MONTRÉAL - Les bras au ciel, les yeux écarquillés, le sourire aux lèvres, un sourire déjà grand qui s’est élargi plus encore lorsqu’il a aperçu ses fils Philipp et Artem célébrant le but qui venait de propulser le Canadien vers une victoire de 2-1 en prolongation aux dépens des joueurs médusés des Maple Leafs et de leurs partisans plus médusés encore venus de Toronto, Ilya Kovalchuk a démontré une fois encore à quel point il savoure la chance que le Canadien lui a offerte en l’embauchant le 3 janvier.

« C’était vraiment le fun », a d’abord lancé celui qui est en voie de sauver la saison du Canadien. Celui qui la sauvera à coup sûr si Marc Bergevin décide de le garder à Montréal au lieu de l’échanger d’ici la date limite des transactions le 24 février prochain.

Quoi? Vous croyez que le Canadien n’a pas le droit d’échanger Kovalchuk en raison de ses performances, en raison de ce qu’il apporte à l’équipe, en raison de ce qu’il offre aux partisans qui ont – enfin! – un vrai joueur vedette à épier, un vrai joueur vedette qui leur donne des motifs d’espérer? Des partisans qui vont l’ovationner à tout rompre en ce dimanche d’entraînement public au Centre Bell.

Il y a deux semaines à peine, je vous aurais répliqué que le Canadien n’avait pas le droit de garder Kovalchuk. Qu’il devait absolument profiter de l’étincelle retrouvée dans l’œil, les mains et les patins de la vedette russe, pour maximiser sa valeur et obtenir un choix au repêchage en retour de ses services.

Aujourd’hui, je ne suis plus convaincu. Plus convaincu du tout en raison de tout le positif associé à Kovalchuk depuis son arrivée à Montréal. En raison des performances surprenantes oui, mais de son ascendant positif qui l’est plus encore sur l’équipe et les partisans qui méritent bien que le Canadien pense à eux de temps en temps.

Remarquez que tout cela fera peut-être monter en flèche sa valeur sur le marché. Et que des clubs seront peut-être intéressés à donner un choix de deuxième ronde pour le vétéran qui joue comme un jeune. Ce qui forcerait alors la main du Canadien qui ne pourrait résister à une telle offre.

Avec raison.

Mais si les offres sont timides, mieux vaut garder le nouveau «Kovi» et lui permettre de continuer à sauver la saison. Et vous savez quoi : Kovalchuk n’a pas à réaliser l’impensable et pratiquement l’impossible en propulsant le Canadien en séries pour sauver la saison. Du moins pas à mes yeux. Il n’a qu’à jouer comme il le fait présentement. À s’imposer sur la glace et dans le vestiaire, à s’imposer par sa manière d’être sans oublier les gros buts qu’il multiplie depuis son arrivée.

Quatre buts victorieux

Samedi, contre les Leafs, Kovalchuk a marqué son sixième but dans l’uniforme du Canadien.

Un sixième but en 12 matchs, dont trois buts gagnants – deux en prolongation aux dépens des Sénateurs et des Leafs et un troisième dans un gain aux dépens des Flyers – sans oublier un quatrième qui ne compte pas officiellement – les buts décisifs ne sont pas ajoutés aux fiches personnelles des joueurs – mais qui a malgré tout propulsé le Tricolore vers sa victoire de 5-4 en tirs de barrage aux dépens des Devils du New Jersey.

Depuis que Kovalchuk a marqué son premier dans l’uniforme tricolore, le Canadien affiche neuf gains en 12 matchs. Une séquence remarquable il faut le reconnaître.

Le genre de séquence qu’il faudra répéter deux fois plutôt qu’une d’ici la fin de la saison pour au moins se donner une chance de faire mentir ceux et celles qui considèrent déjà le Canadien éliminé.

Mais peu importe les séries, Kovalchuk donne pleinement raison à Marc Bergevin ne lui avoir offert de relancer sa carrière et du même coup de relancer la saison du Tricolore.

« C’est une légende. Il joue comme s’il avait 20 ans. Il patine. Il compte des buts. Il joue vraiment bien pour nous autres et il faut qu’on garde ça. Il est heureux. Il a du fun. C’est vraiment un bon gars pour l’équipe dans la chambre », a indiqué Marco Scandella dont le premier but dans l’uniforme du Canadien a permis de niveler les chances en fin de troisième pour donner l’occasion à Kovalchuk de trancher en prolongation.

« C’est un talent très rare, incroyable. On est content de l’avoir », a ajouté Jonathan Drouin qui effectuait un retour au jeu samedi.

Des réactions qui en disent long

Ilya Kovalchuk a savouré pleinement le but de la victoire.

« C’était un match intense, un match émotif. Il y avait beaucoup d’ambiance dans le Centre Bell. J’étais content de gagner et content aussi de voir mes fils célébrer ensemble dans la loge d’où ils suivaient le match. Quand j’ai levé les yeux vers eux, je les ai vus qui sautaient en se frappant les mains. C’était l’anniversaire de mon plus vieux – Philipp a eu 11 ans vendredi – et c’est un beau cadeau », a indiqué Kovalchuk qui a aussi offert une première bordée de neige à son fils en guise de cadeau.

