MONTRÉAL - Carey Price et ses coéquipiers du Canadien avaient retraité au vestiaire depuis un bon moment alors que leurs adversaires du Lightning célébraient toujours sur la patinoire du Centre Bell lorsqu’un collègue américain est passé derrière moi sur la galerie de presse en fredonnant les premières paroles du grand succès de Frank Sinatra : «My Way».

 

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas cette grande chanson, Sinatra l’amorce en lançant : «en maintenant, la fin est là, je fais face au rideau final…»

 

Sinatra chante la fin de la carrière d’un artiste et non la fin d’une finale de la coupe Stanley. Mais après avoir vu le Canadien s’écraser 6-3 dans un match qu’il se devait absolument de gagner, les mots «The End is Here», entendus sur la galerie de presse étaient lourds de sens.

 

«Je ne voulais pas manquer de respect au Canadien», que le collègue américain m’a assuré lorsque je suis allé le rejoindre pour lui demander ce qui l’avait poussé à imiter Sinatra alors que le son strident de la sirène annonçant la fin du match résonnait encore dans l’amphithéâtre. «Cette chanson m’a traversé l’esprit parce que ça fait plus d’un mois que je suis au Canada pour suivre les séries et que je commence à avoir hâte de rentrer à la maison. Je sens que ça s’en vient», qu’il a plaidé.

 

Je ne sais pas si la fin est aussi proche pour le Canadien que Sinatra le laisse entendre dans «My Way» et que la grande finale se terminera dès lundi par un balayage du Lightning, mais ce qui semble clair toutefois c’est que la logique favorisant Tampa Bay est en voie d’être respectée.

 

On avait déjà une bonne idée avant la première partie. On en a maintenant une meilleure après trois rencontres : le Lightning est simplement trop fort.

 

Le Canadien qui en plus d’avoir à faire contrepoids à un manque à gagner important en matière de talent brut donne l’impression d’être complètement à plat. Épuisé. Il semble même mal en point.

 

À commencer par Carey Price qui n’a tout simplement pas été à la hauteur vendredi soir.

 

Pas question de lapider le gardien de critiques. Sans lui, le Canadien aurait été balayé en quatre matchs par les Maple Leafs dès la première ronde des séries. Sans lui, le Tricolore n’aurait jamais atteint le carré d’as ; encore moins la grande finale.

 

Mais vendredi, il n’a pas donné à son équipe les arrêts dont elle avait besoin pour espérer battre le Lightning et éviter de se retrouver face à l’élimination.

 

Je dois admettre que la contre-performance de Price m’a beaucoup surpris.

 

Car tout au long de la présentation des joueurs, tout au long des deux hymnes nationaux, le gardien du Canadien semblait plus concentré que jamais. Debout à la ligne bleue, encadré par Eric Staal, Corey Perry et Joel Armia qui ont amorcé le match à l’attaque, par Jeff Petry et Joel Edmundson qui l’ont amorcé à la ligne bleue, Price fixait le but qu’il allait défendre avec une intensité rassurante pour le Canadien et ses partisans.

 

C’est du moins l’impression que cette intensité dégageait.

 

Erreurs coûteuses et bien trop nombreuses

 

Cette intensité s’est vite étiolée alors que Carey Price a mal paru sur quelques buts on en conviendra tous. Du moins je l’espère.

Mais sur le premier, Josh Anderson est responsable du fait que les «Bolts» ont pu maintenir de la pression aux dépens du trio de Kotkaniemi, de Jeff Petry et Jon Merrill qui ont dû éterniser une présence en raison d’un dégagement refusé. KK a fait sa job en gagnant la mise en jeu à la gauche de Price. Les défenseurs ont fait la leur en amorçant une relance. Mais Anderson a perdu la rondelle en sortie de zone permettant à Tampa de rester en zone ennemie avec la conséquence qu’on connaît.

 

Price aurait pu faire l’arrêt. Il aurait peut-être même dû stopper cette rondelle. Mais Anderson avait un jeu facile à effectuer pour éviter cette longue et coûteuse présence de Tampa.

 

Sur le deuxième but, Price s’est fait traverser par la rondelle sur un tir frappé de Victor Hedman pendant une attaque massive. Price n’avait pas la vue voilée. Une fois encore, il aurait pu et peut-être même dû effectuer l’arrêt.

 

Mais pourquoi diable Danault et Lehkonen sont demeurés si près du but au lieu de s’assurer de priver Hedman du temps et de l’espace dont il a pu profiter pour nettoyer la glace avec la lame de son bâton afin de donner plus de «ZIP» encore à son puissant tir frappé ?

 

Ce n’est pas en jouant aussi mal en défensive que les joueurs du Canadien ont aidé leur gardien à établir leur séquence histoire de 32 désavantages numériques consécutifs écoulés en séries éliminatoires sans accorder de but.

 

Tout juste 200 secondes après le début du match, c’était déjà 2-0 Tampa.

 

Malgré cet affreux début de match, le Canadien n’a pas baissé les bras. Il a même repris le contrôle de la période qu’il a ensuite largement dominée. Ce qui est tout à son honneur.

 

Avec un recul d’un petit but après 20 minutes, tous les espoirs étaient permis.

 

Mais ils se sont vite envolés alors que le Canadien a aussi mal amorcé la période médiane qu’il avait amorcé le match.

 

Un mauvais changement des défenseurs a ouvert la porte à une longue échappée au terme de laquelle Palat a eu la bonne idée de miser sur le talent de Nikita Kucherov et lui a remis la rondelle qu’il a poussée derrière Price.

 

Une très vilaine idée de Jeff Petry d’aller «pincher» en zone ennemie a ouvert la porte à un deux contre un orchestré par Mathieu Joseph qui a obtenu un bon tir sur Price avant que le retour ne se retrouve sur le bâton de Tyler Johnson.

