MONTRÉAL – Gino Odjick a pleuré du début à la fin de l’entrevue. Son cœur est brisé en 215 morceaux, pour chacun des 215 enfants morts au Pensionnat indien de Kamloops. 

Mais Odjick tenait à parler publiquement pour que la découverte de ce drame indescriptible éloigne le racisme, dont celui envers les autochtones, pour toujours. 

Sauf que la douleur est si vive que l’ancien hockeyeur peine à trouver les mots. Même s’il possédait encore la force de sa vingtaine, il ne serait pas capable de repousser cette horreur de ses pensées. 

« Ce n’est pas facile ... On n’aurait jamais cru vivre ça, les pauvres jeunes », est parvenu à prononcer Odjick au RDS.ca. 

Ça faisait longtemps que les communautés autochtones suspectaient des horreurs dans ces pensionnats – répandus à travers le Canada – qui étaient administrés par l’Église catholique. Toutefois, personne n’osait s’imaginer une réalité aussi troublante. 

« C’est ça, 215 enfants, ce n’est pas croyable. Je n’aurais jamais pensé qu’une chose comme ça était arrivée. Comment ont-ils pu s’en sortir, ces gens-là? », s’est demandé Odjick avec désolation. 

Sur le coup, Odjick a immédiatement pensé à son père qui avait été contraint vivre dans un tel pensionnat, à Kenora en Ontario, loin de sa famille au Québec. 

« Je me suis dit ‘Mais qu’est-ce qu’il a pu endurer, pauvre yable’... Il n’a jamais été capable de parler de son expérience avec nous, ses enfants », a raconté Odjick avec le souffle coupé par l’émotion. 

Son père est décédé il y a sept ans, mais toute la famille d’Odjick habite encore au Québec. Il s’est donc tourné vers sa mère et ses sœurs pour obtenir du réconfort et leur en procurer par la bande. 

Sa famille a d’ailleurs rendu hommage à son père sur Facebook puisqu’il est un survivant de ces pensionnats. Justement, il offre son appui moral à ceux qui ont survécu aux atrocités de l’institution de Kamloops. 

« Ils ont été marqués toute leur vie, avec l’alcool et tout ça. Ils n’ont pas été capable de surmonter ça », a réfléchi Odjick, originaire de Maniwaki, avec compassion.

Comme l’a si bien – et si tristement - dit Richard Kistabish en entrevue à Radio-Canada, « la plupart des enfants qui ont passé par là, ce sont de grands brûlés de l’âme ».

Les athlètes, dont Carey Price, pourraient jouer un rôle important 

Au cours de la dernière année, des athlètes professionnels ont exercé une influence positive en permettant au mouvement Black Lives Matter de prendre de l’ampleur. 

Odjick, qui n’a jamais eu peur de se prononcer, aimerait que les sportifs autochtones utilisent leur notoriété dans ce sens. Mais comme il le dit si bien, il faudra d’abord encaisser le douloureux choc. 

« J’aimerais ça, mais il va falloir attendre d’être capable de parler avant de pouvoir le faire. On vit tellement d’émotions présentement », a-t-il déclaré en peinant à finir sa touchante phrase. 

Ce n’est pas du tout dans sa nature puisqu’il adore être dans l’ombre quand il n’est pas sur la patinoire, mais Carey Price, qui est originaire de Colombie-Britannique, aurait une portée considérable dans une telle initiative. Odjick ne veut surtout pas lui imposer de pression et encore moins durant les séries. Mais, quand on lui pose la question, il avoue que ce serait bien que Price s’implique d’une quelconque façon. 

« Ouais, quand la saison sera finie, ce n’est pas le temps présentement », a répondu l’homme de 50 ans qui subira bientôt le dernier d’une série de traitements de chimiothérapie. 

Au Québec, le décès de Joyce Echaquan a conscientisé bien des gens à un problème qui persiste. En Colombie-Britannique, Odjick est touché par la réaction de la population au drame de Kamloops. Il ne peut qu’espérer que ça mènera au point final du racisme. Après tout, voilà la seule parcelle positive que l’on peut trouver dans une terre entachée par les restes de 215 enfants. 

« J’aimerais que les gens continuent de comprendre et de nous supporter, on l’apprécie beaucoup. C’est tout ce que je suis capable de dire aujourd’hui », a conclu Odjick qui aura besoin de temps pour recoller les 215 morceaux de son cœur.