Entre 1980 et 1993, Wayne Gretzky figurait au premier rang pour le total de points amassés dans la LNH. Si on vous posait la question : Qui est le joueur qui était au 2e rang pendant ces 13 saisons?

 

Au départ, vous penserez probablement à des joueurs comme Mario Lemieux, Mark Messier, Paul Coffey ou Dale Hawerchuk, mais aviez-vous pensé à Peter Stastny? 

 

Pendant 13 ans, c'est lui qui évoluait dans l'ombre de Gretzky au chapitre des points. Au terme de la saison 1992-1993, Gretzky totalisait 2185 points en 960 matchs, contre 1219 en 949 rencontres pour Stastny. 

Peter Stastny tout juste derrière Gretzky

 

Étant né en 1983, l'auteur de ces lignes n'était pas assez âgé pour savourer les exploits du grand Peter Stastny dans l'uniforme des Nordiques. Les plus jeunes qui regardent les matchs opposant les Canadiens aux Nordiques cette semaine ne réalisent probablement pas à quel point il a été dominant dès son arrivée à Québec. Il a remporté le trophée Calder à sa première saison avec un total de 109 points. Il obtiendra au moins 100 points à ses 6 premières saisons et même 7 fois en 8 ans. 

 

Cette semaine, RDS présente des matchs marquants de la rivalité Canadiens-Nordiques. L'occasion est belle pour les nostalgiques de replonger dans une période faste du hockey québécois. Pour les plus jeunes, c'est une occasion de mesurer à quel point cette rivalité était plus grande que nature. 

 

D'un côté, les partisans du Canadien de Montréal qui encouragent l'équipe la plus titrée de l'histoire de la LNH et de l'autre, les amateurs des Nordiques de Québec qui ont vu leur équipe accéder au circuit lors de la saison 1979-1980 et qui souhaitent voir leurs favoris éliminer leurs rivaux coûte que coûte. À cette époque, c'est un peu David contre Goliath. 

 

Au début des années 1980, l'arrivée de Peter et de ses frères Anton et Marian a dynamisé l'équipe, la ville et la ligue. 

 

Dans le cadre de ces rencontres spéciales présentées sur nos ondes, Stastny a généreusement accepté de replonger dans plusieurs souvenirs de son illustre carrière de 977 matchs dans la LNH. À travers différents thèmes, Peter nous raconte comment il a vécu les différentes étapes de sa carrière.

 

Le déchirement, puis le rêve

 

Notre arrivée à Québec, en quittant la Tchécoslovaquie, c'était très émotif et dramatique. Pas simplement au niveau sportif. Il s'agissait d'une nouvelle vie pour moi et mes frères, Anton et Marian (Marian a rejoint ses frères un an plus tard). Nous avons quitté notre pays dans des circonstances difficiles à la recherche de liberté et dans le but de réaliser nos rêves. Dès le départ, c'était comme vivre dans un rêve. Nous connaissions le Canada et c'était tout ce dont nous avions rêvé et même plus! 

 

En 1976, nous avons disputé le tournoi Coupe Canada et avons affronté la Suède à Québec. Tous les billets étaient vendus et les gradins étaient remplis. Nous passions de jouer des matchs devant des foules de 6 mille spectateurs à des foules de plus de 15 mille personnes. 

 

Tout était nouveau à notre arrivée en 1980. La distance des voyages, le niveau de compétition et l'intérêt des médias, qui était sans précédent. Personne ne couvrait le hockey comme au Canada. Une dizaine de représentants des médias voyageaient avec nous, tout était nouveau et emballant. 

 

La charge de travail était également beaucoup plus imposante. Nous étions habitués de disputer une quarantaine de matchs par saison, mais ici on devait en jouer 80. Le niveau d'intensité était très élevé. Nous avons frappé un mur après Noël, mais les choses sont devenues plus faciles après la pause du match des étoiles. 

 

Nous avons atteint les séries. C'était le rêve! Les gradins étaient remplis, les gens étaient heureux et nous, nous étions des vedettes. 
 

On profitait de chaque moment autant au niveau sportif, qu'au niveau familial. Ma fille Katarina est née le 14 septembre, juste avant le début de la saison. C'était donc mémorable à tous les points de vue.

 

« Des voleurs d'emplois »

 

Aujourd'hui, l'origine des joueurs n'a pas d'importance, mais à ce moment, nous avions une cible sur notre dos, sur notre tête, en fait partout! Nous étions perçus comme des voleurs d'emplois par les joueurs américains et canadiens. Ce n'était pas facile, mais nous étions prêts à y faire face. On l'a senti, on l'a entendu. Nous avons subi de l'abus verbal et de la provocation, mais nous l'avons abordé comme un défi. Je ne reculais devant personne. J'avais plusieurs ecchymoses sur les épaules, les avant-bras, bref, partout sur le corps. Je recevais des coups de bâton, on me dardait, on me donnait des double-échecs. Le pire, c'est que mes assaillants ne recevaient jamais de pénalité! Je devais me tourner et leur donner un coup au visage pour que l'officiel se décide à punir... les deux joueurs!

 

Se faire justice soi-même

 

Je rigolais dernièrement en comparant le basketball au hockey. Au basketball, quand il y a contact avec les mains, on signale une faute. Aujourd'hui au hockey, c'est la même chose! Cela permet aux meilleurs joueurs d'évoluer en avantage numérique. À mon époque, il fallait tirer un joueur de 200 livres qui te retenait! Ils faisaient pratiquement du ski nautique derrière moi, c'était terrible! Il fallait que je me retourne et que je leur donne un coup de coude pour que ce soit finalement puni! Les infractions demeuraient la plupart du temps impunies et c'était fatigant. Pendant l'été, on s'entraînait plus fort pour s'y préparer. C'était drainant et difficile. Jouer avec les règles d'aujourd'hui aurait été beaucoup plus agréable!

