(Collaboration spéciale Nicolas Proulx) - Lors des années 70-80, la lutte occupait une place importante au Québec. Le Colisée de Québec se retrouvait fréquemment rempli pour les lutteurs de la "Lutte Internationale". Des noms comme "Abdullah the Butcher", "Rick Martel" et "Jacques Rougeau" ont marqué la province.

À cette époque, on y donnait des spectacles de qualité égale à la WWF (maintenant sous le nom de WWE). Ce genre de petite soirée intime, où tout pouvait se passer, était populaire. Les gens de Québec avaient hâte de voir ce qu'allait faire leur lutteur préféré. Toute cette frénésie donnait lieu à des escarmouches entre les partisans des différents clans de lutteurs. Un peu comme les vieilles rivalités entre les Canadiens et les Nordiques. Les jours suivants le spectacle, il était fréquent d'entendre les gens en parler. À l'époque, peu de gens connaissaient les secrets (des secrets qui ne le sont plus aujourd'hui) de la lutte professionnelle. Les partisans, pour la plupart, croyaient à ce qu'ils voyaient. Conséquemment, ils exprimaient une grande ferveur dans l'espoir de voir gagner leurs favoris. Les gens profitaient aussi de l'occasion pour laisser passer leurs frustrations de la semaine. Ils y en a même (demandez à Jacques Rougeau) qui allaient jusqu'à lancer un verre de bière rempli d'urine au visage des lutteurs, qui eux, ne faisaient que jouer le rôle du méchant. Mais interrogez ces lutteurs et ils vous répondront que toutes les réactions sont bonnes dans ce métier, car leur but premier se trouve dans l'intérêt des gens.

Un marché presque invisible

De nos jours, ce genre de ferveur semble avoir totalement disparu. Le sport occupe de moins en moins une place importante dans la Vieille Capitale. Les temps changent et la lutte évolue. Le produit québécois d'aujourd'hui est plus dilué à cause d'un nombre élevé de petites fédérations indépendantes. Plusieurs d'entre elles tentent de retrouver cette ferveur, mais elles ne font que passer inaperçues aux yeux du grand public. Ce qui engendre la fermeture de petits marchés comme la défunte CCW (Canadian Championship Wrestling), qui attirait généralement à peine 100 personnes par spectacle. Il semble qu'il soit impossible de tenir en vie ce genre d'organisation. Pascal Déry le confirme en disant que les fédérations comme la CCW manquent de sérieux. Selon lui, ils n'ont pas l'éthique des grandes organisations.

Mais qu'est-ce qui est responsable de cette baisse de popularité ? Est-ce que c'est parce que nous ne voyons pas des visages connus? Est-ce que c'est parce que les ligues sont gérées par des vieux lutteurs dépassés par leur temps? Est-ce un produit trop redondant? La vérité est qu'aujourd'hui tout est plus rapide dans le monde grâce à Internet, les "fast-food" et les "reality show" affirme monsieur Déry (ancien lutteur pour la CCW, QCW, RCW et présentement élève pour l'école "Chaotic Wrestling"). Des émissions comme "Star Académie" produisent des vedettes en le temps de le dire. C'est d'ailleurs un des problèmes majeurs dans la lutte québécoise, car les lutteurs sont de plus en plus jeunes et inexpérimentés. À ce propos, Pascal Déry a répondu: "À Québec, les jeunes prennent tout pour acquis par la popularité qu'ils ont dans leur petite ligue de quartier et croient tout savoir".

Lorsque les gens assistent à un spectacle de lutte, ils ont tendance à comparer avec la WWE. Par contre, la WWE est un monopole mondial gérant des millions de revenu télévisé chaque année. Alors comment faire concurrence à ce marché mondial? À ce sujet, plus d'une cinquantaine de personnes de Québec ont répondu à un sondage sur le marché de la lutte au Québec. Les répondants revenaient fréquemment avec la même suggestion. Il s'agirait de regrouper les meilleurs talents de chaque ligue du Québec pour créer une seule fédération de haut calibre. En effet, selon les répondants du sondage, il existe au Québec trop de petites fédérations offrant un produit sans goût. Mais, selon eux, il s'y trouve toujours quelques lutteurs qui sortent du lot et qui mériteraient une chance. De cette façon, le produit serait moins dilué et concentré davantage sur la qualité.

