Le choix des experts

DENVER – Bien allongée à l’intérieur du coffre à bord duquel elle fait chaque année le tour de la planète hockey, escortée par son ange gardien Phil Pritchard, la coupe Stanley est arrivée à Denver en fin d’après-midi lundi.

Elle y a rejoint Steven Stamkos et ses coéquipiers du Lightning de Tampa Bay qui l’ont précédée au Colorado de quelques heures seulement.

Quant à leurs rivaux de l’Avalanche, ils piaffent d’impatience depuis qu’ils ont réglé le cas de Connor McDavid et des Oilers en quatre petites parties pour revenir en grande finale pour la première fois depuis leur conquête du printemps 2001.

Nous y voilà donc : enfin! La grande finale de la coupe peut maintenant commencer. Une grande finale qui sera bonne. Non! Une grande finale qui sera très bonne. Bien meilleures que les deux dernières alors que le Canadien l’an dernier et les Stars de Dallas, il y a deux ans, s’y sont rendus alors qu’ils n’auraient pas dû s’y rendre. C’est tout à leur honneur, cela dit, mais une fois en grande finale, le CH comme les Stars n’ont pas été en mesure d’offrir l’opposition nécessaire pour donner une grande finale aux amateurs de hockey qui l’espéraient.

Cette année, la grande finale oppose les deux meilleures équipes de la LNH. Pas juste parce qu’elles ont réussi à se rendre jusqu’ici, mais parce qu’elles le sont, chacune à leur façon, depuis le début de l’année.

Qui va gagner?

Favoris depuis le premier jour de la saison, l’Avalanche semble avoir une longueur d’avance. Du moins dans les pronostics.

C’est normal! Ils ont amorcé les séries en balayant les Predators de Nashville. Ils ont ensuite eu besoin de six matchs pour battre des Blues de Saint Louis dans une série qui aurait pu être bien plus expéditive. Quant à la finale de l’Ouest, elle n’a été que formalité.

Dans les patins de Bobby Orr

Comme ses résultats en saison régulière l’ont clairement établi, comme ses résultats en séries l’ont plus clairement encore confirmé, l’Avalanche forme une formidable machine de hockey.

Gabriel Landeskog est un leader de premier plan.

Nathan MacKinnon a prouvé, en finale de l’Ouest, qu’à défaut d’être considéré comme le meilleur joueur de hockey au monde, il est bien capable d’éclipser le meilleur joueur de hockey au monde avec des performances qui ont permis d’éclipser celles de McDavid.

MacKinnon est mieux entouré au Colorado que McDavid l’est à Edmonton. C’est clair. Mais c’est justement ça le hockey : aussi bons soient tes meilleurs éléments, il est impératif qu’ils soient bien entourés, car à l’impossible nul n’est tenu. Et dans ce cas-ci, l’impossible pour McDavid – et on peut ajouter le nom de Leon Draisaitl ici – était de faire contrepoids à toutes les forces de l’Avalanche.

Landeskog est un grand capitaine. MacKinnon est un grand joueur. Mais l’un et l’autre ne sont pas les meilleurs joueurs de leur équipe. Du moins pas depuis le début des séries. Et si la tendance se maintient, ce n’est pas demain qu’ils le seront à nouveau.

Pour le moment, et il ne donne aucune indication d’une baisse de régime à court ou moyen terme, Cale Makar est le meilleur joueur de l’Avalanche. Pas juste le meilleur défenseur, le meilleur joueur tout court.

Considérant tout le talent de ses coéquipiers les plus en vue, c’est tout un honneur pour le jeune arrière. Mais ça ne s’arrête pas là. Non seulement Makar est déjà considéré comme l’un – et peut-être déjà le – des meilleurs défenseurs de la Ligue, mais plusieurs vieux de la vieille voient en lui l’arrière qui se rapproche le plus de Bobby Orr. Rien de moins!

L’Avalanche c’est bien plus que Makar, MacKinnon et Landeskog. C’est aussi un groupe de joueurs de soutien de premier plan. Les partisans du Tricolore retrouveront d’ailleurs un Artturi Lehkonen bien plus en vue avec l’Avalanche qu’il ne l’était avec le Canadien. Un « roi Arttur » qui a marqué cette année encore, et en prolongation s’il vous plaît, le but qui a envoyé son équipe en finale de la Coupe Stanley.

L’Avalanche c’est aussi Devon Toews qui, dans l’ombre de Makar, s’est hissé parmi les défenseurs les plus efficaces de la LNH. C’est aussi Jared Bednar, un entraîneur-chef peu connu, un coach qui est loin de faire du marketing en entrevue tant il est beige dans sa manière d’être et plus encore dans ses propos, mais il demeure tout un homme de hockey.

Et puis, l’Avalanche, c’est aussi Joe Sakic qui est devenu l’un des bons directeurs généraux de la LNH. Sans oublier que l’Avalanche et Sakic représentent toujours les Nordiques que plusieurs fans de hockey de Denver gardent bien en vie en endossant les chandails des « Nords » ne serait-ce que pour remercier Québec de leur avoir fait un si beau cadeau en 1995...

