LAUSANNE, Suisse - Le Comité international olympique a tranché et a suspendu le Comité olympique russe des Jeux olympiques de Pyeongchang.

Certains athlètes russes seront autorisés à y prendre part, s'ils sont jugés « propres » dans le cadre de contrôles antidopage à long terme pratiqués selon les normes internationales. Ils seraient considérés comme des athlètes neutres en compétition sous le drapeau olympique, et se verraient refuser l'hymne russe s'ils gagnent l'or olympique. Ces règles ont été imposées aux athlètes russes lors des Championnats du monde d'athlétisme en août.

Cette décision a été prise par la commission exécutive du CIO réunie à Lausanne, moins de neuf semaines avant l'ouverture des Jeux de 2018, le 9 février, en Corée du Sud.

« C’est une mesure qui était attendue, qui est nécessaire et qui est la bienvenue, a déclaré à RDS la directrice du Laboratoire de contrôle de dopage de l'INRS, la docteure Christiane Ayotte. Je pense que ça répond à ce que la communauté internationale demandait. Je pense que c’est ce qui était nécessaire pour que les Russes reconnaissent l’étendue du problème, ce qu’ils ont toujours nié depuis le début des rapports McLaren. Ils ont toujours nié qu’il s’agissait d’un système de dopage qui était le fait de plus que le directeur du labo et ses acolytes. Les Russes vont devoir maintenant faire amende honorable et sans ça c’est impossible pour eux de prendre position contre le dopage, de renverser un système qui est en place depuis 60 ans et de supporter des mesures qui vont viser non pas à le cacher mais plutôt à le combattre comme on le fait ailleurs. »

« Les sanctions annoncées aujourd’hui par le Comité international olympique (CIO) sont encourageantes, et nous espérons qu’elles seront porteuses de changements positifs pour le sport propre et éthique, a pour sa part indiqué Tricia Smith, présidente du Comité olympique canadien. Le COC croit fermement à l’esprit sportif. Nous sommes également convaincus que le sport propre et éthique ne connaît pas de frontières, et que les normes acceptées de tous doivent être respectées. Le sport n’est sport que si tous observent les mêmes règles. »

En date de lundi, 25 athlètes russes ont été disqualifiés des Jeux de Sotchi et exclus à vie des Jeux olympiques, et 11 médaillés ont perdu leur breloque. Un athlète russe a été blanchi.

La Russie n'occupe plus le sommet du classement des médailles des Jeux de Sotchi. Les athlètes exclus ont déclaré qu'ils feraient appel au Tribunal arbitral du sport (TAS), à Lausanne.

« Il s'agit d'une attaque sans précédent contre l'intégrité des Jeux olympiques et du sport », a estimé le président du Comité international olympique, Thomas Bach, à propos du dopage institutionnalisé mis en place par la Russie entre 2011 et 2015, notamment pour les JO 2014 à Sotchi.

« En tant qu'athlète, je suis désolé pour tous les athlètes propres des autres comités nationaux olympiques qui ont subi cette manipulation », a ajouté Thomas Bach. Le CIO a suspendu la Russie pour les JO 2018, une première dans l'histoire de l'olympisme pour des raisons sportives liées au dopage.

La Russie a nié à plusieurs reprises l'existence d'un programme de dopage parrainé par l'État. Elle blâme Grigory Rodchenkov, l'ancien directeur des laboratoires antidopage de Moscou et Sotchi, et demande l'extradition du scientifique des États-Unis, où il est un témoin protégé.

La délégation russe à cette réunion comprenait Alexander Zhoukov, membre du CIO et président du Comité olympique russe, et Evgenia Medvedeva, championne du monde de patinage artistique.

Bach et Poutine n'ont pas discuté

Thomas Bach, n'a « pas discuté » avec le président russe Vladimir Poutine de la question de la suspension de la Russie.

« Je n'ai pas discuté de cette question avec le président de la Fédération de Russie », a déclaré M. Bach lors d'une conférence de presse après l'annonce de la décision.

Le Suisse Samuel Schmid, qui a présidé l'une des deux commissions disciplinaires du CIO, a indiqué pour sa part que sa commission n'avait « pas la preuve d'une implication directe » de M. Poutine dans le programme de dopage institutionnalisé mis au jour par le rapport McLaren de l'Agence mondiale antidopage et qui justifie la suspension de la Russie.

Par ailleurs, le CIO impose une suspension olympique à vie au vice-premier ministre russe Vitali Moutko, responsable de la Coupe du monde de soccer 2018.

La genèse

Près de 17 mois après les révélations en juillet 2016 du rapport McLaren, établissant un dopage institutionnalisé dans le sport russe entre 2011 et 2015, avec l'implication de Moscou et des services secrets (FSB), le CIO a donc décidé de prendre ses responsabilités et de sanctionner la Russie.

Avant les JO-2016 à Rio, l'instance suprême de l'olympisme avait renoncé à suspendre la superpuissance sportive, renvoyant aux fédérations internationales le rôle de faire le tri au sein des sportifs russes, un procédé qui avait été vivement critiqué à l'époque. Au final, seul l'athlétisme avait durement sanctionné la Russie, qui avait présenté une délégation de 276 sportifs à Rio, contre 387 envisagé initialement.

Mais après un an et demi d'enquête de deux commissions, mises sur pied par le CIO et présidées par les Suisses Denis Oswald et Samuel Schmid, les preuves amassées étaient bien trop importantes pour se décharger une nouvelle fois.

Les conclusions présentées mardi après-midi à Lausanne devant les 14 membres de la commission exécutive et le président Bach sont accablantes pour la Russie.

Les premiers signaux d'un durcissement du ton du CIO avaient été envoyés tout au long du mois de novembre par la Commission Schmid, qui a disqualifié 25 sportifs russes des JO-2014, retirant ainsi un tiers des médailles russes remportées sur les bords de la Mer Noire à Sotchi, dont quatre titres sur treize.

Cette décision met le président russe Vladimir Poutine devant ses responsabilités, avec le choix à un peu plus de trois mois de l'élection présidentielle, de l'humiliation ou du boycott.

« Un boycott olympique n'a jamais rien résolu », a d'ores et déjà déminé Thomas Bach, mardi soir.

Le 19 octobre, Poutine avait pourtant prévenu: obliger les athlètes russes à évoluer sous bannière neutre constituerait une « humiliation pour la Russie », estimant qu'une telle décision « ferait du mal au mouvement olympique ».

Avec la décision historique du CIO, le voilà obligé de choisir, soit d'accepter la proposition du CIO, soit d'aller à l'épreuve de force et de boycotter l'édition sud-coréenne des Jeux d'hiver.

Le président du Comité olympique russe Alexander Zhukov - également suspendu mardi - avait clairement expliqué qu'aucun sportif russe ne se rendrait sous drapeau neutre à Pyeongchang.