Huit cent quatre-vingt-quatorze buts. La possibilité de voir le record de Wayne Gretzky être battu, une hérésie il n’y a pas si longtemps, devient réelle. Une improbable course contre la montre qui risque de retenir l’attention du monde du hockey au cours des prochaines années. Signée, Alexander Ovechkin.

Avec 636 buts en date d’aujourd’hui, Ovie est maintenant à 258 du grand Wayne. Ce ne sera pas facile. Mais c’est possible. Évidemment, plusieurs facteurs sont à considérer, à commencer par la vitesse à laquelle s’effectuera le déclin d’Ovechkin, qui aura 34 ans en septembre prochain. Tentons d’y voir plus clair.

L’une des premières données à considérer est la moyenne de but par match. Celle d’Ovechkin s’établit actuellement à 0,614. La moyenne de Gretzky est à 0,601. Il faut bien sûr comprendre qu’en fin de carrière, la moyenne d’Ovechkin sera appelée à diminuer. Mais jusqu’à quel point? À 33 ans, le grand Russe remplit actuellement le filet à un rythme inégalé au cours de sa carrière.

En étant conservateur, on peut évaluer qu’au terme de cette saison, Ovechkin comptera au moins 660 buts. Après sa saison de 33 ans, Gretzky, lui, en avait 803. Au même point de leur carrière, c’est un retard de près de 140 buts qui semble à première vue difficile à combler. Ce qu’on doit garder en tête, par contre, c’est que Gretzky, de 34 ans jusqu’à la fin de sa carrière, n’a touché la cible qu’à 91 reprises. Un total qu’Ovie devrait largement dépasser, si bien sûr il demeure en santé. Mais peut-il surpasser ce total par au moins 140 buts supplémentaires? Si un argument joue en faveur du no 8, c’est bien la santé; celui-ci n’a raté que huit matchs au cours des sept dernières années.

La qualité et la stabilité de son entourage joueront un rôle important. Ainsi, on peut imaginer que contrairement à Gretzky, qui a joué pour trois équipes différentes au cours de ses quatre dernières saisons, Ovechkin pourrait demeurer à Washington jusqu’à la fin de sa carrière. Si c’est bel et bien le cas, avec Nicklas Backstrom et Evgeny Kuznetsov, deux centres plus jeunes que lui, Ovechkin aura la possibilité de continuer de marquer à la tonne, entouré de passeurs exceptionnels et dans un système basé sur l’attaque, jusqu’à preuve du contraire.

Mais qu’en est-il des meilleurs buteurs « à leurs vieux jours »? Mark Messier a marqué 47 buts à 34 ans. Johnny Bucyk en a inscrit 51 à 35 ans et 40 autres à 37 ans. Teemu Selanne a obtenu 48 buts à 36 ans. Brett Hull, lui, a fait scintiller la lumière rouge 37 fois à l’âge de 38 ans. Sans oublier M. Hockey. Gordie Howe a touché la cible 39 fois pour chacune de ses 39 bougies en 1967-1968. Doit-on rappeler que pour l’instant, Ovechkin présente une meilleure moyenne de but par match que toutes ces légendes?

Si on reprend notre total conservateur de 660 buts pour Ovechkin à la fin de la présente saison, il lui en resterait donc 234 à marquer pour atteindre les 894 de Gretzky. Or, à 34 ans, ce ne serait pas du jamais-vu. Selanne, bien qu’il ait joué jusqu’à l’âge vénérable de 43 ans, a frôlé ce total en inscrivant 232 buts de 34 ans jusqu’à la fin de sa carrière. À une autre époque, Bucyk en a marqué pas moins de 275 à partir du même âge. Jaromir Jagr, lui, en a obtenu 175 à partir de 34 ans, et ce malgré trois saisons passées en KHL. Brett Hull, l’un des meilleurs francs-tireurs de l’histoire, a inscrit 187 buts de 34 à 39 ans.

La comparaison avec Hull se veut des plus intéressantes. Ce dernier a touché la cible 187 fois avec deux équipes différentes de 1998 à 2004. Au cours de ces saisons-là, une équipe marquait en moyenne 2,66 buts par match dans la LNH. Mais alors, pourquoi Ovechkin, un franc-tireur probablement plus dangereux encore que Hull ne l’était, n’arriverait pas à en inscrire 234, alors que la moyenne de buts, qui augmente sans cesse depuis trois ans, s’établie cette saison à 3,08 par match? Une chose est sûre; l’attaque est à la mode dans la LNH, et cela pourrait servir Ovie.

Ovechkin a déjà mentionné qu’il allait considérer « toutes les options » une fois son présent contrat terminé, en 2021. Mais si une fin de carrière en Russie n’est pas à écarter, il est loin d’être assuré qu’Alexandre le Grand ne voudra pas continuer de remplir le filet dans la meilleure ligue au monde. Car si le fait d’avoir son nom gravé sur la coupe Stanley pourrait l’amener à terminer sa carrière en KHL, la possibilité de se positionner au sommet de la colonne des buteurs de l’histoire de la LNH, devant la Merveille, pourrait certainement l’inciter à terminer son œuvre en Amérique du Nord.

Enfin, certains se feront un devoir de rappeler les conséquences des conflits de travail dans ce calcul. D’abord, on peut s’entendre qu’Ovechkin (2012-2013) et Gretzky (1994-1995), ont dû se plier à une demi-saison de 48 matchs en raison d’un lock-out. Par contre, il faut mentionner que contrairement à Gretzky, Ovechkin a dû rater, en plus, une saison complète de jeu pour les mêmes raisons. C’était en 2004-2005. Ainsi, on peut penser qu’Ovie aurait pu amasser au moins une quarantaine de buts supplémentaires, considérant qu’il en a marqué 52 à sa première saison, en 2005-2006. Dire que si ç'avait été le cas, la question aujourd’hui ne serait peut-être pas « si » Ovechkin rattrapera un jour le grand Wayne, mais « quand » cela se produira…

Assisterons-nous à la réécriture de l’une des plus grandes pages de l’histoire du hockey? Sommes-nous actuellement témoins des exploits du plus grand marqueur de tous les temps? L’avenir nous le dira, mais le chemin est bien entamé.

Ce soir, le panel de l’Antichambre analysera la question. Une émission à ne pas manquer vers 21 h 30, après le match des Sénateurs, en compagnie de Mario Tremblay, Mathieu Darche et Gilbert Delorme.