Solution réaliste?

Pour que ceci fonctionne, plusieurs critères doivent être considérés. Il faut, en premier lieu, trouver des gens sérieux qui prennent en considération les demandes du public. Ces personnes doivent s'entendre à merveille sur leurs idées. Car selon les propos et l'expérience de Pascal Déry, il arrive souvent qu'un "booker" (personne qui prépare la carte du spectacle et qui décide de la tournure des histoires) regarde d'abord ses propres intérêts. Ce genre de comportement se produit généralement lorsque le "booker" est lui-même un lutteur. Deuxièmement, il serait important de savoir précisément ce que les gens désirent voir en assistant à un spectacle de lutte.

Justement, voici un petit compte-rendu des suggestions qui ont été retenues en compilant les résultats du sondage. Les gens recherchent un spectacle qui a du sens et un divertissemment pour les yeux. Ils ne veulent pas nécessairement voir des cascades dangereuses sur des tables en feux exécutées par des lutteurs qui ne calculent pas vraiment les risques. Comme l'affirmait Pascal Déry lors de l'entrevue: "La lutte ce n'est pas juste de faire une "pirouette", il faut qu'elle veuille dire quelque chose. C'est comme au cinéma, si tu as seulement de l'action, les gens vont sortir de la salle et diront c'est quoi ce film, il n'y a pas d'histoire?" En effet, c'est aussi ce qu'affirme monsieur Pascal Gosselin (ancien lutteur pour la CCW ): "Comment voulez-vous que les gens comprennent qu'un lutteur perde un combat après avoir reçu un coup de chaise lorsque plutôt dans l'événement, un lutteur s'est relevé d'une dizaine de coups avec cette même chaise?" D'ailleurs, il a lui-même passé les cinq derniers mois blessé après avoir tenté une manœuvre sur des barricades. En revenant sur le sondage, les gens veulent généralement un produit qui leur offre de tout: les feux d'artifices, du spectacle et une histoire divertissante. Ainsi, il suffirait d'offrir une organisation donnant accès à toutes ces attractions. Tout en éliminant les petites fédérations qui, toujours selon les répondants, manquent souvent de diversité.

Nous avons choisi de vous éclairer sur les meilleures organisations selon vos goûts personnels, en questionnant monsieur Déry et monsieur Gosselin. Pascal Déry affirme que la NCW est la meilleure organisation en ce qui concerne le talent "pur" des lutteurs. Pour ceux qui voudraient assister aux spectacles, ils se donnent le samedi soir au 955 rue Villeray Est à Montréal. Maintenant pour ceux et celles qui préfèrent un produit plus adulte et beaucoup plus extrême, monsieur Gosselin conseille fortement la IWS en affirmant que "c'est la plus violente fédération". Leur site Internet est le www.syndicatewrestling.com et les spectacles se donnent en général au bar "Le skratch" à Montréal au coût de 15$. Pour les gens qui vivent à Québec, il serait conseillé d'aller voir un spectacle de la EWR. Vous pouvez voir la EWR une fois par mois au Centre Monseigneur Marcoux à Limoilou au coût de 12$.

En terminant, même si elles n'offrent pas un produit égal à celui des États-Unis, ces ligues accrochent une certaine partie de la population. Donc, il ne faut surtout pas négliger le fait que ces fédérations s'efforcent à garder un produit québécois. Bref, si vous voulez que la lutte reste encore longtemps au Québec, allez les encourager…ou criez-leur des bêtises !

Nicolas Proulx
sabseven81@hotmail.com