 

Petry fait une gaffe en zone ennemie, mais il en commet une plus grande encore en revenant lentement dans son territoire. On peut pardonner à Corey Perry son arrivée en retard considérant son âge et le fait qu’il patine comme une tortue. Mais Petry ? Il patine comme le vent. Et après un aussi mauvais jeu en zone ennemie, il me semble que la moindre des choses aurait été de revenir le ventre à terre dans sa zone. Mais non ! Il est arrivé juste à temps pour être témoin du but.

 

Ah oui ! N’oublions pas la décision un brin douteuse d’Erik Gustafsson qui a bien fait son travail initial en demeurant entre Joseph et Johnson. Mais après l’arrêt de Price, il effectue un pivot vers sa gauche et se sort complètement du jeu laissant l’enclave toute grande ouverte pour Johnson.

 

Simonac !

 

Price supplanté par Vasilevskiy

 

Après avoir marqué deux fois lors des 207 premières secondes du match pour prendre les devants 2-0, le Lightning a marqué deux fois dans les 213 premières secondes de la période médiane pour s’offrir une avance de trois buts.

 

L’issue du match était scellée. Et celle de la grande finale pratiquement.

 

Vrai que le Canadien a marqué deux autres buts profitant d’un cadeau digne du Noël du campeur que Vasilevskiy a offert à Nick Suzuki. Vrai aussi qu’il a accordé un troisième but dans le match ce qui aurait normalement dû permettre au Canadien d’être dans le coup.

 

Mais bien que Vasilevskiy ait été plus faible sur le but qu’il a donné à Suzuki que Price sur tous les buts du Lightning, le meilleur gardien de la Ligue a fait ce que l’ancien meilleur gardien de la Ligue n’a pas été capable de faire.

 

Après chaque but qu’il a accordé, Vasilevskiy s’est dressé devant sa cage pour stopper le Canadien sur un, deux ou trois bonnes occasions de marquer.

 

C’est ce genre de performance qu’un gardien doit offrir à son équipe pour qu’elle arrive à soulever la coupe Stanley.

 

Donner un but c’est normal. Être victime d’un mauvais but ça arrive. Même aux meilleurs, comme on l’a vu sur le but de Suzuki. C’est là que le prochain arrêt devient crucial. Que les prochains arrêts font la différence entre la victoire et la défaite.

 

Vasilevskiy les a effectués.

 

Price non !

 

Bon : il en a effectué quelques-uns, mais pas assez. Pas assez pour racheter les erreurs commises devant lui. Pas assez pour gagner le match. Certainement pas assez pour permettre au Canadien de revenir dans la série. Ou d’au moins donner l’impression qu’il pourrait revenir.

 

À la ligne bleue, les Weber, Petry, Chiarot et Edmundson semblent au bout du rouleau. Ils ne sont plus l’ombre de ce qu’ils ont été dans le cadre de la remontée aux dépens des Leafs et des victoires convaincantes aux dépens des Jets et des Golden Knights. Jon Merrill et Erik Gustafsson – on lui a donné 16 minutes de temps d’utilisation vendredi – passent maintenant bien trop de temps sur la patinoire. Ce qui met en évidence leurs nombreuses lacunes.

 

Brett Kulak ne pourrait pas faire mieux ? Vraiment ?

 

Et je veux bien croire – car c’était évident – qu’Alexander Romanov amenait plus de négatif que de positif sur la patinoire en deuxième moitié de saison, mais ne serait-ce que pour lui permettre de profiter d’un peu d’expérience en séries, peut-être qu’il serait bien de prendre une chance avec lui d’ici la fin de la finale.

 

Surtout s’il ne reste qu’un match à disputer !

 

Les quatre trios sont un peu comme un moteur qui ne peut compter sur l’apport égal et soutenu de ses quatre cylindres. Au lieu de compter sur quatre pistons explosifs et efficaces à chaque présence même s’ils n’arrivent pas à marquer, le Canadien compte sur un piston qui donne le ton, un autre qui pousse de temps en temps et deux autres qui semblent figés dans leur culasse.

 

Mercredi soir, c’est le trio de Suzuki qui a donné le ton dans une cause perdante.

 

Vendredi c’est celui de Danault qui a été le plus efficace. Le problème, et il est de taille même si le centre québécois a marqué son premier but des séries, c’est que ce trio a aussi été le plus menaçant offensivement pour le Canadien.

 

Toffoli est perdu depuis le début de la finale. Au lieu d’aider et d’encadrer Suzuki et Caufield au sein d’un trio essentiel aux chances du Canadien, le vétéran ralentit les jeunes.

 

KK, Anderson et Byron sont très discrets. Trop !

 

Le quatrième trio offre ce qu’il peut offrir. Mais s’il a été bien meilleur que les quatrièmes trios qu’il a croisés au fil des trois premières rondes, il est supplanté en grande finale.

 

Comme le reste de l’équipe, il est vrai.

 

Je ne sais pas si la fin est proche comme le chante Frank Sinatra dans «My Way» et comme l’espère mon collègue qui a bien hâte de rentrer à la maison, mais ce qui est clair c’est que la façon dont Julien BriseBois a bâti son équipe et la façon dont Jon Cooper la fait jouer sont les bonnes façons à suivre pour gagner en saison et surtout pour gagner en séries.

 

La coupe Stanley soulevée l’automne dernier l’a prouvé et a surtout essuyé la tâche laissée par l’accident de parcours associé à l’élimination en quatre matchs et en première ronde d’il y a deux ans.

 

La coupe Stanley que le Lightning s’apprête à soulever pour une deuxième fois en moins d’un an ne fera que le confirmer.