MONTRÉAL – Élizabeth Giguère s’est posé la question, sans même vouloir connaître la réponse.

N’eut été son but spectaculaire en prolongation dans le troisième et décisif match du duel quart de finale de la conférence WCHA, le 27 février dernier, contre les Mavericks de Minnesota State, sa carrière universitaire, l’une des plus prolifiques de l’histoire de la NCAA, serait-elle déjà chose du passé? S’apprêterait-elle à prendre part cette semaine au Championnat national de la NCAA avec les Bulldogs de Minnesota-Duluth?

« Je ne sais pas... Ç’aurait été serré, ça c’est sûr », a calculé l’attaquante québécoise, mardi, en entrevue avec le RDS.ca.

Éliminées en demi-finale par les Gophers de l’Université Minnesota six jours plus tard, les Bulldogs ont néanmoins obtenu dimanche la confirmation qu’elles étaient au nombre des 11 équipes invitées au dernier tournoi de la saison.

« Ce n’était pas vraiment une surprise, mais on ne savait pas où on allait aller, ou contre qui on allait jouer. Mais c’est tout le temps un soulagement quand tu vois ton nom apparaître. »

Au premier tour, en demi-finale régionale à Minneapolis, les Bulldogs ont rendez-vous avec le Crimson de l’Université Harvard, à qui elles disputeront une place en finale régionale contre les Gophers, qualifiées d’office à titre de tête de série no 2 du tournoi.

Dans le meilleur des scénarios, Giguère jouera quatre matchs avant de tourner la page sur le chapitre le plus glorieux de sa carrière de hockeyeuse. Dans le pire, ça se terminera jeudi soir, contre Harvard.

« Ça fesse. Ça fait cinq ans que je fais ça de ma vie, c’est une grosse partie de ma vie. Je ne sais pas... C’est dur, mais j’essaie de ne pas trop y penser encore. [...] J’essaie de vivre dans le moment, mais c’est sûr que c’est nostalgique. »

Contre le Crimson (no 9), une équipe qu’elles ont vaincu deux fois en autant de jours au tournant de l’année, les Bulldogs (no 8) ont de bonnes raisons d’envisager le duel avec optimisme. Mais pas trop.

« On a gagné, mais ça n’a pas été facile », s’est souvenu Giguère, qui a amassé 6 points lors de ces rencontres. « C’est une très bonne équipe, elles ont gagné le championnat de la saison régulière de leur ligue (ECAC). Ce n’est pas n’importe qui. Et c’est juste un match, tu ne sais jamais ce qui peut arriver. Oui, on est confiante et on va travailler fort parce qu’on ne veut pas que ce soit notre dernière game, mais elles aussi. »

En cas de victoire, les Bulldogs joueront pour une place dans le Frozen Four, samedi contre les puissantes Gophers, une formation contre laquelle elles ont partagé les honneurs des quatre duels de la saison régulière avant de s’incliner 5-1, samedi dernier, en demi-finale.

« Tout le monde a une chance. Juste pour un match, j’ai l’impression que n’importe qui peut battre n’importe qui. »

Ça comprend les Bulldogs, bien sûr, mais aussi les Golden Knights de l’Université Clarkson (no 10). Celles à qui Giguère a offert un titre national il y a quatre ans en marquant un but prolongation qui a fait sa renommée. Celles qu'elle pourrait croiser au premier tour du Frozen Four si les Dieux du hockey coopèrent.

Ses amies.

« On pensait qu’on allait peut-être les affronter en première ronde. Si les deux on se rend jusque-là, ce sera incroyable. J’espère, je le souhaite! »

Dire non

En temps normal, Giguère, n’aurait pas endossé l’uniforme des Bulldogs cette saison, ni celui des Knights. La joueuse de 24 ans aurait bouclé son parcours universitaire au terme de la campagne 2020-2021 et amorcé sa transition chez les professionnelles. La COVID-19 lui a toutefois offert une occasion inespérée.

Afin de compenser pour les contrecoups de la pandémie, la NCAA a donné à ses athlètes des sports d’automne et d’hiver l’opportunité de jouer une cinquième saison, en plus de transférer d’université.

