MONTRÉAL - La Ligue nationale de hockey n’avait pas le choix : elle devait congédier Tim Peel en marge du commentaire selon lequel il « tenait à pénaliser rapidement les – vlimeux – Predators de Nashville même si l’infraction qu’il venait de signaler était somme toute mineure. »

 

Le mot vlimeux est de moi. Son qualificatif était, disons, un brin plus désobligeant. De toute façon ce n’est pas pour la forme de son propos que Peel a été congédié, mais bien pour le fond alors que le vétéran de 54 ans admet candidement avoir chassé Viktor Arvidsson pour pas grand-chose.

 

En fait, Peel a fait bien pire que chasser Arvidsson pour pas grand-chose: il l’a chassé afin de niveler rapidement les pénalités. La pire manière de donner une impression d’impartialité.

Et comme c’est Peel lui-même qui a fait cette remarque pendant un arrêt de jeu, en début de deuxième période, alors qu’il échangeait à Filip Forsberg des Predators, on peut se permettre de prendre ses paroles pour du « cash ».

 

Tim Peel a fait ce que de nombreux joueurs, entraîneurs, dirigeants et amateurs de hockey reprochent aux arbitres : il a nivelé les chances en chassant Arvidsson après que ce dernier eut poussé Adam Erne, des Red Wings, à écoper une pénalité à ses dépens en première période.

 

Les Wings n’ont pas marqué pendant l’absence d’Arvidsson. De fait, les Preds ont blanchi les Wings 2-0 dans le cadre de cette partie disputée mardi soir à Nashville. Une rencontre au cours de laquelle Nashville et Detroit auraient écopé le même nombre de pénalités n’eut été du fait que le défenseur des Preds Dante Fabbro a forcé la main des arbitres en tirant la rondelle dans les gradins avec 105 secondes à faire au match. Rendu là, et compte tenu de l’avance de 2-0 des Preds, ce n’était plus la peine de niveler les chances.

 

J’écris ce jugement lapidaire volontairement. Je l’écris pour illustrer la réaction normale provoquée par les « aveux » de Peel.

 

Comme tout le monde, je peste toujours lorsque j’ai l’impression que les arbitres cherchent un moyen d’égaliser les chances au lieu de simplement décerner les pénalités dont ils sont témoins : peu importe le moment du match ; peu importe le score du match ; peu importe la couleur de l’uniforme ; peu importe le nom de celui qui porte l’uniforme ; peu importe la réputation, bonne ou mauvaise, de celui qui porte l’uniforme.

 

Propagée aux quatre coins de la planète hockey par un micro qu’on avait oublié de fermer, la « confession » de Tim Peel fait mal paraître tout le monde. De Peel à ses patrons de la LNH en passant par tous les autres officiels qui devront composer avec les jugements lapidaires qu’ils essuieront dorénavant. Des jugements qui seront appuyés sur les aveux de leur ancien confrère.

 

Respecter le jugement des meilleurs

 

Mais attention avant de généraliser.

 

Tim Peel était loin d’être un bon arbitre. Malgré ses plus de 1330 matchs d’expérience dans la LNH, il n’a chaussé les patins que 90 fois en séries éliminatoires.

 

En comparaison, le Québécois Marc Joannette a arbitré 168 matchs de séries même s’il ne compte que 30 matchs de saison régulière de plus à son arc que Tim Peel.

 

L’excellent Kevin Pollock a franchi le cap des 200 matchs de séries avec une expérience de 1366 parties de saison régulière. Kelly Sutherland (1269 – 189) et Dan O’Rourke (1197 – 148 ) ont atteint les séries bien plus souvent que Peel malgré une expérience moindre. Et que dire de Wes McCauley qui a déjà 165 matchs de séries en dépit le fait qu’il n’a pas atteint les 1100 matchs d’expérience en saison.

 

Tout ça pour dire que le CV de Tim Peel témoignait déjà du fait qu’il était loin de faire partie de l’élite. Il devait d’ailleurs prendre sa retraite dès la fin de la saison Covid. La LNH devrait donc compter sur deux virus de moins la saison prochaine. Ou d’au moins un !

