LOS ANGELES – Le Québec a donné à la LNH 24 des 100 meilleurs joueurs de son premier centenaire. C’est énorme. C’est phénoménal.

Mieux encore, à ces 24 grands parmi les grands qui ont appris à patiner sur des patinoires québécoises on doit en ajouter des dizaines, voire des centaines d’autres qui, malgré le fait qu’ils n’aient pu se faufiler au sein du top 100, ont excellé à leur position respective faisant du Québec une véritable pépinière pour la Ligue nationale de hockey.

Quelle sera cette proportion lorsque la LNH célébrera ses 200 ans? Difficile d’être précis. Impossible même. Il est toutefois clair qu’elle sera moins impressionnante. Beaucoup moins même.

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Car non seulement le Québec produit moins de vedettes potentielles qu’il ne le faisait lors du premier centenaire de la LNH, mais l’Europe et les États-Unis développent de plus en plus de joueurs susceptibles d’atteindre la grande ligue et d’y briller.

Le gala de vendredi a mis en vedette des Québécois des années 40, 50, 60, 70, 80. On a remarqué une baisse marquée de la représentation québécoise dans les années 90 et 2000 alors que Luc Robitaille, Patrick Roy et Martin Brodeur ont fermé la marche. Pis encore, aucun Québécois encore actif ou jeune retraité ne s’est faufilé au sein du top 100.

Des 44 joueurs qui ont participé au Match des étoiles, le gardien Corey Crawford était le seul représentant de la Belle Province. Combien de Québécois auraient pu l’accompagner? Deux ou trois tout au plus. Un Kristopher Letang en santé et un Patrice Bergeron au sommet de son art auraient pu scintiller à Los Angeles en fin de semaine.

Ajoutons à Letang et Bergeron Marc-Édouard Vlasic qui est certainement l’un des bons défenseurs de la LNH – ses sélections au sein de l’équipe canadienne le confirment d’ailleurs – mais son style étanche et efficace est loin de cadrer avec les caractéristiques susceptibles de propulser un tel défenseur au Match des étoiles.

Derrière eux, le flambeau sera porté par qui? Jonathan Drouin à Tampa? Jonathan Huberdeau en Floride? Pierre-Luc Dubois que les Blue Jackets de Columbus ont sélectionné au troisième rang du repêchage l’été dernier?

Les prochaines années nous le diront.

Ce qui est clair toutefois, c’est que les Drouin, Huberdeau, Dubois et les autres qui les rejoindront au fil des prochaines saisons seront bien plus seuls dans leur coin de vestiaire que ne l’étaient les Bossy, Lafleur, Perreault et Dionne alors que le Québec foisonnait de vedettes potentielles et que le reste de la planète hockey n’arrivait pas à suivre le rythme.

Compétition féroce venant du Sud

S’il n’en tient qu’à la LNH et surtout aux équipes américaines qui se sont lancées avec vigueur dans le développement du hockey mineur dans leur marché respectif la compétition s’intensifiera au cours des prochaines années. En raison de la théorie des grands nombres, cette compétition deviendra difficile, voire impossible, à combattre.

Les Kings et Los Angeles étaient les hôtes du Match des étoiles pour la troisième fois de leur histoire. Lors de la première classique, lorsque Marcel Dionne, Dave Taylor et Charlie Simmer ont soulevé la foule à titre de membres de la triple couronne, 3400 jeunes jouaient au hockey dans les rares arénas de la cité des anges.

En 2002, ce nombre avait grimpé à 17 000.

Aujourd’hui, il flirte avec les 30 000.

« On aurait besoin de nouveaux arénas tellement la demande est grande. Le hockey est maintenant une réalité à Los Angeles. Marcel Dionne et Rogatien Vachon ont tout commencé. Wayne a donné un grand coup de barre lorsqu’il est arrivé d’Edmonton, mais nos deux coupes Stanley ont fait des Kings une des grandes attractions sportives de Los Angeles et du hockey un sport non seulement le fun à pratiquer, mais un sport couru par les jeunes », m’expliquait Luc Robitaille qui, avec ses succès sur la glace et son implication dans la communauté depuis sa retraite, est lui aussi un des grands responsables de l’essor du hockey en Californie.

De Crosby à McDavid et Matthews

Luc Robitaille et les Kings ont travaillé fort et travaillent toujours très fort pour attirer de plus en plus de jeunes sur les patinoires de la Californie.

Leurs succès ont donné le ton et d’autres organisations ont suivi. À commencer par les Penguins de Pittsburgh.

Cherchant un moyen de mousser la popularité du hockey mineur à Pittsburgh, Sidney Crosby a demandé à ses patrons de lui offrir des plans d’intervention.

David Morehouse, l’un des propriétaires des Penguins, a obtenu la complicité de commanditaires afin d’offrir gratuitement des équipements – des patins jusqu’au casque – aux jeunes intéressés à joindre les rangs du hockey mineur.

