MONTRÉAL – « Fils à papa! »

Celle-là, Matthew Boucher l’entend à l’occasion sur la patinoire.

Comme diraient les grands sages du hockey, ça fait partie de la game quand ton père, le directeur général et entraîneur-chef des Remparts de Québec, fait ton acquisition sur le marché des transactions.

C’était il y a un peu plus de deux ans et demi. Au lendemain de la participation de son club à la Coupe Memorial à titre d’équipe hôte, Philippe Boucher doit reconstruire sa formation. Il a besoin de joueurs, et son fils, un attaquant qui tarde à éclore avec les Voltigeurs de Drummondville, répond aux critères recherchés.

« C’est un travaillant, je me disais que les fans des Remparts allaient l’aimer. »

Si Philippe Boucher n’en doutait point, certains partisans, eux, restaient encore à convaincre. Huit buts et huit passes en 65 matchs dans la LHJMQ, ce n’est pas ce qu'on pourrait appeler un argument de poids en faveur de celui qui venait d’être obtenu en retour d’un modeste choix de cinquième tour.

La génétique c’est bien beau, mais...

« Il y avait beaucoup de monde qui disait que ce n’était pas une bonne idée ou qui doutait un p’tit peu de mes capacités, mais je m’étais tellement préparé cet été-là pour prouver au monde qu’ils avaient tort à mon égard. C’était ma motivation numéro 1 », jure l’attaquant de 5 pi 9 po et 186 livres.

 « J’ai toujours été un petit peu négligé [au fil de ma carrière] à cause de ma grandeur et de ma stature. Être échangé à Québec était une raison de plus [pour certains] de ne pas croire en moi. Je voulais démontrer que j’étais capable non seulement de jouer dans cette ligue-là pour les Remparts, mais aussi d’être un joueur d’impact. »

Il a vite démontré en tout cas qu’il en avait les capacités. Fort d’une récolte de 30 buts et 30 mentions d’aide à sa première campagne à Québec, il a conclu l’année au sommet des meilleurs pointeurs de l’équipe, sur un pied d’égalité avec le vétéran Bronson Beaton.

Les sceptiques, du moins la majorité d’entre eux, étaient confondus.

« Quand tu marques 30 buts à 18 ans dans cette ligue-là, que tu es le premier marqueur de ton équipe ou pas loin, ça fait taire beaucoup de commentaires désobligeants, note Philippe Boucher. Pour le reste, il y en a toujours qui vont trouver des choses à dire, mais ce n’est pas quelque chose qui nous dérange.

« Matthew, si on oublie que c’est mon gars, c’est avant tout quelqu’un qui avait besoin d’une opportunité, de temps de glace. On croyait, plusieurs membres de l’organisation et moi, que c’était un travaillant qui avait le potentiel de marquer des buts. On ne s’est pas trompé. »

Les Remparts ont en effet visé dans le mille.

Matthew Boucher, ce petit attaquant confiné à un rôle secondaire il y a près de trois ans à Drummondville, est aujourd’hui le troisième meilleur pointeur du circuit Courteau grâce à ses 17 buts et 24 passes en 34 rencontres.

« Je m’attendais à ce que ce soit un joueur offensif qui pouvait débloquer, mais je ne m’attendais pas aux performances qu’il nous a données. Ce serait mentir de dire que je pensais qu’il allait faire ça », concède le paternel.

Philippe BoucherRattraper le temps perdu

Papa Boucher ne le crie pas haut et fort sur tous les toits, fonctions obligent, mais il est fier de son fils. Fier du joueur qu’il est devenu. Fier de l’homme qu’il apprend toujours à connaître.

« On ne se le cachera pas, j’ai commencé à voir Matthew jouer au hockey à son année pee-wee, quand j’ai pris ma retraite », fait remarquer l’ancien défenseur qui a œuvré dans la LNH pendant 17 saisons avant de tirer sa révérence en 2009 après avoir aidé les Penguins de Pittsburgh à remporter la coupe Stanley.

« Je ne l’avais pas vraiment vu jouer avant. Je l’ai coaché dans le bantam, mais quand je suis parti à Rimouski [pour occuper le poste de directeur général de l’Océanic], c’était encore difficile, on est retombé dans le même pattern », se désole celui qui a multiplié les allers-retours Québec-Drummondville pendant un an afin de voir son fils à l’œuvre.

« Veux, veux pas, ma jeunesse, je l’ai passée beaucoup plus avec ma mère qu’avec mon père », confirme l’athlète aujourd’hui âgé de 20 ans.

Alors que le capitaine des Remparts s’apprête à boucler son parcours junior, son père et lui tentent de savourer pleinement le moment avant d’être séparés à nouveau par la passion qu’ils partagent. Mais ce n’est pas évident.

« Avec le nouveau calendrier, on joue tellement de games [en peu de temps] et on essaie d’en profiter, mais ce n’est pas quelque chose sur laquelle on met l’emphase (sic.) », confie le jeune Boucher.

« Je passe plus de temps dans le moment présent qu’à m’asseoir et penser qu’on est sur nos derniers milles », confirme l’entraîneur-chef.

Tel père, tel fils.

Un de ces jours, ils en prendront le temps. Ils se remémoreront alors ces trois saisons passées ensemble au cours desquelles Matthew a su prouver qu’il était un Rempart. Un vrai.

« Pour sa persévérance, pour son acharnement, c’est sûr que je suis fier de lui. Comme père... et comme coach. »