MONTRÉAL - Vincent Lecavalier n’a jamais porté l’uniforme du Canadien de Montréal. En fait oui : il l’a fait en 2005 dans le cadre du film consacré au «Rocket» Maurice Richard alors qu’il endossait le chandail numéro 4 du grand Jean Béliveau.

 

Trois ans plus tard, il a raté son vrai rendez-vous avec le club de son enfance. Les négociations avec le Lightning avaient permis de conclure une transaction qui le faisait passer de Tampa à Montréal. Ce jour-là, un vendredi si je me souviens bien, à Boston, la veille d’un match face aux Bruins, j’avais appelé Guy Carbonneau qui était l’entraîneur-chef pour savoir si Lecavalier allait endosser le 44 – le 4 est retiré depuis toujours – le lendemain soir.

 

«Je ne sais pas s’il sera là, mais je peux t’assurer que j’ai une place pour lui au centre de mon premier trio», que Carbonneau m’avait répondu.

 

La transaction ne s’est jamais concrétisée. Vincent Lecavalier a expliqué hier qu’un différend entre les deux propriétaires du Lightning à l’époque – Len Barrie et Oren Koules – qui n’étaient pas d’accord a fait avorter la transaction. À l’époque, plusieurs observateurs assuraient aussi que les dirigeants de la LNH avaient imposé un veto afin d’assurer la vente du Lightning à Jeff Vinik. Une vente qui aurait été plus difficile à conclure sans la pierre d’assise de l’équipe à l’époque.

 

Quatorze ans plus tard, Lecavalier se joint finalement au Canadien. J’aurais préféré que ça se fasse à titre de joueur, bien sûr, mais à titre de conseiller spécial il aura l’occasion d’aider le club.

 

Plusieurs anciens du Canadien auraient pu obtenir le poste de Kent Hughes a offert à son premier et plus célèbre client. Ancien capitaine qui a gagné deux coupes Stanley de surcroît et ancien entraîneur-chef Guy Carbonneau aurait pu remplir ce rôle. Vincent Damphousse aussi. Sans oublier Stéphane Quintal qui avait d’ailleurs été rencontré dans le cadre de la quête d’un directeur général pour succéder à Marc Bergevin.

 

En préférant Lecavalier, en permettant à son nouveau conseiller spécial de garder pignon sur rue à Tampa Bay où il vit avec son épouse et leurs trois jeunes enfants, Kent Hughes a ouvert la porte à des critiques.

 

C’était prévisible.

 

Kent Hughes s’est associé à un proche ami, ont déploré plusieurs. Jeff Gorton s’est associé à un autre ami en nommant Nick Bobrov, un recruteur amateur européen depuis toujours, à tire de co-directeur du recrutement amateur, un rôle qu’il partagera avec Martin Lapointe dont l’avenir avec le Canadien demeure incertain, ont déploré d’autres.

 

Avec les années difficiles qui s’annoncent dans le cadre de la reconstruction qui s’amorce, Vincent Lecavalier et Martin St-Louis verront leurs visages placardés aux quatre coins de la ville et de la province afin de vendre une équipe qui peine à renouveler ses billets de saison. Qui peine à écouler ses billets de plus en plus disponibles...

 

Calmement, poliment, mais avec la même assurance qu’il affichait sur la patinoire, Vincent Lecavalier a composé avec ces critiques comme il composait avec ceux qui tentaient de lui compliquer la vie quand il était l’un des meilleurs joueurs de la LNH.

 

«Kent et moi sommes des amis depuis plus de 20 ans. C’est clair. Mais c’est justement parce qu’il me connaît, parce qu’il sait que je n’hésiterai jamais à lui donner mes points de vue même s’ils sont différents des siens, qu’il m’a offert ce job. Il sait qu’on va se challenger. Il sait que je vais prendre au sérieux tous les mandats qu’il va me donner. Je viens ici pour aider le Canadien de Montréal à devenir l’équipe que Kent veut bâtir. Être associé au Canadien c’était un «No Brainer». Ce n’est pas comme si j’avais envoyé mon c.v. à 30 équipes. J’ai répondu à une offre de Kent et je m’en viens aider le Canadien de Montréal», a assuré Lecavalier en reconnaissant que plusieurs anciens du Canadien auraient pu remplir ce rôle.

