Quand un pari devient une belle histoire
Canadiens jeudi, 16 janv. 2020. 23:13 lundi, 25 nov. 2024. 10:39
Les traits tirés en raison des défaites qui s’accumulaient, les yeux fatigués, les cheveux en bataille, vêtu d’un simple chandail en coton ouaté aux couleurs du Canadien, Marc Bergevin marchait sur des œufs lorsqu’il a annoncé la mise sous contrat d’Ilya Kovalchuk.
Conscient que plusieurs qualifieraient cette embauche de geste de panique, d’une preuve supplémentaire que le Canadien manquait cruellement de talent et de profondeur, Bergevin a plusieurs fois répété qu’il ne risquait rien de rien en lançant un S.O.S. à un vieux de 36 ans que les Kings de Los Angeles ont expulsé de leur organisation en paria après qu’ils eurent décidé de racheter son contrat parce qu’il valait mieux le payer à ne rien faire que de le garder au sein de leur équipe.
Un peu plus et le directeur général s’excusait.
Avec les deux buts qu’il a enfilés jeudi, Ilya Kovalchuk continue de donner raison au Canadien de lui avoir tendu la main.
Avec ses trois buts et sept points récoltés en sept matchs, Kovalchuk représente déjà un très bon coup pour Bergevin. Une autre très belle prise.
Combien de temps cela durera? Personne ne le sait.
Mais si ça continue ne serait-ce qu’un peu, Bergevin n’aura plus à s’excuser. Au contraire. Il pourra même se bomber le torse et, qui sait, profiter du dernier droit menant à la date limite des transactions pour tirer un beau profit – un choix de troisième ronde, disons – sur un investissement (700 000 $ par année au prorata du nombre de matchs disputés) minime... dans les paramètres de la LNH d’aujourd’hui.
Kovalchuk joue 100 fois mieux qu’il jouait à Los Angeles. Le simple fait qu’il joue représente une grande amélioration.
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Il joue mieux qu’il jouait dans la KHL où il a décidé de jouer après avoir fait faux bond à la LNH et tourné le dos au contrat de 100 millions $ qu’il avait signé avec les Devils.
Aux dires de Mario Tremblay qui a dirigé Kovalchuk au New Jersey alors qu’il était l’adjoint de Jacques Lemaire, le Kovalchuk qui endosse l’uniforme du Canadien est, à 36 ans, meilleur que celui, beaucoup plus jeune, qui évoluait sous ses yeux avec les Devils. Et le Bleuet assure que ce n’est pas une figure de style liée à son sens du spectacle et des envolées propre aux gens du Lac!
Kovalchuk est vraiment impressionnant depuis son arrivée à Montréal. S’il a simplement sauté sur une rondelle libre pour donner les devants 2-1 au Canadien jeudi – encore fallait-il avoir l’instinct afin d’être au bon endroit au bon moment – Kovalchuk a démontré sur son deuxième but qu’il est encore capable de dégainer comme il le faisait lors de son premier séjour dans la LNH.
Un gars peut perdre de la vitesse avec l’âge, il peut perdre un peu de force, un brin de résistance aussi. Remarquez que Kovalchuk ne semble avoir rien perdu si l’on se fie aux sept matchs qu’il a disputés jusqu’ici avec le Canadien.
Mais l’art de tirer des poignets ça ne se perd pas. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Et Kovalchuk l’a encore. Il maîtrise encore cet art comme il l’a démontré jeudi à Philadelphie. Comme il l’a aussi démontré samedi dernier, en prolongation, à Ottawa pour permettre au Canadien de battre les Sénateurs et surtout stopper à huit une série de revers qui s’éternisait.
Comme plusieurs, je doutais des chances de Kovalchuk de réussir à Montréal alors qu’il avait échoué lamentablement à Los Angeles.
Comme plusieurs, je croyais qu’au-delà son âge qui l’empêcherait de suivre le rythme de la LNH d’aujourd’hui, son style échevelé, ses lacunes défensives, son incapacité à respecter des plans de match rendrait impossible toute cohabitation avec Claude Julien.