L’impact a été immédiat.

« Sidney s’est retrouvé sur des patinoires entouré de jeunes garçons – et filles – qui portaient tous et toutes des chandails # 87. On avait un succès entre les mains et nous l’avons cultivé. Quand Mario (Lemieux) est arrivé à Pittsburgh (1984) il y avait six arénas à Pittsburgh et dans l’Ouest de la Pennsylvanie. Il y en a plus de 40 maintenant. Dans la région de Pittsburgh, il y en a 26 et on se rend jusqu’aux berges du Lac Érié où cet extraordinaire jeune joueur a évolué dans les rangs juniors avant de prendre la LNH d’assaut et de devenir une étoile », a lancé le gouverneur des Penguins en regardant Connor McDavid assis à sa droite.

Cet essor du hockey mineur ne permettra pas seulement aux jeunes de Pittsburgh, de Los Angeles et des quatre coins des États-Unis de rivaliser en nombre et en talent avec nos jeunes du Québec, mais il est aussi excellent pour les affaires.

« Mario est le plus grand joueur de hockey de l’histoire. Mais même à son apogée, avec les Jagr, Francis, Coffey et les coupes Stanley, nous ne faisions pas salle comble tous les soirs. On le fait maintenant en raison du nombre de jeunes qui jouent au hockey, qui vibrent en fonction du hockey et qui forcent la main de leurs parents pour venir voir Sidney et les Penguins », a ajouté M. Morehouse.

Mieux encore pour le hockey américain, le hockey attire les athlètes naturels. Il attire les jeunes vedettes du baseball, du football et un peu aussi du basketball.

« Mon gars joue au niveau bantam. Ses coéquipiers sont tous des arrêts courts au baseball. Ils sont des quarts-arrière au football. Des gardes au basket. Ils trouvent de nouveaux défis dans le hockey. Et comme ils sont des athlètes naturels, ils ont du succès. C’est pour cette raison que nos programmes sont si bons même si notre niveau de participation ne se compare pas encore à ceux du Québec et du reste du Canada. Brandon Saad et T.J. Miller sont des gars de Pittsburgh. Il y a 30 ans, ils auraient joué pour Penn State ou Pitts au football parce qu’ils étaient des naturels et qu’ils avaient la stature pour jouer. Il y a 30 ans, les Américains qui perçaient étaient petits et rapides. Mais les Saad et Miller démontrent que les athlètes d’élite délaissent les autres sports au profit du hockey qui est d’ailleurs le seul sport en croissance chez les jeunes », ajoute fièrement l’un des associés de Mario Lemieux.

Apprendre à jouer

Les succès des Penguins et des Kings en matière de développement du hockey mineur ont incité la LNH à créer, en collaboration avec l’Association des joueurs, le programme « Learn to Play » qui impliquera les 31 clubs du circuit.

Sans vouloir dévoiler les sommes investies dans ce programme parrainé par Connor McDavid et qui vise à attirer les jeunes au hockey et à leur apprendre les rudiments du sport comme le dit son nom, Bill Daly, le bras droit de Garry Bettman à la LNH, a convenu qu’elles s’élevaient à plusieurs dizaines de millions $.

« On va se servir de l’exemple des Penguins et des Kings pour offrir gratuitement de l’équipement aux jeunes. De l’équipement qui sera réutilisé auprès d’autres jeunes qui suivront. Ces millions ne représentent pas une dépense, mais bien un investissement, car en développant le hockey mineur on assure la pérennité de nos franchises dans leurs marchés. Les Penguins et les Kings le démontrent. Les Coyotes de Phoenix l’ont démontré aussi en attirant la curiosité d’un jeune du nom d’Auston Matthews qui est devenu un tout premier choix au repêchage et qui est déjà une grande vedette dans la LNH », a souligné Daly qui voit dans ce programme non seulement un moyen d’attirer les jeunes vers le hockey, mais de les garder intéressés.

En plus du développement agressif du hockey mineur aux USA, l’Europe continue de développer des joueurs qui sont de plus en plus nombreux à traverser l’Atlantique pour venir briller dans la LNH ou simplement y occuper un rôle de soutien.

À cette compétition venant du Sud et de l’Est, il est impératif de prévoir celle qui pourrait éventuellement venir d’Asie où la Ligue nationale tient à s’installer au cours des prochaines années.

Il sera intéressant de voir comment le Québec, et le reste du Canada qui est beaucoup moins menacé, s’y prendront pour maintenir la popularité du hockey sur le plan de la participation tout en tentant d’offrir une chance aux plus talentueux de se développer afin de rivaliser avec les candidats aux 713 postes qui seront disponibles dans la LNH l’an prochain avec l’entrée en scène des Golden Knights de Las Vegas. Les 736 lorsque la LNH gonflera ses rangs à 32 équipes.