LAVAL – Personne ne recevra jamais la commande de tailler un buste en bronze à l’effigie de Jay Leach ou de tapisser son visage dans l’anneau d’honneur qui entoure le balcon du Centre Bell.

Durant une carrière de joueur qui s’est échelonnée sur douze ans, Leach a joué 70 matchs dans la Ligue nationale. Si vous êtes un vrai mordu, vous avez peut-être gardé une place dans votre mémoire pour son bref caméo dans l’uniforme du Canadien. Lors de la saison de la célébration du centenaire de l’équipe, Leach avait été réclamé au ballottage au début novembre et avait quitté par le même chemin moins d’un mois plus tard. Il a eu le temps de jouer sept matchs avant d’être évincé par le retour des blessés.

Ce n’est ni avec ça, ni avec les quelque 500 autres qu’il a disputés dans la Ligue américaine que Leach passera à l’histoire. Mais depuis son dernier coup de patin en 2013, l’ancien numéro 20 du Tricolore s’est bâti, sans faire trop de bruit, une impressionnante après-carrière.

Jay Leach avec le Canadien.À 38 ans, Leach apprend le métier d’entraîneur-chef aux commandes des Bruins de Providence, le club-école des Bruins de Boston dans la Ligue américaine. En janvier, le rendement de son équipe lui a valu une invitation au match des étoiles. À un peu plus d’un mois de la fin de la saison régulière, celle-ci est en bonne position pour mériter l’une des quatre places donnant accès aux séries dans la division Atlantique. Après leur victoire contre le Rocket de Laval mercredi, les Bruins possédaient la deuxième meilleure défensive du circuit derrière les Marlies de Toronto.

Quatre ans seulement après s’être laissé convaincre d’essayer le métier, Leach semble promis à un bel avenir.

« C’est fou comment parfois, les choses peuvent prendre du temps avant de débloquer et d’autres fois, tout se passe tellement vite », réfléchissait-il à voix haute lorsque RDS l’a rencontré dans les coulisses de la Place Bell.

Leach était trop occupé à se battre pour garder sa place dans la LNH pour penser à ses plans d’avenir quand il est passé en coup de vent à Montréal en 2009. Mais au tournant de la trentaine, alors qu’il se retrouvait confiné à un rôle de grand frère dans la Ligue américaine, il a commencé à voir la logique d’un passage derrière le banc.

« J’ai toujours approché le sport de façon cérébrale. Pour me rendre jusqu’à la Ligue nationale, je n’avais pas le choix d’être plus studieux que les autres. La transition s’est donc fait plutôt naturellement. Vers la fin de ma carrière, c’est pratiquement ce que je faisais, mais avec des patins aux pieds! Les responsabilités ne sont évidemment pas les mêmes, c’est un monde complètement différent, mais à la fin, ça demeure de l’enseignement et de l’encadrement. »

 Sur la voie express

C’est Geoff Ward, qui a été adjoint à Claude Julien pendant sept ans à Boston, qui a ouvert les portes du coaching à Jay Leach. En 2014, Ward est parti diriger les Aigles de Mannheim dans le championnat allemand et il a demandé à cet ancien joueur sans expérience de venir s’occuper de ses défenseurs. À leur seule saison dans la DEL, les deux hommes ont gagné le championnat de la saison régulière et des séries éliminatoires.

Jay Leach en Allemagne.« Je n’aurais pu rêver d’un meilleur gars pour m’initier au métier. Sa feuille de route était longue et diversifiée et ses connaissances m’ont été d’une aide précieuse pour faire ma place rapidement. Il m’a aussi donné la latitude nécessaire pour toucher à plusieurs facettes du métier et m’investir à fond. Il a été un mentor extraordinaire. »  

Leach a passé les deux saisons suivantes dans un poste d’adjoint dans la Ligue américaine. La première a commencé à Wilkes-Barre aux côtés de Mike Sullivan, qui a terminé l’année avec la coupe Stanley au bout des bras à Pittsburgh. La deuxième a commencé à Providence aux côtés de Kevin Dean, qui a terminé l’année avec une promotion offerte par les Bruins de Boston.

Cette fois, Leach n’a pas changé d’organisation.

« C’est souvent une question d’être au bon endroit au bon moment, suggère-t-il humblement. On passe des entrevues, on se prépare et on veut impressionner, mais dans mon cas, l’opportunité m’est tombée dessus. Boston a été assez aimable pour me donner ma chance. »

Pendant que Leach s’étouffe avec sa modestie, les premiers résultats qu’il a livrés laissent croire que les Bruins ne lui ont pas confié les rênes de leur équipe réserve par pure générosité.  

« Quand vous êtes un adjoint, vous tentez de récolter toutes les informations qui prépareront l’entraîneur-chef à prendre une décision. Quand vous êtes l’entraîneur-chef, c’est sur vous que repose le poids de cette décision. Et vous n’êtes pas sans savoir que ces décisions s’avèrent parfois bonnes, mais d’autres fois moins bonnes. C’est intense. On ne peut pas être parfait et il faut apprendre à lâcher prise quand on commet une erreur. C’est un gros ajustement, mais l’expérience me ravit. »

Et si, hypothétiquement, une équipe de la Ligue nationale démontrait de l’intérêt à son endroit dès l’an prochain? Sentirait-il le besoin d’appliquer les freins pour ralentir son ascension ou se sentirait-il prêt pour le défi?

« Je ne sais pas, répond en toute franchise l’ancien élève de Jacques Martin et Perry Pearn. J’ai beaucoup de respect pour les entraîneurs de la LNH. Ils ont fait leurs preuves pendant si longtemps dans les niveaux inférieurs tandis que moi, j’ai l’impression d’être encore dans ce processus. On ne peut prédire l’avenir et je ne laisse pas mon esprit s’aventurer sur cette question. Ce que je sais, c’est qu’il m’en reste encore beaucoup à apprendre avant d’avoir ma place dans cette arène. Parce qu’une fois qu’on y est, on ne peut plus reculer, c’est gros. Alors je dirais que pour l’instant, je suis bien où je me trouve présentement. Je fais mes devoirs et j’en ai beaucoup à faire. Si l’opportunité se présentait, je ne dis pas que je l’ignorerais complètement, mais je ne crois pas être rendu là. »