MONTRÉAL – Lorsque Serge Savard portait fièrement l’uniforme du Canadien, personne n’aimait perdre et ce principe s’appliquait aussi aux matchs préparatoires. Près de 35 ans après sa retraite de joueur, il demeure conséquent et il reconnaît que le rendement actuel du Canadien l’inquiète.

Jusqu’à présent, le Tricolore a encaissé cinq revers en autant de sorties et il s’est contenté d’une récolte de sept buts.

« Si on est dans l’organisation, on va dire "inquiétez-vous pas, la saison n’est pas commencée encore". Mais c’est inquiétant. À notre époque, on détestait perdre des matchs même avant la saison. Tu ne veux pas avoir l’habitude de perdre », a-t-il commenté avec sa franchise habituelle.

Savard reconnaît que durant les temps difficiles, plus souvent qu’autrement, la première décision demeure de limoger l’entraîneur. Étant donné que ce geste a déjà été posé avec le renvoi de Michel Therrien, il sera intéressant d’assister aux prochaines décisions du directeur général Marc Bergevin.

« Il faut établir un plan et le suivre, mais tu dois faire des changements quand ça ne fonctionne pas. Je ne suis plus là pour prendre ces décisions, mais on vit des périodes assez difficiles », s’est limité à dire Savard à ce sujet.

Le manque de production offensive demeure l’un des problèmes du Tricolore. En fait, ce mal frappe toute la Ligue nationale de hockey alors que les buts sont moins nombreux depuis quelques années.

Savard en est venu à regretter un changement dont il avait été l’un des instigateurs. Il avait proposé l’abolition de la ligne rouge pour favoriser l’attaque puisque les joueurs étaient plus gros et plus rapides qu’à son époque. Malgré l’opposition de certains dirigeants comme Harry Sinden, des Bruins de Boston, cette modification a finalement été adoptée quelques années plus tard.

« Je pensais que ça donnerait plus d’espace. Maintenant, le jeu le plus populaire est celui de poster un joueur près de la ligne bleue adverse pour faire dévier une longue remise dans le but d’envoyer la rondelle à l’autre bout... », a déploré Savard.

« Je ne sais pas ce que Wayne Gretzky ou Jean Béliveau feraient dans ce contexte. On ne laisse pas beaucoup de place aux fabricants de jeux qui transportent la rondelle », a-t-il ajouté.

Une génération qui poussait plus loin

Celui qu’on surnomme le Sénateur a été rencontré dans le cadre du lancement de l’autobiographie de Bertrand Raymond, 50 ans parmi les géants : le carnet de mes souvenirs

« 38 chapitres, 38 histoires différentes »

Savard avait déjà quelques saisons dans la LNH derrière sa cravate quand Raymond a fait son apparition à la couverture du Canadien. Il ne cache pas que cette « nouvelle » génération de journalistes avait un peu bousculé les habitudes des joueurs.

« Bertrand, pour moi, c’était un peu l’après Jacques Beauchamp. C’était la nouvelle génération qui arrivait. Ça ne faisait pas toujours notre affaire parce que ces journalistes écrivaient des choses que leurs prédécesseurs évitaient. Même dans les saisons durant lesquelles on avait perdu huit, dix et douze matchs, on retenait de leurs articles qu’il y avait des choses qui ne fonctionnaient pas. Nos victoires, ce n’était pas très vendeur, il fallait parler des chicanes comme du fait qu’un joueur ne s’entendait pas avec l’entraîneur. Au début, on avait de la misère à comprendre ça », a-t-il raconté.

Au moment de faire le saut avec le Canadien, Savard se rappelle que seulement quatre journalistes suivaient les activités quotidiennes du club. Au fil du temps, ce chiffre s’est multiplié sans cesse, mais les informations sont encore plus difficiles à obtenir au sujet du CH.

« Je pense qu’on a peur d’avoir peur. Je regarde les choses à distance, mais même s’il y a 100 fois plus de médias, je ne suis pas certain que la nouvelle est meilleure qu’auparavant. Les histoires des blessures au haut du corps et au bas du corps, c’est presque rire du monde. Dans notre temps, on ne pouvait pas cacher les blessures, les journalistes entraient rapidement dans le vestiaire et ils avaient tout de suite la réponse », a exprimé l’homme de 71 ans.

Vivre avec la critique

Signe du respect qu’il a gagné durant sa carrière, Raymond a attiré plusieurs personnalités pour cet événement. Plusieurs anciens joueurs du Canadien étaient du lot, dont Réjean Houle qui n’a pas évité les critiques du chroniqueur quand il a succédé à Savard comme DG.

« Il faut apprendre à vivre dans le milieu dans lequel tu travailles. Si personne ne parlait du Canadien et que l’indifférence primait, cette organisation ne serait pas ce qu’elle est », a compris Houle.

L’ancien ailier du Canadien a fait la connaissance de Raymond quand celui-ci a couvert les Voyageurs de Montréal, le club-école dans la Ligue américaine, à sa première année dans la métropole.

« On a fait beaucoup d’autobus ensemble! C’est un homme intense, méticuleux et très informé et curieux. Il va au fond des choses, il gratte pour savoir. Ce n’est pas toujours plaisant pour la personne concernée, mais c’est un grand journaliste. Il a marqué son époque.

« Ça arrivait qu’on s’ouvrait à lui parce qu’il avait gagné notre confiance. Jamais il ne nous trahissait. Oui, il y a eu des critiques à travers ça, mais ce sont des critiques méritées. On a fait des bons coups et des erreurs », a déclaré l’homme originaire de Rouyn-Noranda.

Respecté dans tous les milieux

Raymond ne s’est pas intéressé uniquement au Canadien, il a consacré plusieurs chroniques à des athlètes et des histoires d’exception. L’ancien boxeur Éric Lucas fait partie de ce groupe. Son ascension invraisemblable et la maladie qui a touché sa fille ont incité Raymond à écrire sur lui plus d’une fois.

« C’est l’un des seuls journalistes auxquels on a parlé. Il pouvait donner un peu de nouvelles aux gens. La raison est bien simple, c’est un homme juste qui écrit ce qu’on dit. Il est tellement humain que c’est le seul journaliste auquel ma femme a accordé une entrevue officielle parce qu’elle avait confiance en lui. C’est un journaliste que j’ai beaucoup aimé lire », a exprimé Lucas qui semblait en excellente forme physique.