MONTRÉAL – Emprisonné au banc de pénalité, Zachary L’Heureux peine à croire qu’il a été pénalisé pour ça. Pas en prolongation, pas en grande finale.

 

La responsabilité du contact avec le gardien, estime-t-il, incombait davantage au défenseur qui, en lui collant aux culottes, l’a fait dévier de sa trajectoire alors qu’il coupait au filet. Les risques du métier, faut croire, relativise alors l’attaquant d’Équipe Québec, qui n’a plus qu’à espérer que la porte de son éphémère cellule s’ouvrira dans deux minutes et pas une seconde avant.

 

« C’était le moment de ma jeune carrière où j’étais le plus sous pression. Après avoir pogné une punition de même, c’est sûr que je voulais me reprendre. Je pense que je l’ai fait. »

 

Avec 9:27 minutes à faire à la prolongation, L’Heureux, libéré moins de deux minutes plus tôt, récupère une rondelle libre profondément en zone adverse. Du coin de la patinoire, le meilleur buteur des Jeux du Canada évalue alors ses options pour vite conclure qu’il vaut mieux foncer au filet. Encore.

 

Du cercle de mise en jeu, L’Heureux penche donc l’épaule gauche et arme un lancer des poignets tout en approchant sa cible. La rondelle heurte d’abord la jambière du portier ontarien avant de revenir sur la lame de son bâton.

 

Après une attente de 32 ans, le Québec avait enfin trouvé son héros. Les Wildcats de Moncton, conquis, avaient quant à eux trouvé leur homme.

 

L'Heureux offre l'or au Québec

 

Pas comme un 16 ans

 

Trois mois après son but en or, la fierté de Mercier enfilait pour la première fois l’uniforme des Wildcats. Troisième choix au total, L’Heureux se voulait alors le prix de consolation de Moncton, qui malgré 43 % des chances de remporter la loterie, avait vu les Sea Dogs de Saint John lui chiper le premier choix.

 

« En le voyant jouer aux Jeux du Canada, et ensuite au Défi Gatorade, on est tombés en amour. C’en est même à se demander si nous ne l’aurions pas sélectionné au tout premier rang si nous avions eu la boule chanceuse », spécule aujourd’hui le directeur général et entraîneur-chef des Wildcats, John Torchetti.

 

Facile à dire après coup, pourrait-on répliquer. Reste que ça se défend.

 

Avec au moins un point engrangé à ses 11 premiers matchs, l’Heureux a vite fait de bâtir l’argumentaire de son instructeur. En 15 rencontres jusqu'à maintenant, dont 3 de 3 points, l’ancien des Grenadiers de Châteauguay affiche le meilleur rendement parmi tous les joueurs issus de la cuvée 2019 du circuit Courteau avec 7 buts et 18 points. À l’échelle nationale, une seule recrue, le défenseur de 17 ans de l’Océanic de Rimouski Isaac Béliveau – repêché en 2018 –, devance L’Heureux avec 22 points.

 

« Il ne joue certainement pas comme un 16 ans », s’émerveille Torchetti, qui en est à son deuxième séjour derrière le banc des Wildcats après avoir occupé divers postes d’adjoint et d’entraîneur-chef dans la LNH, la Ligue américaine et la KHL.

 

« Je ne pense pas que beaucoup de gens s’attendaient à ce qu’il joue déjà aussi bien. Il prend ce qu’on lui enseigne, il l’absorbe et il l’applique en l’espace de deux matchs. »

 

Tout ça en restant fidèle au style de jeu qui, jugeait Torchetti dans les minutes suivant le repêchage, s’apparente à celui de la légende des Bruins de Boston Cam Neely.

 

« Il n’abandonne jamais sur la rondelle, il est physique et il remporte ses batailles à un contre un. J’ai regardé Neely toute ma vie. Il était probablement déjà à la retraite quand Zachary est né (NDLR : Neely s’est retiré en 1996). Je ne veux pas être celui qui les compare, mais il joue comme lui », soutient toujours Torchetti.

 

L’Heureux admet en connaître très peu sur Neely. Le nom lui dit certes quelque chose, mais sans plus. Lorsque les éloges de son entraîneur sont parvenus à ses oreilles, il ne s’est pas précipité sur YouTube pour visionner l’un des nombreux Best of glorifiant l’ancien attaquant de puissance des Bruins. Mais à l’écouter parler, on jurerait que oui.

 

« Je veux entrer dans chaque game comme si c’était ma dernière à vie. »

 

« C’est simple, il joue du hockey de séries chaque soir », corrobore Torchetti, qui tâche justement d’inculquer cette mentalité à son équipe, deuxième au classement général.

 

« Dans les moments importants, je veux être le gars qui est sur la glace. Je pense que je peux amener beaucoup d’énergie à une équipe. Sous pression, je monte mon niveau de jeu. »

 

C’est ce qu’il a fait à Red Deer pour Équipe Québec. C’est ce qu’il fait depuis un mois à Moncton. Et c’est ce qu’il compte faire à compter de samedi au Défi mondial des moins de 17 ans, auquel il a été convié par Hockey Canada.

 

« Quand je vais arriver là-bas, je veux juste continuer sur ma lancée. »

En fonçant, bien sûr. Toujours.