Comme plusieurs, je me suis trompé.
Kovalchuk suit le rythme. Il semble même l’apprécier. Et bien que Claude Julien soit un entraîneur-chef qui impose des contraintes défensives, le coach du Canadien s’est assuré de placer son « sauveur » dans des conditions optimales pour lui permettre de réussir.
Et pour l’instant ça marche. Ça marche très bien. Et tout ça donne une très belle histoire à laquelle s’ajoute un nouveau chapitre à tous les matchs.
D’autres performances rassurantes
Au-delà les deux buts marqués par Kovalchuk, la victoire de jeudi aux dépens des Flyers a permis de confirmer quelques points importants chez le Canadien.
Le premier : Claude Julien a encore un ascendant positif sur ses joueurs. Un brin frustré, deux brins choqué et trois brins déçu après la performance gênante de son équipe, mercredi, au Centre Bell, face aux Blackhawks de Chicago, le coach a fustigé ses joueurs lors du point de presse qui a suivi la défaite. C’est toujours dangereux pour un coach de faire une telle sortie, car elle peut être suivie par un abandon complet de la troupe.
Ce n’est pas arrivé jeudi.
Au contraire, le Canadien a offert une solide performance. Il a travaillé beaucoup plus et surtout beaucoup mieux dans le deuxième volet d’une séquence de deux matchs en deux soirs que lors du premier.
Premier à se pointer du doigt après le revers contre Chicago, Ilya Kovalchuk a donné l’exemple. « Je viens de disputer mon pire match avec le Canadien. Je n’ai pas bien joué. Notre performance est inexcusable. Le match de demain devient crucial. Nous devrons prendre les moyens pour le gagner », avait lancé Kovalchuk dans le vestiaire mercredi.
Il ne s’est pas contenté de paroles. Il a aussi agi. Il a donné l’exemple avec ses compagnons du premier trio, Phillip Danault et Tomas Tatar qui ont donné le ton eux aussi.
Cloué au banc après une pénalité stupide, Max Domi a été muté à la gauche de Nick Suzuki jeudi.
Je ne suis pas certain qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire.
En fait, le jeune est tellement brillant sur la patinoire, il est tellement déjà un meilleur centre que Domi ne l’est, qu’il mérite pleinement cette promotion. Peut-être que les «événements» de mercredi ont simplement permis à Claude Julien de procéder à un changement qui devait arriver tôt ou tard.
Cela dit, le match d’hier a permis de constater qu’en dépit les défaites, les blessures et les déceptions associées à une saison qui est loin de donner les résultats que plusieurs attendaient, Claude Julien a encore le plein contrôle de son équipe.
Peut-être que ceux et celles qui se plaisent à critiquer ses moindres décisions et à réclamer qu’il soit congédié chaque fois qu’il impose une stratégie qui leur déplaît devraient le laisser « coacher »!
Carey Price dans tout ça?
Si Claude Julien est encore très capable non seulement de « coacher », mais de bien « coacher » je crois qu’il est facile d’aller dans le même sens avec le gardien mal aimé. Price est non seulement encore capable de « goaler », mais il est encore très capable de très bien « goaler ».
Comme la performance de Kovalchuk et du premier trio, comme la performance de Suzuki, celle de Lehkonen, celle de Poehling qui affiche toujours autant d’énergie sur la patinoire, comme la performance de KK qui a jeté les gants pour venir à la rescousse d’un coéquipier épinglé par derrière dans la bande, comme la performance de Claude Julien derrière, la sortie de Carey Price a de quoi rassurer.
Du plaisir pour tout le monde
Le Canadien a donc fait plaisir à tout le monde jeudi soir à Philadelphie. Bon! Peut-être pas à tout le monde, mais à beaucoup de monde...
Il a fait plaisir à un lot de partisans qui s’accrochent aux minces chances de leurs favoris de se faufiler en séries en signant une victoire de 4-1 aux dépens des Flyers.
