"À 16 ans, je jouais au hockey pour les Remparts de Québec. C'était en 1967. L'été, j'habitais chez mes parents à Thurso. Nous étions cinq à la maison, dont quatre filles. J'étais le seul garçon.

"Le hockey était naturellement ma passion et je rêvais de me tailler éventuellement une place dans la Ligue nationale. Je ne pensais pas faire autre chose dans la vie. J'ai été choyé. J'avais un certain talent. Par la suite, j'ai réalisé que j'avais beaucoup de talent. J'en remercie la Providence. J'étais aussi un passionné du conditionnement physique. L'été, je travaillais sur une ferme à Thurso. Je touchais 15$ par semaine. Je faisais un peu de tout. Les foins, le "train" etc., etc. C'était bon pour mon conditionnement physique. Je trouvais aussi le moyen de courir dix milles par jour. Je n'avais qu'une idée en tête, soit être au meilleur de ma forme en vue de la prochaine saison de hockey.

"À travers tout ça, il y avait les études. J'ai fréquenté l'école jusqu'à l'âge de 19 ans. J'étais en sciences-mathémathiques à Québec et je parvenais à étudier et à jouer au hockey en même temps. J'aimais la chimie, mais le français était l'une des matières que je détestais le plus. Je n'ai jamais su pourquoi. A 16 ans, j'avais plusieurs "blondes", mais rien de sérieux. Des amourettes comme on dit. J'ai fumé ma première cigarette à 19 ans et enfilé ma première bière à 18. C'était facile et ça ne coûtait pas cher Je travaillais alors sur un camion de bière.

Son club favori?

"Je suivais naturellement le hockey. Le Canadien, vous l'aurez deviné, était mon club favori. Mes idoles? Jean Béliveau, Yvan Cournoyer et Maurice et Henri Richard. J'ai toujours été un fervent de la musique. En fin de semaine à Québec l'hiver et à Thurso l'été, je fréquentais les salles de danse avec des amis et des copines. Mes chanteurs québécois favoris étaient alors Ginette Reno, Jean Lapointe et Robert Charlebois. Je possède encore aujourd'hui des disques de ces vedettes de la chanson québécoise.

"Mon père n'était pas un homme qui parlait beaucoup. Autrement dit, il ne parlait pas pour rien dire. Ma mère non plus. Alors, il y avait de longues périodes de silence chez-nous. Moi, je gardais pas mal tout à l'intérieur à l'époque.(comme les temps ont changé). Si mon père me posait une question, je répondais. Mais pour entreprendre une conversation, m'asseoir avec lui et lui expliquer que mon rêve était de jouer un jour dans la Ligue nationale de hockey, on repassera. Lui aussi, je crois que c'était une fierté intérieure qu'il avait de me voir jouer un jour dans la Ligue nationale. Ce n'était pas un gars démonstratif. Il était plutôt tranquille de ce côté-là. Je sentais toutefois que le paternel était fier de son fils. Quand j'ai monté dans le hockey, il était tout le temps là, du moins quand il le pouvait.

"J'aime toujours rappeler un souvenir de ma jeunesse. L'un de mes passe-temps était de faire des balades en train avec mon oncle. Ce dernier travaillait pour le CN ou le CP, je ne me souviens plus au juste, mais il conduisait la locomotive. Je vivais une sensation incroyable d'embarquer avec lui. C'était passionnant. J'en ai fait plusieurs de ces balades. C'était des promenades que j'adorais. Mais je n'ai jamais songé à devenir cheminot pour autant."

"Je ne regrette pas mes 16 ans. Si c'était à recommencer, j'agirais de la même façon. Je voulais jouer au hockey. C'était une idée fixe. J'ai réussi et j'ai la satisfaction du devoir accompli. Si seulement tous les gens pouvaient réussir dans la vie à faire le métier ou à pratiquer la profession dont ils rêvaient à 16 ans."

Une carrière phénoménale

Ces souvenirs de Guy Lafleur à 16 ans sont un extrait d'un article publié dans le "Journal de Montréal", par l'auteur de ces lignes il y a bien une vingtaine d'années. Cette série sur "Les 16 ans" de personnalités du monde sportif, politique, artistique, etc. comprenait, entre autres, une entrevue avec Jean Béliveau, dont le rêve de jeunesse était de devenir ingénieur en électricité. Béliveau a réussi dans un sens, en électrisant pendant des années les amateurs de hockey. Le Cardinal Léger, dont les origines étaient de Valleyfield, si ma mémoire est fidèle, travaillait dans le garage de son père et aurait pu faire carrière dans ce domaine, si le sacerdoce ne l'avait pas attiré ailleurs.

Guy Lafleur a participé à cinq conquêtes de la coupe Stanley avec le Canadien. Il a aussi remporté le championnat des compteurs à trois reprises de 1974 à 1980, il n'a jamais compté moins de 50 buts en une saison. Il a fait son entrée au Temple de la Renommée du hockey en 1988 et il a ensuite effectué un retour au jeu avec les Rangers de New York et les Nordiques de Québec.

Des souvenirs de sa carrière professionnelle à Montréal, New York et Québec, Guy Lafleur en a suffisamment vécus pour écrire un volumineux bouquin. Mais il adore en raconter un qu'il lui a procuré son plus grand "thrill". "Mon plus beau souvenir du Forum", dit-il "c'est le soir ou j'ai volé la coupe Stanley, avec la complicité de Pierre Plouffe, ancien champion de ski nautique. C'était en 1979. Nous l'avions cachée dans le coffre-arrière de l'automobile de Claude Mouton, puis nous l'avions transportée à Thurso le lendemain matin. Quelle aventure.

"Évidemment, j'ai plusieurs autres souvenirs du Forum, dont mon but égalisateur contre Boston dans le septième match de la demi-finale, toujours en 1979, et l'ovation qu'on m'a accordée à l'occasion de ma retraite du hockey.

Que de souvenirs !