« Quand on a su ça, je ne savais même pas si j’allais la prendre. J’étais prête à faire quelque chose d’autre. J’avais fini l’école et ça signifiait que je devais amorcer quelque chose d’autre (NDLR : de nouveaux cours). Il y avait beaucoup de ça dans ma réflexion. »

Élizabeth GiguèreIl y aurait bien eu les Olympiques de 2022, mais l’annulation des derniers Championnats du monde a privé l’ancienne des Titans du Cégep de Limoilou d’une belle vitrine pour étoffer sa candidature en vue de la centralisation de l’équipe nationale féminine à Calgary.

Écartée de celle-ci et dépourvue d’options dans les rangs professionnels, paralysés par la pandémie, Giguère s’est finalement dite pourquoi pas.

« J’avais juste besoin d’un changement, de sortir de ma zone de confort, a-t-elle expliqué au sujet de son choix de quitter Clarkson après quatre saisons. C’était une année que je n’étais pas censé avoir, alors pourquoi pas faire le plus avec. »

Entrait alors sur le marché des transferts une ancienne championne nationale (2018) récipiendaire du trophée Patty Kazmaier (2020), l’équivalent masculin du Hobey Baker chez les hommes, remis à la joueuse universitaire par excellence de l’année. Imaginez le temps d’une seconde Marie-Philip Poulin qui offre ses services à tous les programmes de division 1 du pays. Giguère avait l’embarras du choix. N’importe quelle équipe, n’importe où.

« Je n’ai pas aimé ça », s’est remémoré celle qui de son propre aveu dit préférer s'éloigner des faisceaux lumineux des projecteurs. « Je n’ai pas aimé toute l’attention que ça a attirée. J’avais déjà commencé à parler un peu [aux Bulldogs] pendant que j’étais là-dedans. C’était dur, parce que je n’aime pas ça dire non à personne. Recevoir des courriels ou des appels. [...] Tout le monde était très gentil, mais c’était dur. Ç’a été une couple de jours roughs. »

Combien d’offres a-t-elle reçues?

« Il y en avait beaucoup, mettons... »

À Montréal?

À Duluth, Giguère a connu une saison à la hauteur de son statut. Placée dès son arrivée sur le premier trio des Bulldogs avec deux vétéranes qui la complètent encore aujourd'hui, la cinquième meilleure pointeuse de l’histoire de la NCAA (289 points en 173 matchs) a ajouté 56 points à sa fiche en 36 rencontres, le quatrième rendement du circuit universitaire américain. Pour la quatrième fois de sa carrière, elle fait partie des 10 finalistes pour le Patty Kazmaier, à l’instar de sa compagne de trio Abbie Hughes.

« C’est un honneur quand tu regardes la liste des filles qui ont gagné ça avant. Il y en a plein qui se sont rendues aux Olympiques et qui y ont gagné des médailles. Pour moi, c’était vraiment juste un honneur. Je ne comprends pas encore pourquoi mon nom est là, mais je suis juste honorée. J'ai pu jouer deux saisons après cela. Le monde sait plus tu es qui et ça te met plus de pression, mais j’ai aimé ça jouer avec la pression. »

Et elle aime toujours ça. Alors que s’amorce le dernier droit de sa carrière universitaire, Giguère accueille les attentes à son endroit à grands bras ouverts. Celles de ses coéquipières avant tout.

« Elles ont atteint le Frozen Four l’an passé. Elles savent un peu ce que ça prend. Je ne sais pas si elles vont se tourner vers moi, mais je vais essayer d’amener le plus de calme et d’expérience possible. »

« Je veux finir sur une bonne note, a-t-elle enchaîné. Je veux pouvoir me dire que j’ai tout donné ce que j’avais et que j’ai essayé. Si ce n’est pas assez, ce n’est pas assez, mais je vais donner tout ce que j’ai. »

Après, viendra une fois de plus l’heure des décisions. Où poursuivra-t-elle sa carrière?

« J’y pense et je me fais poser la question beaucoup, mais je ne le sais pas, pour vrai. Je sais que je veux continuer à jouer au hockey, ça c’est sûr. Mais où, quand et comment, je ne le sais pas. Ça dépend s’il y a une autre ligue. Ça va dépendre de ce qui va se passer dans les prochains mois. J’ai l’impression qu’il va y avoir de quoi. On verra », a-t-elle laissé entendre, évoquant au passage les projets de l’Association des joueuses de hockey professionnelles (PWHPA).

« J’ai entendu dire qu’il y avait peut-être une équipe qui allait s’ajouter à Montréal. »