Une seule certitude : l’incertitude
Canadiens samedi, 24 juin 2017. 15:55 samedi, 23 nov. 2024. 05:25CHICAGO - Ce qui me renverse le plus chaque fois que je quitte la séance annuelle du repêchage de la LNH, c’est cette façon qu’ont les équipes de célébrer leurs sélections comme si ces espoirs les assuraient d’une conquête de la coupe Stanley.
C’est pire cette année.
Car après avoir entendu au cours des 12 derniers mois à quel point la cuvée 2017 serait moche, je me disais que les 31 clubs se garderaient une petite gêne. Qu’ils ne quitteraient pas le United Center en défilant les commentaires habituels selon lesquels ils sont ravis par leurs sélections, qu’ils ne croyaient jamais que tel jeune ici, tel espoir là-bas seraient encore disponibles et que certains de ces joueurs représenteront à coup sûr des vols ou des trésors… parfois même les deux à la fois.
Eh bien non.
À lire également
Malgré la prudence affichée depuis un an, les 31 clubs sont partis de Chicago les mains pleines. C’est du moins leurs prétentions. À écouter les directeurs généraux et leurs responsables du recrutement qui défilaient devant les journalistes, le repêchage de 2017 est rempli de surprises. Des surprises agréables bien sûr.
Remarquez que je les comprends un peu. Après avoir dépensé des fortunes en argent et en temps passé à voyager pour aller épier tous ces jeunes, les directeurs généraux et leurs recruteurs auraient été bien mal venus de dire qu’ils rentraient à la maison bredouille et que tous ces dollars et ces heures entraient dans la colonne des dollars et heures gaspillés plutôt que dans celle des investissements qui rapporteront de gros dividendes.
Mais quand même...
Pendant que des dizaines d’employés dégageaient le plancher du United Center des tables, chaises et tapis qui couvraient la surface de béton sur laquelle — une fois couverte de glace bien sûr — les Jonathan Toews, Patrick Kane donnent un show 41 fois par saison et gagnent plus de matchs qu’ils en perdent, je regardais le grand tableau sur lequel étaient inscrits les noms des 31 premiers joueurs choisis vendredi matin en me disant que la seule certitude que le repêchage 2017 me laissait était l’incertitude qu’un tel exercice laisse annuellement.
De Nico Hischier, le Suisse auquel les Devils du New Jersey ont réservé l’honneur de la toute première sélection cette année, du jeune défenseur William Reilly que les Penguins de Pittsburgh ont sélection au 217e rang pour clore la séance de cette année, on relèvera au cours des prochaines années plusieurs surprises, mais plus encore de déception.
Lesquelles? Vos projections sont aussi bonnes que les miennes. Peut-être meilleures même si vous suivez les activités des joueurs des rangs juniors de près alors que je n’ai plus le temps de le faire.
Le temps tranchera
Le grand égalisateur, le seul baromètre qui donnera les indications justes pour faire le tri entre les surprises et les déceptions est le temps. Oui, bien sûr, les capacités de certaines organisations à mieux développer le talent que certaines autres, aideront également. Mais c’est le temps qui nous dira si les 31 clubs de la LNH avaient raison de quitter Chicago avec la certitude d’avoir fait banco... ou non.
Dans cinq ans, j’ai hâte de voir combien de joueurs de cette cuvée timide auront fait le saut dans la LNH et s’y seront installés.
Peut-être qu’il y en aura autant que lors des années fastes. Peut-être pas. On verra.
Grand manitou du repêchage du Canadien de Montréal, Trevor Timmins faisait partie des recruteurs satisfaits, souriants, ravis des deux dernières journées de travail.
Pourquoi être aussi ravi?
« Parce que nous avons comblé des besoins que nous avons identifiés avec des joueurs que nous aimions et que nous voulions. Avec des gars de qualité », a répondu avec confiance Timmins.
Il me semble t’avoir entendu dire les mêmes choses l’an dernier, l’autre avant et les autres aussi? Avec des résultats assez mitigés puisque le Canadien tire beaucoup de la patte lorsqu’on comptabilise le nombre de matchs que ses espoirs ont disputé dans la LNH après leurs sélections par Timmins et ses recruteurs.
« Je suis confiant aujourd’hui parce qu’on a pris des jeunes qui sont en plein développement. La cuvée 2017 ne regorge pas de joueurs exceptionnels. Il n’y a pas de Sidney Crosby, de Connor McDavid, de Patrick Laine. Mais je suis convaincu que le Canadien de Montréal et les autres formations ont mis la main sur des gars qui seront des joueurs de qualité dans la LNH sans être des grades vedettes. Et ces joueurs sont importants. »
Sept choix chanceux...
Sans la moindre surprise, Trevor Timmins est très heureux de tous les joueurs que son équipe a réclamés en fin de semaine.
Grand bien lui fasse.
Il aime Ryan Poehling, le joueur de centre américain que le Canadien a sélectionné avec la 25e sélection en première ronde vendredi soir.
Il aime autant, peut-être même plus, Joni Ikonen, un autre centre, Finlandais celui-là, que le Canadien a obtenu avec sa deuxième sélection (58e au total) en deuxième ronde.
