MONTRÉAL – Comme n’importe qui sur la planète, Éric Gélinas souhaite que la misérable année 2020 s’achève au plus vite, mais il voudrait, sans doute, inclure une petite exception au passage : celle de poursuivre sa lancée qui pourrait le ramener dans la LNH. 

On peut le comprendre puisque le défenseur au lancer canon connaît « le meilleur début de saison » de sa carrière. Même à des milliers de kilomètres, ses statistiques de quatre buts et sept aides (11 points) en onze matchs constituent un témoignage éloquent. Il occupe d’ailleurs le premier rang des pointeurs de son club, le Rögle BK, de la Ligue suédoise.  

Ainsi, pour une troisième année d’affilée, Gélinas évolue en Europe, mais c’est opportun de sa part d’attirer l’attention avec l’entrée en scène du Kraken de Seattle. 

« C’est sûr que le timing pour avoir une grosse saison, c’est là ou jamais », a-t-il lancé sans détour à RDS. 

« L’opportunité avec le repêchage d’expansion (à l’été 2021), ça ouvre énormément de portes pour des joueurs dans ma situation. C’est sûr que si j’ai l’occasion de faire un retour dans la LNH, ce serait souhaité. J’ai une autre année de contrat ici donc j’ai un peu de sécurité et je ne mets pas tous mes œufs dans le même panier », a enchaîné Gélinas. 

Éric GélinasDans bien des cas, l’exil en Europe éloigne les joueurs de la LNH. De son côté, Gélinas croit plutôt avoir trouvé des réponses à l’enjeu qui l’a sorti du circuit Bettman après un exposé de 189 parties. 

« Ça ne veut pas dire que j’ai éteint ce rêve parce que je suis en Europe. En fait, aller en Europe, ça m’a permis de grandir en tant que personne et d’appliquer des choses apprises auparavant en Amérique du Nord », a noté le grand gaucher. 

Ce processus bénéfique a débuté grâce à un contexte plutôt négatif et inusité. Son premier arrêt européen s’est effectué en KHL avec le Slavan de Bratislava où il a abouti avec un entraîneur des défenseurs, Rudolf Jendek, qui ne parlait pas anglais. 

« Je pense que c’est la meilleure façon de le dire, je n’étais pas capable de communiquer avec mon entraîneur. On n’avait pas une très bonne équipe non plus, on a fini au dernier rang et de loin. Quand les choses ont commencé à mal aller pour l’équipe et que je n’étais pas capable de trouver des solutions avec mon coach, j’ai essayé de prendre du recul. Je me suis remémoré tout ce que mes entraîneurs m’avaient appris depuis ma première année professionnelle et je suis parti de là. Je n’avais rien à perdre donc j’essayais des choses et j’avais un peu de liberté de ce côté. Ça m’a permis de m’auto-coacher et j’ai trouvé une manière d’être confortable dans tout ça », a détaillé Gélinas en sachant que ça étonne. 

« S’il y a une façon de le dire, c’est que j’ai essayé de trouver du positif par rapport à la situation. Ça m’a donné un peu de liberté au lieu d’un coach qui me dit ‘Fais ci, fais ça’ », a-t-il ajouté.

À vrai dire, Gélinas avait tenté d’intégrer les correctifs évoqués par les entraîneurs en Amérique du Nord. 

« À mon année recrue dans la LNH, on m’avait confié un rôle assez offensif. Les Devils ne marquaient pas beaucoup et j’avais été rappelé pour ça. Mon côté défensif n’était pas trop scruté, j’avais plus de laisse. L’année suivante, c’est là que les choses ont commencé à changer, ils ont essayé de modifier des choses dans ma game défensive. Mais c’est la meilleure ligue au monde, c’est dur d’appliquer ça et de le maîtriser immédiatement. Surtout dans ma situation, je ne suis pas un joueur étoile avec plus de latitude », a admis Gélinas. 

Ainsi, il a utilisé les trois dernières années sur les patinoires européennes pour se sentir à l’aise dans cette évolution et il a pu jouir d’une liberté plaisante pour trouver le style qui lui convient le mieux à un haut niveau. 

Il croit d’ailleurs que le circuit suédois est tout indiqué pour le propulser dans la LNH. 

