quand c’est le cas.