S’il l’aimait autant, pourquoi ne pas l’avoir repêché avant?
« On dresse une liste sur laquelle on retrouve tous les joueurs disponibles. On dresse aussi une liste des joueurs qui nous plaisent davantage. Des gars à qui on tient. Et quand je regarde nos sept sélections en fin de semaine, je vois sept noms auxquels on tenait beaucoup. Pourquoi je suis si heureux d’avoir Ikonen même si je l’ai pris avec mon troisième choix? C’est parce que j’avais très peur qu’il ne soit plus là au moment où je parlerais. Les autres équipes sont à la recherche des mêmes trésors que nous recherchons. Personne ne se fait de cadeau. Mais de Poehling à Jarret Tyszka – un défenseur américain que le Canadien a repêché avec sa 149e sélection –, nos gars sélectionnés étaient sur la première page de notre liste personnelle. C’est rare que tu termines le repêchage en ayant obtenu les gars qui étaient sur la première page (de trois) des choix auxquels tu tiens vraiment », m’a expliqué Trevor Timmins après son point de presse.
Ça veut donc dire que Josh Brook (défenseur, 56e sélection), Scott Walford (défenseur, 68e sélection) et Cale Fleury (défenseur, 87e sélection) sont aussi des joueurs à qui le Canadien et Trevor Timmins plus spécifiquement tiennent vraiment.
Timmins était particulièrement content d’avoir mis la main sur Cayden Primeau, un gardien grand format que le Tricolore a acquis après avoir échangé son choix de septième ronde l’an prochain pour obtenir l’un de ceux des Flyers en dernière ronde samedi.
« Je voulais ce gardien et je ne pouvais concevoir qu’il soit encore disponible si loin dans le repêchage. J’ai donc demandé une transaction pour l’obtenir. Le plus beau de l’affaire, c’est que tous les recruteurs autour de la table avaient eux aussi des gars auxquels ils tenaient vraiment, mais nous avons dû faire un choix. »
Prudence partisans du Canadien, le fait que les dépisteurs de votre club avaient autant de « trésors » à rapatrier à Montréal avec le choix de 7e ronde ne veut pas dire que le fils de Keith Primeau aura une carrière aussi flamboyante que celle de son père qui était fier — et c’est normal — comme un paon samedi.
Car si c’était le cas, les Flyers de Philadelphie n’auraient pas cédé leur choix. Ils l’auraient gardé, au lieu de se dire « je ne peux pas croire que Montréal a gaspillé un choix de septième ronde comme ça...»
Qui du Canadien ou des Flyers aura raison?
On le saura dans cinq ans.
D’ici là, l’incertitude primera.
Aucun Québécois… encore
La seule certitude qu’on peut tirer du repêchage de 2017 du Canadien, c’est qu’il ne compte aucun Québécois.
Même que pour la première fois de son histoire et de celle du repêchage comme on le connaît aujourd’hui, le Canadien a tourné le dos au Québec pour une deuxième année de suite.
Je suis sévère un brin ou deux, car il serait malhonnête – même si ce courant de pensée est très populaire du côté des amateurs et partisans du Canadien – de dire que le Canadien boude le Québec.
Maxime Comtois, premier Québécois repêché, et Zachary Lauzon, deuxième, ont été choisis aux 50e et 51e rangs par Anaheim et Pittsburgh alors que le Canadien parlait aux 56e (Josh Brook) et 58e rangs (Joni Ikonen).
Bon, le Canadien aurait pu tenter de s’avancer en complétant une transaction. Ce qu’il aurait sans doute fait s’il avait préféré Comtois et/ou Lauzon à ses autres joueurs.
Il aurait aussi pu se tourner vers Antoine Morand que les Ducks ont repêché avec leur 60e sélection pour compléter le duo Comtois-Morand.
Le Canadien ne l’a pas fait. « On a essayé de bouger, mais ça n’a pas fonctionné », que Trevor Timmins a assuré.
Nous sommes condamnés à le croire sur parole.
Cela dit, personne ne demande au Canadien de sélectionner des espoirs moins intéressants à ses yeux parce qu’ils sont du Québec.
Mais il est normal d’exiger du Canadien qu’il apporte une attention particulière à ces joueurs de chez nous.
Si les recruteurs québécois des Ducks ont convaincu leur état-major du bien-fondé de miser sur la combinaison Comtois-Morand en deuxième ronde, il sera normal de suivre l’évolution de ces deux joueurs et des deux autres que le Canadien a préférés afin de dresser des comparaisons dans quelques années.
Cela dit, avec 14 joueurs de la LHJMQ repêchés cette année dont seulement 9 sont Québécois, on ne peut pas dire que la manne était abondante et que le Canadien est allé à contre-courant.
Mais ça titille quand même un peu.
Trevor Timmins semblait tellement heureux de ses sélections qu’on va lui donner l’occasion de nous prouver qu’il a eu raison. L’ennui, c’est qu’il faudra patienter trois, quatre, voire cinq ans avant d’avoir les bilans qui permettront de conclure.
Est-ce que les partisans du Canadien auront la patience de se rendre jusque-là?