Pour un gars de Québec, comme moi, un amateur de hockey dont les artères transportent encore des gouttes de sang bleu – et pas juste parce qu’elles manquent un brin ou deux d’oxygène – ce facteur devrait m’inciter à suivre la tendance populaire et à favoriser l’Avalanche pour remporter le troisième championnat de son histoire : après celui de 2001 gagné en sept parties par Patrick Roy aux dépens de Martin Brodeur et de ses Devils du New Jersey; après celui de 1996, gagné par balayage contre des Panthers de la Floride qui avaient été rappelés à l’ordre en grande finale après trois rondes des plus surprenantes.

Après tout : jamais deux sans trois, comme le prétend le proverbe.

Vasilevskiy tranchera en faveur de Tampa

Je vais m’appuyer sur le même proverbe selon lequel il n’y a jamais deux sans trois. Mais ce jamais deux sans trois se concrétisera par une troisième conquête consécutive pour le Lightning de Tampa Bay et non un troisième titre pour les anciens Nordiques.

Bon!

Ce sera bien plus dur que l’an dernier quand les « Bolts » ont électrocuté Carey Price, Shea Weber et le Canadien en cinq petites parties. Plus dur aussi qu’il y a deux ans avec la victoire en six matchs contre les Stars de Dallas.

Mais je crois fermement que le Lightning va gagner.

Il devra toutefois le faire en six matchs, car l’atmosphère étant ce qu’il est ici à Denver – et je ne parle pas seulement de l’oxygène qui se fait un peu plus rare à 1,6 kilomètre au-dessus du niveau de la mer – je ne vois pas comment l’Avalanche pourrait perdre un septième match devant ses partisans.

Même contre le Lightning.

Je crois que Tampa va gagner parce que tout ce que j’ai écrit plus haut de bien et de beau sur les meilleurs éléments de l’Avalanche, je peux l’écrire de nouveau pour décrire les meilleurs éléments des Bolts.

Stamkos, Nikita Kucherov et Victor Hedman peuvent rivaliser sur bien des fronts avec Landeskog, MacKinnon et Makar.

Ondrej Palat est un monstre d’efficacité et de ténacité depuis le début des séries. Tout comme Anthony Cirelli. Et que dire d’autre d’Alex Killorn qui est le parfait soldat pour aller gagner une à une les batailles qu’il livre aux quatre coins de la glace.

Et si je crois dur comme fer comme je l’ai écrit plus haut que Sakic doit maintenant être considéré comme l’un des bons DG de la Ligue, je crois plus fermement encore que Julien BriseBois est le meilleur de tous.

Et non ce n’est pas juste parce qu’il est Québécois!

Quand on considère comment BriseBois et son état-major – qui est celui comptant le plus de Québécois de toute la LNH on doit le souligner – ont composé avec le plafond salarial au cours des dernières années et comment il a pu remplacer la perte des trois joueurs qui composaient un troisième trio qui a conduit son équipe aux grands honneurs l’an dernier, le qualificatif remarquable est loin d’être exagéré pour auréoler le travail du grand patron du Lightning.

Quand, des directeurs généraux aux joueurs de soutien en passant par les vedettes et les jeunes qui sont en voie de la devenir sont aussi bons que ceux de l’Avalanche et du Lightning, quand deux équipes présentent autant de raisons valables de les favoriser pour sortir gagnantes d’une finale qui s’annonce comme l’une des meilleures des dernières années, peut-être l’une des meilleures de l’histoire, on se tourne vers les gardiens pour trancher et y aller d’une prédiction qu’on souhaite le plus proche possible de la réalité.

Et si ces deux clubs sont nez à nez à l’attaque et peut-être aussi à la ligne bleue – je donne malgré tout un petit avantage aux Bolts – devant le filet il n’y a pas photo.

Même s’ils étaient envoyés tous les deux devant le filet de l’Avalanche, Darcy Kuemper et Pavel « Frankie » Francouz ne peuvent rivaliser avec Andreï Vasilevskiy.

Et c’est là que ça va se jouer.

Vasilevskiy vient de sortir gagnant d’un grand duel l’opposant à son compatriote des Rangers Igor Shesterkin en finale de l’Est. Un duel gagné contre le seul gardien qui peut prétendre au titre de meilleur portier de la LNH que détient Vasilevskiy depuis qu’il a détrôné Price.

Vasilevskiy devrait sortir gagnant en grande finale aussi.

J’écris « devrait », car rendu en finale de la Coupe Stanley les grands principes ne sont pas toujours respectés. Surtout que l’Avalanche a prouvé que ses attaquants et ses défenseurs sont capables de faire contrepoids à la vulnérabilité de leurs gardiens.

Mais j’aime vraiment les chances du Lighnting. Pourvu que la série ne se prolonge pas jusqu’à la limite des sept matchs. Car là ça deviendrait compliqué.

D’ici là et en dépit du fait que j’aimerais bien compléter mon tableau des séries avec une 12e bonne prédiction sur les 13 lancées – les Oilers m’ont fait mentir en battant les Flames en deuxième ronde – souhaitons-nous d’abord et avant tout une grande finale de la Coupe Stanley.

Prédiction : Tampa en 6