Fallait s'attendre à du grabuge. Et il y en a eu ce soir-là, en octobre 1976, à l'occasion de la rentrée spectaculaire de Dave Schultz, l'enfant terrible des Flyers de Philadelphie, mais cette fois dans l'uniforme des Kings de Los Angeles, à qui il avait été échangé quelques mois plus tôt.

Schultz, surnommé "The Hammer" (le Marteau), au temps des Broad Street Bullies, était ce bon p'tit gars qui avait joué son hockey junior à Sorel. Il avait ensuite fait un séjour avec les As de Québec, filiale des Flyers dans la Ligue américaine, avant d'entreprendre sa tumultueuse carrière dans la Ligue nationale à Philadelphie, en 1972. On se souviendra qu'il s'était affirmé comme l'un des meilleurs batailleurs de rue de son temps. Batailleur de rue, on s'entend, car il n'avait rien d'un John Ferguson, d'un Chris Nilan ou d'un Pierre Bouchard comme policier. Il a accumulé 2266 minutes de punitions en 522 parties régulières, plus 412 en 73 matchs des séries éliminatoires. Même si les records sont faits pour être battus, certains du "Marteau" ont dû tenir le coup longtemps, s'ils ne sont pas encore à battre.

Ce fut le tumulte

Toujours est-il que l'ambiance était survoltée au Spectrum le soir en question. La première période a duré plus d'une heure et le retour de Dave à Philadelphie restera à jamais gravé dans la mémoire des partisans des Flyers. Après seulement 16 minutes de jeu, Schultz en avait assez fait pour être expulsé du match et ce, au grand désappointement de ses anciens admirateurs. Sur la galerie de presse, se trouvait à mes côtés ce soir-là, nul autre que le "Prof" Caron, alors dépisteur du Canadien.

Le "Prof" avait été délégué par ses patrons pour espionner Schultz et les Kings, car Los Angeles devait se diriger vers Montréal après ce match pour y affronter le Tricolore au Forum, deux jours plus tard. Émotif, comme tout le monde le connaît, le "Prof", au milieu du tumulte, n'en pouvait plus. Il déclara d'un ton solennel: "Tu peux être assuré, mon "Jaypee", que ça ne se passera pas de même au Forum mardi."

Ce à quoi je lui répondis: "Écoute le "Prof". Si Dave a pu vider la patinoire en 16 minutes au Spectrum, que penses-tu qu'il va faire avec tes p'tits gars à Montréal mardi?"
Ronald répliqua, du feu dans les yeux: "Jaypee. Tu as généralement été de nature agréable au fil des ans. Pourrais-tu t'arranger pour ne pas te faire haïr." Bonne réplique. Mettons.

Le "Marteau" en voulait à "Moose" Dupont

Après la deuxième période, plusieurs des mauvais garnements expulsés du match en première, dont le principal acteur Dave Schultz, se sont retrouvés au salon des journalistes, situé non loin de la galerie de presse. Dave expliqua qu'il en voulait surtout à "Moose" Dupont, qui à son dire, lui avait couru après depuis le début de la rencontre sans toutefois le poigner. Le défenseur de Trois-Rivières avait finalement déversé son fiel sur Bob Murdoch en l'envoyant au pays des rêves....avec un six pouces en plein visage. D'accord, ce n'est pas beau. Mais tout s'est déroulé comme tel.

Schultz avait déclaré aux journalistes, qu'il était prêt pour son retour au Spectrum. "J'ai bien aimé la réaction de la foule à mon égard, quand j'ai sauté sur la patinoire pour la période de réchauffement. J'ai reconnu mes anciens fans. Mais ce fut une toute autre histoire, quand j'ai été expulsé après seulement 16 minutes. Je pensais alors que le Spectrum allait se vider. Quant à Dupont, il y a longtemps que je voulais lui régler son cas, soit depuis que nous nous étions battus lors d'une séance d'entraînement l'hiver précédent, alors que j'étais encore avec les Flyers", révéla-t-il.

Fred le nébuleux. Clark le salaud.

Schultz, qui approche les 70 ans, était convaincu, quand il a accroché ses patins, qu'il n'obtiendrait jamais un job avec un club de la Ligue nationale, même pas avec les Flyers, à cause de sa mauvaise réputation comme joueur. "Aussi", ajouta-t-il "à cause de quelques chapitres controversés publiés dans le livre de sa biographie "The Hammer". À ce sujet, il avait précisé: "Ce n'est pas moi qui a écrit ce livre. Ce sont les auteurs. Et ces auteurs devaient respecter les ordres de l'éditeur (publisher). Faut que ça se vende. Et pour que ça se vende, faut de la controverse. C'est de même que ça marche. Mais je vous jure que je n'ai pas toujours pensé ce qu'on voulait me faire dire".

Dans le livre en question, Dave disait qu'à Sorel, il jouait avec Michel Brière et qu'il pouvait marquer des buts. "À Philadelphie", dit-il, "ce fut une toute autre histoire, car j'étais fait sur mesure pour le genre de club que dirigeait Fred "le nébuleux" Shero. Fred était réellement mystérieux et un type à part. Il faisait parvenir ses messages, en les écrivant sur le tableau noir de la chambre des joueurs. Avec ses grosses lunettes, il donnait l'impression d'appartenir à la mafia. Mais il n'était pas malicieux et méchant pour cinq cennes. Chose certaine, le surnom de nébuleux, lui allait à merveille. Bobby Clarke? C'était un joueur reconnu pour être salaud sur la patinoire, mais un bon gars en dehors. En fin de compte, je ne regrette pas grand'chose. J'avais un rôle à jouer à Philadelphie et j'ai fait de mon mieux", conclut-il.

Ceux qui ont connu les Broad Street Bullies savent que Dave Schultz a joué à la perfection le rôle que les metteurs en scène lui demandaient avec les Flyers. Peut-être un peu trop.