« Ils sont venus me rejoindre avec mon épouse et notre fille aînée plus tôt cette semaine. Vendredi, ils voulaient jouer au hockey. On a donc cherché une patinoire extérieure pour aller s’amuser. Ce n’était pas évident avec toute la neige qui tombait », a lancé Kovalchuk.

Mais après quelques vaines tentatives, Kovalchuk s’est retrouvé sur une patinoire Bleu-Blanc-Bouge offerte par la Fondation du Canadien pour l’enfance.

« J’ai été surpris de voir une Zamboni circuler sur la patinoire. Nous sommes allés voir et avons trouvé une patinoire complètement déblayée. On a chaussé les patins et passé du très bon temps les trois ensembles. Je n’en revenais pas de voir la Zamboni sortir toutes les 20 minutes pour venir nettoyer la glace. C’était génial. Nous étions seuls en raison de toute la neige qui tombait. Les gars ont été gâtés. Ils n’avaient jamais vu de neige de leur vite et ils voulaient jouer au hockey. Ils ont été bien servis depuis deux jours. On a eu du plaisir hier (vendredi) mais on en a eu davantage ce soir », a raconté le fier papa.

Plus encore que les réactions partagées avec ses fils et ses coéquipiers après le but de la victoire, deux autres réactions de Kovalchuk sont plus révélatrices encore de sa valeur.

Des réactions qui dont mentir des propos par toujours élogieux qu’on a lus et entendus à l’endroit du «sauveur» du Canadien.

En fin de troisième, avec quelques secondes à jouer, Kovalchuk a reçu une passe de Max Domi en entrée de zone ennemie. Il a décoché un tir qui a raté la cible avant de fracasser son bâton dans la baie vitrée.

Je croyais initialement qu’il était en beau fusil parce que la passe avait mis du temps à arriver l’obligeant à précipiter son geste au lieu d’avoir le temps de foncer au filet. Quand je lui ai posé la question après le match, sa réponse est allée totalement dans un autre sens.

« Je n’avais pas le droit de rater la cible sur ce tir. Max venait de faire tout un jeu au centre de la patinoire. Vous avez vu comment il a été atteint au visage par la rondelle. Il n’a pas abandonné. Il a repris la rondelle et m’a donné une chance de marquer. Je n’ai pas su en profiter et je m’en voulais », a indiqué Kovalchuk.

L’autre réaction surprenante?

« Je suis bien sûr content d’avoir marqué le but gagnant, mais j’étais aussi en dette envers l’équipe, car j’étais sur la glace sur le but des Leafs en début de troisième. On s’est fait prendre en fond de territoire ce qui a permis à Toronto de profiter d’un surnombre. Je tenais à me reprendre », a indiqué Kovalchuk qui a cadré six des sept tirs dirigés sur la cage défendue par Jack Campbell. Son ancien coéquipier avec les Kings de Los Angeles qui est passé aux Leafs plus tôt cette semaine.

« J’ai eu de bonnes chances, mais il a eu le dessus jusqu’au dernier tir. Les Leafs ont effectué une très bonne acquisition. Ils viennent de mettre la main sur un gars qui travaille sans relâche. J’ai passé des heures et des heures à m’entraîner avec lui à Los Angeles. J’espère qu’on aura la chance de le croiser encore en séries », a poursuivi celui qui représente déjà un excellent investissement pour le Canadien puisqu’il affiche une récolte de 12 points en marge de son salaire de 700 000 $.

Les séries? Vraiment?

Quand Kovalchuk a mentionné les séries, les séries, les journalistes l’entourant lui ont fait remarquer qu’en plus de gagner du terrain aux dépens des Leafs, la victoire permettait aussi d’en gagner aux dépens des Panthers qui venaient de perdre aux mains des Penguins.

Mais est-ce suffisant pour raviver les espoirs d’atteindre les séries?

« On doit simplement continuer à pousser et à pousser encore. Nous devrons être bien meilleurs que nous l’avons été ce soir (0 en 2) et au cours des derniers matchs en avantages numériques. Notre gardien a encore été notre meilleur joueur ce soir. Jonathan Drouin est revenu au jeu ce soir. C’est une grosse amélioration pour nous. Ce n’était peut-être pas évident pour lui ce soir en raison de la durée prolongée de son absence (37 matchs) mais il volera sur la patinoire lundi – visite des Coyotes de l’Arizona – j’en suis convaincu. Je ne veux pas quantifier nos chances, mais je tiens certainement à ce que nous poussions toujours aussi fort. Et tant que nous pousserons, nous aurons des chances », a conclu le héros du match.

Quand Kovalchuk est débarqué à Montréal, je le trouvais très chanceux de pouvoir profiter des malheurs qui s’abattaient en cascade sur le Canadien pour relancer sa carrière.

Cinq semaines plus tard, force est d’admettre que c’est le Canadien qui est chanceux de pouvoir profiter de Kovalchuk et non le contraire.

Ce qui rendra la fin de saison encore plus intéressante.

Bon dimanche!