 

Dans l'ombre de Gretzky 

 

Je n'ai jamais voulu me comparer à Gretzky. Je voulais simplement jouer du mieux que je le pouvais pour gagner pour les partisans et l'équipe. À l'époque l'association de l'ouest prônait un style de jeu très ouvert et beaucoup de buts étaient marqués. De notre côté, nous affrontions des équipes qui figuraient constamment parmi les meilleures au chapitre de la fiche défensive. Des équipes comme Montréal, Boston et Buffalo misaient sur des styles défensifs et sur de meilleurs gardiens qui accordaient moins de buts. Tôt dans les années 1980, nous étions parmi les meilleures équipes offensives. Les Nordiques et les Oilers étaient les plus talentueux et les plus agréables à regarder. 

 

Nous avons participé aux séries éliminatoires pendant 7 saisons consécutives, entre 1981 et 1987. Ce furent des années en or pour les Nordiques et leurs partisans. C'était très spécial d'en faire partie.

 

Une rivalité émotive

 

La rivalité contre le Canadien était incroyable. Nous étions le petit frère du grand frère célèbre. Le Canadien était l'équipe la plus titrée dans le sport. On voulait seulement que les partisans croient qu'on pouvait les battre. Nous ressentions tellement une grande satisfaction quand on les battait !

 

Nous avons déjà affronté Montréal 18 fois au cours d'une saison, en comptant trois matchs préparatoires et les séries, c'était fou! 

 

Les médias contribuaient à faire grossir la rivalité. Chaque fois qu'on affrontait le Canadien, ils en parlaient plusieurs semaines à l'avance et parlaient aux joueurs pour trouver la moindre citation qui pourrait provoquer l'adversaire. L'intensité atteignait son apogée juste avant le match.

 

C'était une véritable guerre dès la première mise en jeu, le jeu était très physique. Nous étions tellement motivés, on ne voulait pas décevoir nos fans et nos coéquipiers. 

 

C'était énorme, on ne devait même pas les battre et on les a battus en 1982 et en 1985. 

 

Nous étions aussi bons ou meilleurs qu'eux et nous avons rendu tellement de gens heureux. C'était très émotif et parfois les émotions débordaient. Il y avait des conséquences.

 

L'histoire d'amour avec la ville de Québec

 

Québec, c'était comme au paradis. Nous étions aimés sur la glace, le Colisée était rempli à chaque match, nous étions reconnus partout. On vivait un rêve!
 

Lors de la première année, nous habitions Saint-Nicolas, près du Parc Chaudière et ensuite St-Rédempteur pendant 15 ans. C'était magnifique avec la piscine et la rivière. Les quatre enfants sont nés là. Ils couraient partout, c'était un environnement magnifique avec des voisins fantastiques, avec qui nous sommes toujours en contact. Nous conservons des souvenirs merveilleux de cette époque. Au niveau de la vie privée, nous avons trouvé tout ce dont nous rêvions. La liberté, la joie et les amitiés. Sur la patinoire, nous souhaitions contribuer aux succès de l'équipe. Nous n'avons jamais gagné la coupe Stanley, mais nous avons atteint deux fois la finale de conférence. Québec vivait du hockey. C'étaient des années en or pour Québec, pour moi et mes frères. C'était la meilleure période de hockey de nos carrières.

 

L'évolution du hockey

 

J'apprécie regarder les matchs aujourd'hui, mais en même temps je le fais avec nostalgie. Maintenant tout le monde joue comme le Canadien à l'époque en prônant principalement des systèmes de jeux défensifs. Les athlètes ont évolué. Ils sont mieux entraînés et plus disciplinés. Quand on se met à patiner avec la rondelle, c'est comme foncer dans un mur. Les gardiens ont doublé ou triplé au niveau de l'équipement. À l'époque, on voyait beaucoup le filet en levant la tête vers le but adverse. Maintenant, on ne voit que le gardien et les poteaux! C'est beaucoup plus difficile de marquer des buts. Malgré tout, j'apprécie encore beaucoup regarder des matchs et j'en regarde autant que possible. Le fait de regarder mon fils Paul avec les Golden Knights me garde près de l’action. 

 

La situation actuelle

 

Après avoir terminé ma carrière à St. Louis, nous avons déterminé qu'il était mieux pour nous d'y rester pour la famille. Aujourd'hui, les enfants habitent un peu partout à travers les États-Unis, soit à Seattle, dans le Montana, au Colorado ou au Nevada. Je demeure à St. Louis où j'ai pu rejoindre ma femme de justesse en rentrant de la Slovaquie lorsque tout s'est arrêté en raison de la Covid-19. On ne peut sortir que pour aller à l'épicerie et je souhaite que tout le monde s'en sorte le plus tôt possible. J'espère que la science pourra trouver une solution puisque la situation est un désastre pour plusieurs personnes. De notre côté, nous sommes chanceux et nous essayons d'aider autant que possible. On prie pour que la vie normale revienne le plus rapidement possible. J'espère aussi qu'il y aura un retour du hockey et des séries éliminatoires. Que ce soit en juillet, en août ou en septembre, nous allons suivre le tout avec beaucoup d'intérêt. Ma famille et moi sommes affamés de hockey!

Les Nordiques menés par les Stastny

 

Stastny ouvre la marque en avantage numérique