À l’issue de la première compétition par équipe en patinage artistique aux Jeux olympiques, le Canada remporte l’argent. Belle réussite et beaucoup d’enseignements. Retour sur une compétition qui prépare la glace pour tout le reste.

Après le programme libre en couple, le Canada était en bonne position pour remporter l’argent. Les Russes, forts d’une avance de six points sur le Canada et la deuxième place, n’étaient qu’à quelques points de s’assurer de l’or. Pour ça, ils avaient besoin d’Evgeni Plushenko, qui semble s’être abreuvé à la fontaine de Jouvence au cours des derniers mois.

À 31 ans bien sonnés, il occupe la glace comme il le faisait lors de son sacre olympique à Turin. Et encore plus, il impressionne, il subjugue. Sa légende fait rouler la rumeur dans les gradins, son aura baigne les jeunes patineurs qui s’échauffent autour de lui. J’avais peur de regretter l’acharnement de Plushenko à vouloir patiner aux Jeux de Sotchi, y voyant là un caprice qui risquait de ternir les souvenirs dorés qu’il nous a laissés. Heureusement qu’il a tenu bon pour nous faire la preuve qu’il est comme un grand cru qui gagne en maturité.

Encore une fois, il a survolé la glace. C’était le seul patineur, avec l’Italien (né à Ottawa!) Paul Bonifacio Parkinson, à faire aussi le libre après avoir patiné le court. Pas une mauvaise tactique si on considère le nombre de compétitions internationales ou autres qu’il a fait dans l’année. Ouvrant encore une fois son programme avec ses « gros » sauts, il n’a cependant pas été parfait, réduisant par exemple un triple lutz en double salchow et autres broutilles du genre. On les lui pardonne en sachant que pour tous les patineurs, cette compétition par équipe était en quelque sorte un tour de chauffe. Il a remporté la première place et les dix points qui vont avec. Mais... mais...

Evgeni Plushenko... Kevin Reynolds. Le Canadien venu en relève à Patrick Chan a terminé deuxième derrière Plushenko (photo)... à .28! Il s’en est fallu de peu pour que celui que l’on surnomme Mister Quad prive le Russe de la première place! En fait, la grande différence entre les deux se situe entre la technique et les composantes. Plushenko va beaucoup plus loin dans l’aisance, l’exécution, le talent artistique alors que Reynolds le domine dans les éléments techniques. Ça s’explique beaucoup par l’expérience et la maturité. Par 31 ans et 23 ans. Mais à quelques jours de la compétition individuelle, voilà de quoi donner confiance à Reynolds.

Si chez les messieurs c’est un homme mature qui a volé la vedette, c’est une fillette à peine sortie de l’enfance qui a fait la même chose chez les dames. Encore une Russe, la jeune Yulia Lipnitskaya, a brillé devant ses consoeurs plus âgées. Dire qu’il y a quelques mois, les Russes craignaient la compétition par équipe parce qu’ils estimaient ne pas avoir de femme assez forte pour s’y imposer! Lipnitskaya, encore une fois très émouvante, cette fois-ci dans son programme créé sur la musique de la Liste de Schindler, a fini à plus de douze points devant la deuxième place de l’excellente Gracie Gold qui a beaucoup progressé depuis l’automne dernier. La championne canadienne Kaetlyn Osmond a profité de l’occasion pour prendre encore un peu de glace, elle qui a été tenue à l’écart de la compétition à cause de blessures. Cinquième d’un groupe de cinq, elle n’a cependant pas été déclassée, moins de deux points séparant la troisième de la cinquième place.

Donc avant la danse libre, la Russie était assurée de l’or et le Canada de l’argent. Restait la lutte pour le bronze entre les États-Unis, l’Italie et le Japon. Mais les dés étaient pipés. Avec les champions du monde en titre dans leurs rangs, les États-Unis avaient, disons, une glace d’avance! Ce qui rendait la danse libre intéressante, c’était la lutte à prévoir entre les grands rivaux Virtue/Moir et Davis/White. La table a d’abord été mise par les Russes Ilinykh/Kasalapov et leur formidable interprétation du Lac des cygnes. Faut avouer qu’ils étaient dans le ton… patiner sur du Tchaïkovski en Russie, c’est assez concept! Mais outre ce clin d’œil à la culture de la mère patrie, ils ont été spectaculaires. Ils ont même égalé les Canadiens au niveau des éléments techniques, n’étant surpassés que par la grâce et le savoir-faire des champions olympiques en titre.

Virtue et Moir ont été presque impeccables, à peine un petit frémissement dans un porté difficile, et des twizzles impeccables cette fois. Mais... le « mais » vient de la différence de points entre les leurs et ceux des Américains qui ont remporté la manche. Près de sept! Ça, c’est sûr que ça va rester dans la tête de Tessa et de Scott, qui vont chercher comment réduire ou même effacer cet écart lors de la compétition de danse. C’est au niveau des éléments techniques que ça s’est joué.

De quelle façon ça pourra influencer le reste, on n’en a aucune idée, puisque c’est la première fois que les juges ont à juger une compétition avant les finales individuelles et par couples. Faudra espérer que l’ardoise soit complètement effacée et qu’on porte un regard neuf sur les performances des athlètes.

Médaille d’argent donc pour le Canada, une belle performance dans un format de compétition original où les athlètes avaient plaisir à s’encourager entre eux. Mais maintenant, plus droit à l’erreur. La performance d’un collègue ne pourra sauver celle de celui qui se trompe. Le patinage artistique retourne sans son individualité, cruelle parfois.