 

Revenons aux autres arbitres et aux réalités avec lesquelles ils composent chaque fois qu’ils endossent leur chandail rayé.

 

Loin d’être parfaits, ces arbitres, même les moins bons, font moins d’erreurs dans le cours normal d’un match que les meilleurs joueurs des deux équipes qui évoluent sous leurs yeux.

 

Ces arbitres sont humains. Il est donc difficile, voire impossible, de leur demander de se limiter aux actes dont ils sont témoins sur la patinoire et de déterminer si, oui ou non, ils doivent lever le bras.

 

Si c’était le cas, Shea Weber irait au moins deux fois par match au cachot pour écoper des pénalités associées aux nombreux doubles-échecs qu’ils distribuent allègrement autour de Carey Price et pour lesquelles le capitaine obtient souvent – peut-être trop – l’absolution des arbitres en raison de son expérience et de sa réputation.

 

Entre tout signaler et tout laisser passer

 

Est-ce que les arbitres affichent parfois plus de sévérité à l’endroit d’un joueur que d’un autre? Sans l’ombre d’un doute.

 

Est-ce qu’ils sont plus intransigeants à l’endroit d’un club qui vient d’avoir deux, trois, ou quatre attaques massives de suite? Sans l’ombre d’un doute.

 

Est-ce que c’est correct? Non!

 

Mais je vous lance cette question toute simple : disons que dans le cadre d’un match entre le Canadien et les Leafs, qu’il soit disputé à Montréal ou Toronto, les arbitres décernaient trois, quatre, cinq voire six pénalités mineures de suite au Canadien. Des pénalités totalement méritées. Des pénalités impossibles à contester.

 

À quoi ressembleraient les réactions collectives des fans du Canadien? Elles iraient des injures à l’endroit des arbitres à l’incantation des théories du complot dénonçant le fait que la LNH favorise toujours les Leafs au détriment du Canadien.

 

Si les Bruins écopaient cinq pénalités mineures consécutives dans un match l’opposant au Canadien? Je craindrais pour la santé physique des fans du Tricolore assis dans les gradins du TD Garden avec sur le dos un chandail bleu-blanc-rouge.

 

Il est là le plus grand des problèmes.

 

D’un côté l’amateur de hockey en nous prône pour la « Justice » sur la patinoire, peu importe les circonstances.

 

D’un autre côté, l’amateur de hockey devenu partisan n’acceptera jamais que des arbitres pénalisent une seule équipe, ou très majoritairement le même club, pendant un match.

 

Pourquoi?

 

Parce qu’à chacune des présences qu’ils effectuent sur la patinoire, les joueurs se rendent coupables d’une ou plusieurs infractions parfois bien mineures, mais des fois moins et des fois pas du tout. Les arbitres ont tellement de circonstances pour sévir qu’ils peuvent « tuer » le spectacle lorsqu’ils décident d’appliquer les règles à la lettre.

 

Et quand ça arrive, les joueurs, les coachs, les dirigeants, les amateurs et les commentateurs sont les premiers à dénoncer le manque de jugement des officiels.

 

Inversement, quand ils rangent leur sifflet et décident de laisser jouer les deux équipes, on les critique tout autant en scandant : « on sait bien, on est rendu en troisième période et là ils acceptent n’importe quoi ! »

 

Sans oublier les directives officieuses de Ligue qui obligent les arbitres à fermer les yeux une fois en séries éliminatoires.

 

Les arbitres ont des mandats difficiles à remplir. En fait, il leur sera toujours impossible de satisfaire tout le monde. Car les jugements qu’ils portent seront toujours remis en cause.

 

L’épisode Tim Peel devrait toutefois les convaincre que tant qu’à être lapidés de critiques d’un côté ou de l’autre, aussi bien éviter de bêtement niveler les chances et de pénaliser les joueurs qui méritent vraiment l’être. Quitte à donner l’impression de changer le cours d’un match. Surtout qu’en nivelant les chances, c’est ce qu’ils font anyway!