Il a aussi fait plaisir à un autre lot de partisans qui ont déjà fait une croix sur les séries afin de profiter le mieux possible du prochain repêchage. Car en dépit la victoire, le Canadien n’a pas amélioré sa position au classement, ou si peu, puisqu’à l’exception des Flyers qu’il a battus, tous les autres rivaux ont gagné eux aussi ou à tout le moins ajouté un point dans le cadre de défaites encaissées au-delà les 60 minutes de temps réglementaire.
Le Canadien accuse donc un retard de huit points sur les Maple Leafs au troisième rang de la division atlantique. Toronto a un match en mains.
Le Canadien accuse aussi un retard de sept points sur les Hurricanes, les Blues Jackets et les Flyers. La Caroline (avec deux matchs en mains) et Columbus (avec un match en mains) détiennent les deux places réservées aux équipes repêchées.
Philadelphie (56 points en 48 matchs) domine le groupe de cinq clubs qui tentent de rejoindre et dépasser Caroline et Columbus. Le Canadien (49 points en 49 matchs) ferme la marche. Entre les Flyers et le Tricolore, on retrouve les Panthers (55 points en 46 matchs), les Sabres (51 points en 48 matchs) et les Rangers (50 points en 46 matchs).
Pas besoin d’être maître en mathématique ou dans l’art de lire dans les feuilles de thé pour comprendre que les chances du Canadien de se hisser en séries demeurent minces, voire presque nulles.
Mais la victoire aux dépens des Flyers a fait du bien. Car même si le Canadien tire de la patte dans la course aux séries et qu’il se retrouve officiellement largué dans une, deux ou trois semaines, le Tricolore aura besoin de victoires comme celle signée à Philadelphie.
Il aura besoin de gagner de temps en temps pour jouer les trouble-fête afin de permettre aux vétérans de sauver la face, mais surtout de donner la chance aux jeunes de vraiment tirer profit d’une autre saison difficile.
On dit qu’il est nécessaire de perdre pour apprendre à gagner. Pour apprendre ce qu’il est nécessaire de donner afin de gagner.
Je veux bien.
Mais il faut aussi gagner de temps en temps ne serait-ce que pour savourer la victoire et développer l’envie et ensuite le besoin d’y goûter plus souvent. D’y goûter régulièrement.
En bref
- Tomas Tatar a permis au Canadien de niveler les chances en fin de première période. C’était la 7e fois sur ses 17 buts, que Tatar permettait à son équipe de niveler les chances dans un match...
- Tatar a marqué le premier but du Tricolore 18 secondes seulement après que les Flyers eurent pris les devants. C’était la 10e fois cette année que le Canadien répliquait en moins de 60 secondes à un but de l’adversaire. Tatar a enfilé deux de ces dix buts...
- Le Canadien a ajouté sept autres buts en guise de répliques servies moins de deux minutes après un but de l’adversaire. Tatar a aussi enfilé quatre de ces sept buts...
- Ilya Kovalchuk et Artturi Lehkonen ont marqué deux buts en 11 secondes dès le début de la période médiane jeudi. C’était la 20e fois en 16 matchs jusqu’ici cette saison que le Canadien enfilait deux buts en moins de cinq minutes. Sa fiche lors de ces 16 parties : 13 victoires et trois revers, dont un en prolongation...
- Limité à deux petits buts en 29 occasions depuis le 31 décembre (6,9 %) – la pire moyenne de la LNH – le Canadien a marqué une fois en trois attaques massives jeudi à Philadelphie. Il en revendique donc trois en 32 occasions. Ce n’est pas une grande amélioration (9,4 %), mais c’est une amélioration quand même...
- Le Canadien croisera Max Pacioretty et les Golden Knights samedi au Centre Bell dans le cadre du dernier match précédent sa pause de 10 jours associée au Match des étoiles...
- Je manquerai à l’appel pour cette partie alors que je précéderai les joueurs du Canadien qui décideront d’aller profiter du soleil pendant cette pause. On reconnecte le 27 janvier...