Difficile à encaisser pour les joueurs de l'ECHL
Hockey mardi, 17 mars 2020. 08:00 dimanche, 24 nov. 2024. 03:49MONTRÉAL – Ça ne s’est passé dans la panique, mais il n’y avait pas de temps à perdre. En raison de la crise provoquée par la COVID-19, Jérémy Ouellet-Beaudry, Marc-Olivier Duquette et Alex D’Orio devaient se dépêcher de quitter leurs coéquipiers des Nailers de Wheeling, de l’ECHL, pour revenir en sol québécois.
La crainte de la fermeture de la frontière avec le Canada a incité l’organisation à accélérer le départ de ses joueurs canadiens.
Les joueurs de ce circuit sentaient déjà que la fin s’en venait et la confirmation est arrivée samedi quand l’ECHL a annoncé l’annulation du dernier droit de la saison et des séries éliminatoires. Dimanche, Ouellet-Beaudry et ses partenaires apprenaient que la journée de lundi servirait de bilan et de tests médicaux, mais la situation a évolué de nouveau.
« Ce matin (lundi), en se levant, on a reçu un autre message de notre entraîneur disant que les joueurs canadiens passeraient cette étape avant les autres pour qu’on puisse partir le plus vite possible. On ne savait pas à ce moment si les douanes allaient être fermées pour nous », a raconté Ouellet-Beaudry, au RDS.ca, à peine 15 minutes après avoir quitté la Virginie-Occidentale.
« Toute la journée, il a fallu faire nos bagages assez rapidement. On a rencontré les médecins et ils ont fait l’examen des blessures, ils ont vérifié notre fièvre pour être certain qu’on ne soit pas en danger d’avoir le virus pour l’instant », a ajouté le défenseur de 26 ans qui a apprécié la vigilance témoignée par l’équipe.
Pour ce trajet de 13 à 14 heures vers le Québec, on ne parle pas d’un déménagement de luxe avec les grands moyens.
« On est les trois petits Québécois qui se suivent en auto jusqu’au Canada. Disons que là, dans mon char, il n’y a plus bien bien d’espace. Je suis avec ma fiancée et son petit chien. On a pas mal de bagage, on est un peu pognés dans l’auto », a décrit en riant celui qui ne voulait rien laisser derrière avec lui avec l’incertitude qui plane.
Ouellet-Beaudry préfère en rire, mais ça démontre que le circuit ECHL porte malheureusement le chapeau de parent pauvre des ligues professionnelles de hockey. Ça se ressent encore plus récemment puisque Ouellet-Beaudry est plongé dans une incertitude financière comme de nombreux coéquipiers et adversaires.
Alors que le contexte salarial des joueurs de la Ligue nationale de hockey et de la Ligue américaine de hockey est nettement plus avantageux – même s’il s’agit de planètes totalement différentes – les patineurs de l’ECHL ne disposeront pas de la même sécurité économique. En effet, ils n’auront pas le luxe d’être payés contrairement aux joueurs de la LNH et la LAH.
« C’est encore dur à encaisser. Du même coup, on a perdu notre source de revenus. Ils ont décidé de ne pas nous payer jusqu’à la fin de la saison. On perd près d’un mois de paiements pour cette raison. En même temps, on doit réaliser qu’on n’est pas les seuls à vivre ça. C’est une situation mondiale, c’est plus gros que le hockey. L’important, c’est d’être en sécurité et d’y aller un jour à la fois », a dévoilé celui qui évolue pour sa cinquième équipe ECHL.
Se croiser les doigts pour ne pas perdre son 2e emploi
On comprend mieux son incertitude quand on sait que le salaire minimum de l’ECHL dépasse à peine les 10 000$ US. En tant que vétéran avec plus de 180 matchs d’expérience dans ce circuit, Ouellet-Beaudry touche des revenus nettement plus intéressants, mais rien pour s’enrichir.
À vrai dire, il occupe un deuxième emploi pendant la saison estivale. Le hic, c’est qu’il pourrait également perdre ce gagne-pain cette année.
« Dans notre cas, on doit être en quarantaine pendant 14 jours en arrivant. Deux semaines, ce n’est pas si long. Mais si ça perdure pendant un mois et que bien des choses sont fermées au Québec, ce serait difficile de se trouver un emploi dans les prochains mois. Moi, chaque été, je travaille dans des camps de hockey. Évidemment, les arénas sont fermés présentement donc on se demande si ça aura lieu cet été. Il y a de la nervosité de ce côté, mais il faut encore y aller un jour à la fois. Ce serait facile de commencer à paniquer, de ne pas savoir quoi faire, mais on doit suivre la situation de près », a témoigné le volubile intervenant.
« Ce ne serait pas facile de passer à travers, mais des solutions devraient s’ouvrir à nous, c’est certain », a-t-il enchaîné en gardant confiance.
Certains propriétaires de clubs ECHL semblaient pencher vers un soutien financier pour leurs joueurs, mais l’idée n’a pas rallié suffisamment de dirigeants. Ouellet-Beaudry ignore de quel côté se rangeait ses patrons.
« Ça s’est tellement passé vite dans les derniers jours, on était supposés rencontrer nos propriétaires lundi. Finalement, ils n’ont pas été en mesure de se déplacer à Wheeling. Je n’ai aucune idée de ce qui va se passer à ce sujet. Est-ce qu’ils vont prendre des mesures pour prendre soin de leurs joueurs dans les prochaines semaines? Pour l’instant, ils nous renvoient tous à la maison et on verra ce qui va se passer », a réagi le droitier sans perdre tout espoir.
Durant la route, Ouellet-Beaudry et sa conjointe auront bien des enjeux auxquels ils pourront réfléchir.
« Nos familles ont beaucoup communiqué avec nous dans les dernières semaines, elles étaient inquiètes dans les derniers jours spécialement. Je sais qu’il commence à y avoir des cas un peu partout au Québec et on sentait un peu la panique de certaines personnes au Québec. Ici, (en Virginie-Occidentale), on était le seul État sans cas confirmé. On était chanceux pour ça », a noté l’un des nombreux Québécois à évoluer dans ce circuit tels Olivier Galipeau, Gabriel Verpaelst, Alex Breton, Olivier Archambault, Martin Ouellette etc.
N’empêche que la gestion du dossier par le président Donald Trump a été décriée par une multitude d’experts. Après avoir pratiquement nié l’existence d’une crise, il s’est ravisé avec des mesures plus musclées.
« C’est pas mal divisé à ce sujet. Quand tu es entouré de gens qui l’appuient, ils disent qu’il fait la bonne chose. Après, tu es avec un autre groupe d’amis et c’est tout le contraire », a reconnu l’ancien des Patriotes de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Ouellet-Beaudry a évolué pendant trois saisons pour l’UQTR avant de s’établir dans l’ECHL.
« Après, le junior, j’ai commencé ECHL à Brampton, mais l’UQTR m’avait contacté et j’avais beaucoup d’amis qui jouaient là-bas. J’avais jusqu’à Noël pour retourner ou non. Je me suis dit que si je voulais continuer à jouer professionnel longtemps, c’est toujours mieux d’avoir un baccalauréat et ça me donne un plan B. C’était la décision la plus intelligente à mon avis. Ça m’a permis d’aller passer trois belles saisons avec les Patriotes, dans un programme renommé au Québec. En prime, on a obtenu un championnat à ma deuxième saison tout en devenant un meilleur joueur de hockey », a conclu le patineur originaire de Montmagny.