« C’est probablement la ligue dans laquelle j’ai joué que ça patine le plus. Le tempo est extrêmement rapide et ça me force à patiner pour me créer des opportunités », a précisé Gélinas qui devait apprendre à jouer plus rapidement. 

Le choix de deuxième ronde des Devils en 2009 ne s’ennuie donc pas de la KHL surtout que son aventure s’est terminée par une galère financière avec le club slovaque. 

« Le fait d’avoir vécu en Slovaquie, c’était un gros choc culturel. Environ une personne sur dix comprend l’anglais. C’est plus facile ici et la personnalité des Suédois ressemble beaucoup à celle des Canadiens. On mise sur quelques entraîneurs canadiens et plusieurs joueurs nord-américains, ça fait plus comme si j’étais à la maison. Il y a beaucoup de choses positives pour moi dans cette organisation », a déduit Gélinas qui avait été éprouvé par les blessures (commotion cérébrale et déchirure à l’aine) la saison dernière.

Psychologiquement, il sonne solide et plus prêt à revenir en Amérique du Nord. 

« C’était difficile à avaler d’aller jouer en Europe où tu n’es plus affilié à une équipe de la LNH. C’est un détachement qui te fait penser que tu es plus loin. Mais, finalement, avec du recul, je connais plusieurs joueurs qui ont passé une ou deux années en Europe avant de retourner », a réagi Gélinas en citant l’exemple de son entraîneur Cory Murphy qui est arrivé dans la LNH à partir de la Ligue finlandaise. 

Le journaliste sportif suédois, Robin Lindgren, a tenu des propos qui devraient encourager Gélinas. 

« Il possède définitivement ce qu’il faut pour retourner dans la LNH. Il s’est beaucoup amélioré à partir de son premier match en Suède. Je pense surtout à son patin et ses déplacements avec ou sans la rondelle. Il commet très peu d’erreurs et sa première passe favorise l’attaque de son équipe. Selon moi, c’est le défenseur en Suède qui a le plus de chances de réussir dans la LNH outre les jeunes très talentueux comme Philip Broberg, Nils Lundkvist, Mattias Norlinder et Moritz Seider », a maintenu Lindgren au RDS.ca. 

Évidemment, Gélinas se croise les doigts pour que la COVID-19 ne vienne pas contrecarrer ses plans alors que les cas ont augmenté en Suède à la fin octobre. Pour l’instant, les matchs peuvent être disputés devant 50 partisans, mais certains clubs accusent déjà un retard de cinq parties jouées. 

Norlinder, le talent pour devenir un joueur exceptionnel

Gélinas a déjà été sollicité plusieurs fois pour parler de Norlinder, le choix de troisième ronde du CH en 2019, mais il se prête au jeu avec plaisir. 

« Chose certaine, il patine plus vite que moi, a-t-il commenté en riant. C’est un super beau joueur, il est vraiment smooth à regarder. Selon moi, sa plus grande force est son coup de patins et il l’exploite énormément. C’est beau de voir un jeune être créatif comme lui surtout dans une ligue dans laquelle c’est difficile de l’être alors que le jeu est très défensif. »

Norlinder a été encensé plus souvent qu’à son tour récemment. Son nom a même été associé à Nicklas Lidstrom et Victor Hedman. Bienvenue, la pression.  

« Il a été repêché dans le plus gros marché de hockey au monde. Il n’est pas encore arrivé en Amérique du Nord et les réflecteurs sont braqués sur lui. Mais je ne suis pas inquiet pour son avenir, il a le talent pour devenir un joueur exceptionnel. Ça se voit déjà sur la patinoire », a avancé Gélinas.  

« J’espère qu’il sera prêt pour le défi, c’est un marché difficile pour ça. Tu ne peux pas te cacher. En même temps, c’est probablement aussi le meilleur marché pour être un joueur de hockey », a-t-il poursuivi. 

Considérant son talent, il n’avait qu’une suggestion à lui soumettre.  

« Le seul conseil que je peux lui donner, c’est de ne pas changer et de rester fidèle à son style. C’est rare de trouver des joueurs comme lui, on ne veut pas lui enlever sa rareté », a poursuivi le Québécois de 29 avec un discours qui fait penser, à certains égards, à son cheminement.