 

Le fait que Kent Hughes et Vincent Lecavalier soient des amis n’est pas un problème. Ça pourrait le devenir si les deux hommes se vautraient dans une complaisance qui nuirait à la relance du Tricolore. Mais avant de prétendre que ce sera le cas, il faudrait donner le temps aux deux hommes de prouver le contraire.

 

Quant aux prétentions que Lecavalier ne sera qu’un outil de marketing, son implication prouve le contraire.

 

Bien que le Canadien ait annoncé son embauche vendredi seulement, cela fait trois bonnes semaines que Lecavalier travaille. Il a suivi le Canadien. Il a analysé l’équipe. Sa façon de jouer. Quand est venu le temps des négociations entourant la transaction qui a envoyé Tyler Toffoli à Calgary, Lecavalier a épié le jeu d’Emil Heineman pour donner son feu vert.

 

En se donnant comme il le fait à un nouveau rôle qui semble le ravir, Vincent Lecavalier donne clairement l’indication qu’il sera bien plus qu’un outil de marketing.

 

Comme tous les hommes et femmes de hockey, il voyagera. Et il devrait voyager beaucoup. Il ira épier des joueurs sur place. Il fera beaucoup de vidéo aussi. Et bien sûr, il viendra à Montréal. Combien de fois par année ? Ce n’est pas clair. Du moins pas encore.

 

«C’est clair que vous allez me voir à Montréal régulièrement. Je veux être près de l’équipe parce que je veux connaître les joueurs. Quand Martin – St-Louis – me demandera de parler à un joueur, je veux être sûr de les connaître et qu’ils me connaissent. Ça aidera. Je pourrais aller rejoindre le club sur la route aussi. Je vais faire un tas de choses. Je vais relever tous les mandats qu’on me donnera. Que ce soit pour préparer une transaction, pour préparer le marché des joueurs autonomes, pour parler directement à des joueurs, je veux et je vais aider le Canadien», que Lecavalier a assuré plus d’une fois.

 

Avec sa réputation, son statut de joueur franchise du Lightning, d’ancienne grande vedette de la LNH, de gagnant de la coupe Stanley, de gagnant du trophée Maurice Richard, Vincent Lecavalier pourra aussi aider le Canadien à convaincre des joueurs de premier plan à considérer Montréal comme destination pour poursuivre leur carrière.

 

Dans cette quête, Vincent Lecavalier utilisera son meilleur outil de vente : Martin St-Louis. Un coach en qui il affiche une entière confiance. Presque de l’admiration

 

«Je ne veux pas mettre plus de pression sur lui qu’il en a déjà, mais Martin sera un grand coach. J’ai toujours su que Martin voulait diriger dans la LNH. C’est un grand communicateur. C’est une très bonne tête de hockey. Il connaît la game dans tous ses aspects. Je pourrais dire à un attaquant vedette qu’à Montréal, il serait dirigé par le meilleur coach possible. Par un gars qui le comprendrait et qui l’aiderait à réussir parce qu’il a lui-même été une grande vedette offensive. Il pourrait aussi aider les gars plus défensifs parce qu’il était solide dans les deux sens de la patinoire», que Lecavalier a indiqué avant d’ajouter que l’impact positif de l’arrivée de St-Louis est déjà évident à ses yeux.

 

«Ça fait trois semaines que je regarde le Canadien. Le club a changé depuis que Martin est là. Regardez Caufield aller : lui et les autres pensent moins, ils agissent. Ils jouent comme ils devraient jouer et les qualités sortent. On sent que les gars sont à l’écoute. Qu’ils comprennent et mettent en pratique son plan. Et ça va aller en s’améliorant», que Lecavalier a conclu.

 

À défaut d’avoir pu les voir jouer dans l’uniforme du Canadien, les partisans du Tricolore peuvent maintenant compter sur Martin St-Louis et Vincent Lecavalier.

 

Est-ce qu’ils aideront Kent Hughes à solutionner tous les problèmes ?

 

Le temps le dira. Mais d’ici à ce qu’on ait eu assez de temps pour établir s’ils sont sur la bonne voie ou qu’ils foncent tout droit vers un cul-de-sac, il me semble qu’ils méritent qu’on leur donne le temps de faire leurs preuves.

« J'ai pu donner mon avis sur Emil Heineman »
« Je vais pouvoir aider dans tous les départements »
« Je vais pouvoir challenger Kent »
Lecavalier et Bobrov : encore des liens serrés avec Hughes